J-1 avant la conférence de Hollande sur Daesh : 66% des Français en faveur de l'intervention militaire contre l’État islamique<!-- --> | Atlantico.fr
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Les Français apparaissent très nettement en faveur d’une intervention armée en Irak contre l’Etat islamique (EI).
Les Français apparaissent très nettement en faveur d’une intervention armée en Irak contre l’Etat islamique (EI).
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Sondage exclusif IFOP pour Atlantico

Mardi 2 juin, François Hollande doit recevoir plusieurs chefs d’État afin de discuter de la situation en Irak et en Syrie, qui doivent faire face aux attaques de l'Etat islamique. Selon un sondage exclusif IFOP pour Atlantico, le président de la République pourra s’appuyer sur un fort soutien de l'opinion publique concernant la poursuite de la participation française aux opérations militaires chargées de repousser les agresseurs.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : A la lecture de ce sondage, les Français interrogés apparaissent très nettement en faveur d’une intervention armée en Irak contre l’Etat islamique (EI). Est-ce une surprise ?

Jérôme Fourquet : 2/3 des Français soutiennent l’idée d’une intervention militaire en Irak, ce qui est une part très élevée. Et même ¼ qui y est tout à fait favorable ce qui montre l’intensité du soutien.

Lire aussi : L’Etat islamique a-t-il d’ores et déjà gagné ?

Au regard des précédentes interventions militaires, ce n’était pas forcément quelque chose qui allait de soi. En effet, le soutien aux interventions suit toujours une trajectoire à peu près identique. Les Français ne sont pas par nature des va-t’en guerre et donc avant l’intervention il y a toujours une certaine réticence ou un clivage dans l’opinion qui est assez mitigé sur le bien-fondé d’une opération extérieure. Au moment où l’on décide d’y aller, en général on observe un réflexe patriotique d’unité nationale : l’adhésion grimpe significativement dans les jours et les premières semaines de l’intervention. Les anglophones appellent cela le "round the flag effect", le fait de se retrouver autour du drapeau. On a vu ça très clairement au moment du Mali. Les Français n’étaient pas très pour en amont, et une fois que les soldats ont été déployés, l’opinion a soutenu l’intervention.

Ensuite, vous avez plus ou moins rapidement une érosion de l’adhésion parce qu’il y a une forme de lassitude, à cause des conséquences financières, il peut aussi y avoir des victimes dans les rangs français ou des victimes collatérales dans la population civile avec par exemple des frappes aériennes… Le sentiment de lassitude peut aussi se produire quand on a le sentiment, cela avait été le cas en Libye et encore plus en Afghanistan, que le conflit s’enlise sans une perspective de victoire militaire ou politique claire. Même si ce n’est pas Verdun, des soldats décèdent et on n’en voit pas l’issue. Concernant la Libye, même s’il n’y a pas eu un seul mort français, il s’en est fallu de peu puisque en quelques mois l’opinion s’est quasiment retournée. Et coup de chance, Kadhafi a été rattrapé et tué. Comme le montre le tableau, le mars on était à 30 points, le 21 et 22 mars l’opération militaire avait démarré et on se situait à 66% puis on descend jusqu’à passer sous la barre des 50% en août. Cela s’arrête ensuite puisque Kadhafi est abattu et l’opération prend fin. 

Comment comprendre le soutien très important des sympathisants de gauche, supérieur à celui des électeurs de droite ?

Le niveau très élevé dans toutes les familles politiques en général peut s’expliquer car chacun y voit des intérêts différents. Autre explication, le sentiment d’unité nationale. Le fameux esprit du 11 janvier que l’on convoque régulièrement et dont on voit moins la traduction concrète dans la vie politique quotidienne depuis quelques mois perdurerait sur des sujets comme celui-ci. Lutter contre le terrorisme est de gauche comme de droite.

A cela s’ajoute pour expliquer dans un second temps que cela soit plus fort à gauche qu’à droite, explication classique dans ce genre de sondage, le réflexe partisan qui joue toujours. Respectivement, dans l’absolu, l’électorat de droite – je ne parle pas de l’électorat FN là - est toujours plus favorable à une solution militaire que l’électorat de gauche en général. Mais ensuite, ces électorats réagissent partiellement en tant que soutiens ou opposants. La situation politique influe sur le soutien accordé à telle ou telle décision du gouvernement en place. Si un président de gauche dans un gouvernement de gauche décide de partir en guerre, les électeurs de gauche ont plus de chance de le soutenir que si la décision avait été prise par un gouvernement de droite, et vice et versa. Sur le Mali, les sympathisants de gauche soutenaient plus fortement l’intervention que les électeurs de droite alors que sur la Libye, la droite UMP soutenait bien plus que l’électorat socialiste.

Concernant le FN, ces électeurs très souvent considèrent que le sang des soldats et l’argent des impôts sont trop précieux pour que l’on aille le « gaspiller » sur un territoire lointain. Ce n’est donc pas en termes de pacifisme que cela se joue mais de nationalisme ou patriotisme de repli. Cette position isolationniste est répandue au sein de ces sympathisants FN qui peuvent estimer qu’il ne s’agit pas de combat, d’intérêt français. Mais c’est aussi l’électorat le plus chauffé à blanc sur la menace du fondamentalisme islamique donc une partie de ces sympathisants pensent qu’il faut le combattre sur tous les terrains, y compris son terrain originel ce qui explique le chiffre assez proche de celui des électeurs UMP. 

Dans quelle mesure l’idée d’une intervention militaire contre l’EI ne suit-elle pas la même dynamique dans l’opinion française que les précédentes opérations militaires ? Comment l’expliquer ?

Dans le cas d’une possible intervention contre l’EI en Irak, il semble que le phénomène ne soit pas le même. Toute une série de raisons peut expliquer ce changement et ce soutien très fort.  D’abord l’ampleur même de l’opération. On a envoyé un porte-avion, un nombre d’avions non négligeable se livrent à la mission mais ce n’est pas un engagement mobilisant des milliers d’hommes et encore moins des hommes au sol. Si les informations sur une intervention contre l’EI ont été plutôt nombreuses au départ, maintenant des semaines se passent sans qu’on évoque la situation des troupes françaises en Irak. La visibilité de l’engagement français et son intensité sont relativement limitées aux yeux de l’opinion ce qui peut expliquer la bienveillance plus importante. Cet engagement n’apparait pas trop lourd ni humainement ni financièrement.

Deuxième élément qui pèse fortement, c’est que pour maintenir une légitimité forte, cette intervention est très clairement reliée à la lutte contre le terrorisme qui a frappé la France notamment début janvier. C’est ce qu’il s’est passé entre les deux vagues d’enquêtes, 18-19 septembre puis 25 et 26 septembre. Il y a eu une progression de 16 points que l’on peut expliquer par la mort entre temps d’Hervé Gourdel en Algérie le 23 septembre qui avait été pris en otage puis assassiné par des membres de l’Etat islamique (EI) pour frapper la France et la punir de s’être engagée aux côtés des américains en Irak. Il y avait deux possibilités : soit cet évènement faisait peur et on considérait que le théâtre sur lequel on s’était avancé était trop glissant et donc il ne fallait pas s’aventurer là-bas. Ou alors, réflexe patriotique, les Français considéraient que l’on avait bien fait d’y aller au contraire et qu’il fallait combattre là-bas comme ici un ennemi identifié, le terrorisme islamique. C’est ce deuxième scénario qui s’est produit, avec la volonté d’ôter les moyens à l’EI de nous menacer ultérieurement. 

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