Irak : la guerre de tranchées qui pourrait se transformer en guerre de 30 ans (ah oui et aussi, la conférence internationale de François Hollande ne sert à rien)<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande et le président du Kurdistan Irakien.
François Hollande et le président du Kurdistan Irakien.
©Reuters

Vers l'enlisement

Alors que se tient depuis aujourd'hui à Paris la conférence internationale pour la paix et la sécurité en Irak, la coalition internationale récemment formée en vue de combattre l'Etat islamique semble plus fragile que jamais. Une menace pour la situation sur le terrain, qui, au regard de la configuration actuelle, risque de prolonger le conflit pour un long moment.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Atlantico: Le Président Hollande organise une conférence internationale sur la situation en Irak et la lutte contre l'Etat islamique ce lundi 15 septembre. Quelles sont les dernières évolutions du conflit sur le terrain ? 

Alain RodierEn Syrie, la situation est bloquée. Les islamistes de l'EI se sont emparés de la majorité des régions sunnites et ne pourront s'engager plus avant en terres kurde au Nord (sunnites certes, mais kurdes avant tout) et chiite au Sud. En effet, le problème d'une conquête de territoires réside ensuite dans la gestion des populations. Or, les Kurdes et les chiites sont fondamentalement hostiles aux sunnites. Les chefs de l'EI en sont conscients. Ils se contentent de tenir leurs positions.

Mais le problème est le même pour les Kurdes et les chiites pusqu'ils ne vont pas s'aventurer en zone sunnite. Ils sont déjà bien contents d'avoir "arrêté" l'avance de l'EI (qui de toutes façons, n'aurait pas été plus loin pour les raisons évoquées ci-avant).

Comme en 1914, après une guerre de mouvement, nous en sommes à une guerre de position. Les effectifs et les motivations sont toutefois totalement différents. Cela laisse à penser qu'il pourra y avoir des reprises de localités ou de terrains, tout simplement parce que les combattants de l'EI - totalement en sous nombre - se seront repliés sur des zones jugées plus stratégiques. Bien sûr, cela sera interprété comme des "grandes victoires" et exploité médiatiquement. Pour information, la CIA estime que l'EI est fort aujourd'hui de 20 000 à 31 500 combattants. C'est peu de choses quand on voit l'étendue du terrain à tenir.

Qu'est ce que la situation actuelle laisse présager de l'évolution du conflit ? 

L'EI se redéploie en Syrie où sa marge de manoeuvre est plus grande. Il s'attaque aux régions tenues par l'opposition armée, celle-ci étant partiellement en déroute car prise entre deux feux: celui des forces légalistes et celui de l'EI. La région au Nord d'Alep est particulièrement menacée.

Quel type d'avancées pourra être apporté par la conférence organisée par François Hollande ?

On va causer et faire de belles photos montrant la "détermination" de la nouvelle Alliance anti-EI. C'est bien, il faut parler. Mais je n'attends rien de vraiment concret. De plus, l'Alliance est fragile. Les pays arabes ne s'engagent pas directement mais moralement et "humanitairement". En fait, il vont regarder le film de la suite des évènements avant de tirer des conclusions. La Turquie est embarrassée par ses 49 otages toujours aux mains de l'EI. En conséquence, la base d'Inçirlik située près d'Adana, qui est géographiquement positionnée à un endroit crucial, ne pourra être utilisée que pour des opérations humanitaires ! Globalement, tout le monde est un peu gêné. En effet, l'EI est la résultante de ce qui s'est passé en Syrie depuis 2011. La responsabilité est partagée par tous les intervenants actuels...

Barack Obama a pris la décision d'intervenir aux frontières des deux pays tenues par l'Etat islamique. Quel est son champ d'action ?

L'erreur fondamentale de l'EI est de s'être constitué en "Etat". Il va ainsi offrir des cibles de choix à l'aviation américaine qui va pouvoir intervenir dans la profondeur du dispositif. Cela dit, une guerre se gagne à terre. A savoir qu'il faut qu'un fantassin aille chercher son ennemi à la baïonnette dans son trou pour qu'il capitule. Les Etats-Unis espèrent la jouer "par procuration" comme cela a fonctionné en Afghanistan en 2001. Il emploient la même stratégie en Somalie et au Yémen. Certes, dans ces deux pays, l'ennemi est contenu mais cela n'empêche pas des débordements à l'extérieur, dont des attentats terroristes menés depuis ces régions. Je suppose (et j'espère) que les stratèges occidentaux ont pris ces cas en exemple.  

Quelles pourraient être les conséquences d'une telle intervention ? 

Soyons clairs : il est tout à fait louable de vouloir lutter contre les fanatiques de l'EI et des autres mouvements de la même obédience. Cette guerre ne se cantonne pas au seul front syro-irakien, mais aussi à d'autres régions du monde. Nous sommes directement concernés par le Sahel en général et sur ce qui se passe en Libye en particulier. Il ne faut pas oublier l'Extrême-Orient dont certains mouvements radicaux islamiques ont fait allégeance au "calife Ibrahim".

Cela dit, l'ennemi peut être vaincu. Mais pour cela, il convient d'avoir une coopération internationale sans faille. Les conférences - dont celle de Paris - vont dans le bon sens. Mais, il convient aussi de revoir la politique menée en direction de deux acteurs majeurs : la Russie et l'Iran. Certes, il ne faut pas ignorer les dangers que représentent ces pays pour les intérêts occidentaux. Mais les marginaliser va à l'encontre même de ces intérêts. 

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