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Irak : comme en Syrie, Daech repasse progressivement à l’offensive. Ailleurs, le danger terroriste s'accroît
©Reuters

Fléau

Après des offensives et des actions en Syrie, Daech profite des crises que traverse l'Irak pour se restructurer et lancer de nouvelles attaques qui visent maintenant les forces de sécurité.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Il a été noté que Daech profitait de la faiblesse du régime syrien pour se réorganiser et repartir à l’action. Damas est pour le moment écartelé en raison de la situation délicate qui prévaut dans la province nord-ouest d’Idlib, par le fait que les territoires situés à l’est de l’Euphrate échappent à son contrôle, par la gestion de la crise provoquée par le coronavirus que le régime a longtemps nié et à laquelle il ne peut faire face, le système de santé étant complètement désorganisé par manque de moyens humains et matériels (quand les infrastructures tiennent encore debout).

Même si le sujet est moins abordé, l’Irak connaît à peu près le même sort. Daech profite des crises que traverse le pays pour se restructurer et lancer de nouvelles attaques qui visent maintenant les forces de sécurité et pas uniquement les populations sunnites qu’il a déjà repris en main.

Les crises que connaît Bagdad sont bien connues :

  • le coravirus qui a provoqué le confinement des populations à partir du 17 mars même si Bagdad est en train d’assouplir sa position ;
  • la révolte des populations chiites qui manifestent particulièrement place Tahrir car elles espéraient que la prospérité viendrait une fois Daech vaincu, ce qui leur a été annoncé par leur gouvernement et les Américains ;
  • la fermeture de la frontière avec l’Iran qui provoque la ire (mesurée) de Téhéran;
  • la chute du prix du pétrole qui est catastrophique pour les finances fédérales du pays ;
  • la difficulté à établir un gouvernement durable (le Premier ministre actuel, Mustafa al-Khadimi, l’ancien chef des services secrets irakiens, ne parvient pas à monter un nouveau gouvernement qui rencontre l’adhésion populaire) ;
  • les problèmes kurdes qui perdurent (avec la Turquie qui vient bombarder les positions du PKK quand cela lui chante)…

Daech se montre surtout actif dans les régions disputées du Nord, particulièrement dans la zone de Kirkouk riche en pétrole et densément peuplée. Les Kurdes avaient pris le contrôle de cette région en 2014 en s’opposant à l’avancée de l’"État" islamique mais l’avaient reperdue en 2017 suite au référendum raté sur l’indépendance du Kurdistan. D’autres villes comme Hawija (à 45 kilomètres à l’ouest de Kirkouk) étaient restées sous le contrôle des salafistes-jihadistes jusqu’en 2017 qui en avaient été chassés par les forces gouvernementales épaulées par les milices chiites pro-iraniennes.

Comme les Américains et la coalition ne participent plus à la guerre directe contre Daech, leur premier souci étant de se protéger des agissements des milices chiites pro-iraniennes Hach al-Chabi, mais aussi parce que les forces de sécurité irakiennes sont accaparées par la gestion du confinement et le maintien de l’ordre au sein des populations chiites, Daech trouve là l’opportunité rêvée de reprendre pied et de préparer - comme en Syrie - la guérilla à venir.

Le monde est actuellement accaparé par le Covid-19 et ses conséquences humaines et sociétales catastrophiques. Les moyens militaires - au moins occidentaux - sont sérieusement handicapés par ce fléau. Daech et Al-Qaida "canal historique" profitent à plein du coronavirus qu’ils surnomment le "soldat de Dieu" pour se remettre en ordre de bataille. Cela est évident sur le continent africain où les opérations offensives des franchises des deux formations salafistes-jihadistes sont à l’offensive. Partout ailleurs, ces mouvements profitent de la diversion occasionnée par la pandémie pour se restructurer, se réorganiser et s’équiper. Si l’on en croit les communiqués de victoire que les autorités occidentales publient régulièrement, les Occidentaux neutralisent un à un leurs émirs. Cela est un peu vrai mais c'est aussi une illusion. Les salafistes-jihadistes augmentent régulièrement leurs effectifs ralliant à leur cause révolutionnaire tous les "damnés" de la terre (s’ils sont sunnites ou se convertissent au sunnisme). Les chefs tombés en martyrs sont aussitôt remplacés par des responsables, parfois encore plus extrémistes qu’eux. Tel le cancer, les réseaux clandestins se répandent en se métastasant. Le 21 janvier, sept hommes ont été arrêtés à Brest soupçonnés vouloir se livrer à des attentats; le 23 février, ce sont trois individus qui préparaient des explosifs dans un appartement d'Épinal qui sont appréhendés. Depuis le début de l'années, trois attaques à l'arme blanche ont été répertoriées comme "terroristes" en France. Quatre Tadjiks ont été arrêtés à la mi-avril Allemagne. Selon Berlin, n’ayant pu rejoindre une zone de jihad, ils envisageaient des attentats d’envergure particulièrement dirigés contre des bases militaires US. Le 21 avril, Abdel-Majed Abdel Bary, un ex-rappeur britannique (qui avait été un temps confondu avec Jihad John) devenu adepte de Daech est arrêté en Espagne alors qu'il est l'un des hommes les plus recherché d'Europe. Déjà, le 28 janvier, un ressortissant marocain avait été appréhendé dans la province de Tarragone pour "crimes d’endoctrinement et d’apologie du terrorisme"...

La police antiterroriste espagnole a arrêté le 21 avril un ex-rappeur britannique devenu combattant de l'État islamique, Abdel-Majed Abdel Bary – l'un des militants les plus recherchés d'Europe.

D’autres opérations policières en Europe démontrent que la menace terroriste, non seulement est encore présente, mais s’étend. La fin de l’épidémie du Covid-19 (encore très éloignée si l’on en croit les sachants) sera un soulagement général. Le réveil terroriste risque d’être terrible et, il ne concernera pas que les salafistes-jihadistes mais tous ceux qui souhaiteront profiter de la reconstruction pour imposer leurs idées révolutionnaires. Douze hommes liés à l'extrême-droite ont ainsi été arrêtés en février 2020 soupçonnés vouloir mener des attentats contre des étrangers. Le 19 février, une fusillade a eu lieu à Hanau faisant douze morts et quatre blessés. L'auteur se décrivait comme "raciste, xénophobe et eugéniste". L'ultra-gauche et les anarchistes se préparerait également à mener des actions subversives violentes. 

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