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L'Iran se lance dans la guerre des chaînes par satellite
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Conséquence directe du Printemps Arabe, les autorités iraniennes se méfient encore davantage de la presse étrangère. Depuis plusieurs mois, Téhéran cherche à museler les médias en accentuant menaces, pressions et même brouillages de satellites.

Pierre-Yves Amara

Pierre-Yves Amara

Pierre-Yves Amara est ancien correspondant du Quai d'Orsay en Tunisie puis en Macédoine.

Depuis 2001, il est consultant en géopolitique pour plusieurs entreprises internationales. Vivant à Londres, il voyage beaucoup, notamment dans l'ex-bloc soviétique, en Afrique et en Asie.

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Lorsque plusieurs pays arabes ont commencé à se révolter, le régime iranien a immédiatement entamé le brouillage des programmes de la BBC, de Voice of America et de plusieurs bouquets satellites diffusant des chaînes en farsi. En effet, si la question de la surveillance du web a pris de l’importance cette année avec la polémique au sujet des affaires franco-libyennes par exemple, le contrôle des satellites est un enjeu qui obsède Téhéran.

Selon les estimations des autorités, entre 45 et 60% d’Iraniens regardent des chaînes satellites. En deux ans, l’audience de la chaîne BBC Persian a doublé, passant de 3,1 millions de téléspectateurs en 2009 à 6 millions à présent, malgré les campagnes d’intimidation de la part du pouvoir. Plus d’un Iranien sur 10 regarde BBC Persian chaque semaine.

Les autorités iraniennes ne l’ont pas supporté et ont lancé le mois dernier plusieurs cyberattaques contre la chaîne britannique. Le directeur général de la BBC Mark Thompson a pointé de nombreuses « coïncidences » début mars comme le fait qu’une majorité des employés de la chaîne ont vu leur connexion à Internet bloquée et leur site attaqué par déni de service pendant qu’au même moment les lignes téléphoniques étaient saturées par des appels massifs. Dès juin 2009, pendant l’élection présidentielle, le satellite Hotbird utilisé par BBC Persian était brouillé, forçant la chaîne persanophone à se replier vers un satellite moins puissant et permettant d’atteindre moins de foyers.

Le patron de la télévision publique iranienne a admis dans un discours en 2010 que le pays utilisait ce type de méthodes. "Nous brouillons les satellites" avait-il affirmé. D’après les spécialistes, le régime utilise deux types de brouillages différents : le brouillage vertical, envoyant de très forts signaux vers le satellite afin de saturer le flux, et le brouillage territorial, émettant des signaux locaux interférant avec la réception dans certaines zones.

Pour Salah Hamza, PDG de l’émetteur égyptien Nilesat, les régimes ont augmenté les brouillages à cause du printemps arabe. "Il y a maintenant des brouillages à Bahreïn, au Koweït, en Syrie et en Iran. Aussi bien les autorités que l’opposition cherche à perturber les satellites. La semaine dernière, nous avons eu des brouillages générant une puissance de 30 dBW qui oblitère tout le reste sur un transpondeur. Ces personnes agissent comme si elles étaient des opérateurs satellites, choisissant ce qui pourra être diffusé par un opérateur ou pas." D’après le chef d’entreprise, des plaintes ont été envoyées à la Ligue Arabe et à l’Union Internationale des Télécommunications, sans succès. "Peut-être faudrait-il que les Nations Unies s’emparent du sujet" suggère-t-il.

L’Iran ne se contente pas de brouiller la diffusion de chaînes de télévision étrangères, Téhéran multiplie les fréquences sur Arabsat (l’un des satellites capables d’émettre en Iran), outil indispensable du soft power persan dans la région. Cette hyper activité suscite l’inquiétude des Etats membres du Conseil de Coopération du Golfe qui ont d’ailleurs décidé d’accentuer les contrôles sur les chaînes satellites craignant que celles-ci attisent la colère des nombreux chiites de la région. Plus grave, Bahreïn a annoncé samedi sa décision de cesser la transmission de ses chaînes de télévision sur Arabsat pour protester contre la diffusion sur cet opérateur de chaînes iraniennes, accusées d’attiser la colère des chiites bahreïnis. L’Iran a indéniablement une stratégie claire de déstabilisation de plusieurs pays du Golfe mais craint par-dessus tout que les médias occidentaux viennent mettre à mal cette ambition en encourageant les iraniens à critiquer leur propre régime.

La situation ne devrait pas changer à court terme puisque le mois dernier, l’agence de presse iranienne Fars a publié un rapport très critique envers les chaînes de télévisions et radio occidentales en langue farsi expliquant que l’occident essaye d’affaiblir le régime grâce à ces « outils de propagande ».

Selon ce rapport, dès la fin de la guerre entre l’Iran et l’Irak, les services secrets occidentaux ont cherché à déstabiliser Téhéran en lançant de nombreux médias persanophones et en faisant la promotion de « la vulgarité » auprès des familles iraniennes tout en essayant d’attiser des mouvements contre-révolutionnaires. Fars voit deux types de médias étrangers en farsi ; "Les chaînes comme Pars, ITV, IPN, Live TV ... sont chargées de répandre la vulgarité tandis que BBC Persian, VOA, Andisheh, ou encore Radio Farda sont les bras politiques de cette opération d’envergure." Cependant, le peuple iranien aurait montré lors des dernières élections présidentielles qu’il refusait l’influence occidentale.

La propagande officielle dénonce donc la propagande venue de l’étranger. Les autorités iraniennes ne sont pourtant pas dupes et savent très bien que la population a accès à l’information extérieure. La réélection de Mahmoud Ahmadinejad a donné lieu à des fraudes massives sans lesquelles on peut parier que Mir Hossein Moussavi aurait pu s’approcher de la majorité. On peut donc parier que lors des prochaines élections présidentielles de juin 2013, le régime fera tout pour empêcher le peuple iranien d’avoir accès à l’information non-officielle. Mais que peut la censure face à la volonté d’un peuple ?

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