Xavier Bertrand : “J’attends du futur président de l’UMP qu’il s’engage à refuser toute cohabitation avec François Hollande”<!-- --> | Atlantico.fr
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Xavier Bertrand.
Xavier Bertrand.
©Reuters

Objectif : 2017

Le candidat déclaré à la prochaine primaire UMP en vue des élections présidentielles de 2017 dévoile les grandes orientations de son programme : refaire de l'UMP "une formation politique de masse", intégrer un objectif de croissance dans les statuts de la BCE, ou encore réduire les effectifs de la fonction publique pour pouvoir diminuer les impôts.

Xavier Bertrand

Xavier Bertrand

Xavier Bertrand est Président de la Région Hauts-de-France et Président de Nous France.

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Atlantico : Vous avez pu être critique à l’égard de Nicolas Sarkozy au cours des dernières semaines et des derniers mois. Comment réagissez-vous à la suite des évènements de cette semaine ?

Xavier Bertrand : Je suis choqué, parce que j’ai le sentiment qu’il n’a pas été normalement traité. La garde à vue n’était certainement pas indispensable et je mesure l’épreuve que cela a dû représenter pour lui. Et quand il dit avoir eu le sentiment d’être humilié, je le comprends.

Concernant les magistrats en charge de cette procédure, que je qualifie d’exceptionnelle et d’anormale alors qu’une audition aurait largement suffi, je me demande s’ils mesurent bien l’image que cela donne de notre pays à l’étranger, vu les réactions de la presse internationale. Je pense que l’esprit de responsabilité doit animer tout détenteur de l’autorité publique, magistrats compris.

Quant à mes positions, je les assume : si je peux avoir des divergences sur le fond avec l’ancien président, je ne me trompe pas d’adversaire : je suis un opposant à François Hollande, pas à Nicolas Sarkozy.

Nicolas Sarkozy est encore le favori des militants de l’UMP. Comment l’expliquez-vous ?

Au même niveau qu’Alain Juppé. C’est l’incertitude aujourd’hui à droite sur la question du leadership. Et je suis persuadé que dans deux ans, il y aura d’autres personnalités en mesure de remporter l’élection primaire. Je ne suis pas candidat pour compter, mais pour gagner.

Si Nicolas Sarkozy peut incarner une ligne politique "antisystème", François Fillon une ligne plus libérale, et Alain Juppé une ligne plus centriste, quelle ligne souhaitez-vous incarner dans la perspective de votre candidature à l’élection présidentielle de 2017 ?

Je n’ai pas vocation à rentrer dans une case. Je suis un élu d’une ville très populaire, Saint-Quentin, qui a pour habitude de voter à gauche aux élections nationales et où le Front National fait des scores très importants, et cela ne m’a pas empêché de regagner l’élection municipale dès le premier tour. J’ai conscience que je suis difficilement classable : je n’ai pas suivi le parcours type, je suis provincial, je n’ai jamais travaillé dans un cabinet ministériel, je ne suis pas passé par l'ENA, je n’ai jamais fait partie d’une écurie présidentielle, et cela me permet d’avoir une approche différente des problèmes. Je parcours la France depuis plus de 10 ans, ce qui me donne un ancrage très différent mais également la possibilité de proposer des réponses réellement nouvelles. Je pense que les recettes d’hier, de 2012, 2007 ou 2002 ne seront pas la solution pour 2017. Je me sens complètement libre de tout ancrage idéologique.

Il est vrai que ce qui m’a forgé, ce sont les racines gaullistes, je viens du RPR. Mais aussi l’approche de Philippe Séguin qui croyait au volontarisme politique et qui était tout sauf un laxiste. Il en a fait la preuve à la Cour des comptes. Il pensait qu’il fallait aussi savoir réduire les dépenses pour se recréer des marges de manœuvre et incarner une politique.

Quelles sont les leçons politiques des dernières élections européennes ?

Les élections européennes ont été le dernier avertissement avant un nouveau 21 avril qui peut frapper la droite comme la gauche. Je suis effaré de voir que l’ambition ultime de beaucoup de leaders serait d’arriver en deuxième position derrière Marine Le Pen. Le Front National n’a pas vocation à être le premier opposant à François Hollande, ni même à arriver en tête au premier tour de l’élection présidentielle. C’est la vocation de l’UMP et de son candidat, ou de la nouvelle UMP. Parce qu’il faut changer l’UMP.

Et que voulez-vous changer à l’UMP ?

Il nous faut une nouvelle formation politique, la question du nom est secondaire. A l’automne, nous aurons un nouveau président de l’UMP. Mais il nous faut une nouvelle formation politique dès le début de l’année 2015, à partir de ce qu’a été l’UMP. Non pas une dissolution, non pas une modification, mais une transformation totale de l’UMP.

Lorsque j’étais secrétaire général, les radicaux et Jean Louis Borloo étaient avec nous. D’une certaine façon, l’UMP a commencé à mourir le jour ou Jean-Louis Borloo est parti. Ce fut une erreur de les avoir laissés partir. Nous rassemblions de Philippe de Villiers et Christine Boutin, jusqu’à Jean Louis Borloo. Ce que j’ai réussi à faire lorsque j’étais secrétaire général avec le Comité de la majorité, c’est ce qu’il faudra réussir à nouveau si on veut l’emporter en 2017, avec des élections primaires ouvertes à la droite et au centre.

Je veux que le futur président de l’UMP s’engage sur des primaires ouvertes aux électeurs et aux candidats de la droite et du centre, et qui se tiendront à l’automne 2016 pour créer une dynamique pour l’élection présidentielle.

J’attends aussi du Président de l’UMP qu’il s’engage clairement à refuser par avance tout principe d’une cohabitation si François Hollande rentrait dans une logique politicienne de dissolution pour convenance personnelle. Je veux un président de l’UMP qui s’engage à la transparence totale des finances de l’UMP. Je veux également un principe de primaires partout et pour tous. C’est-à-dire qu’à tous les niveaux de responsabilité, plus aucun responsable ne pourra être nommé par Paris mais que tous devront être élus par nos militants. Pour que les adhérents de l’UMP sachent que leur voix compte, qu’ils puissent peser sur les choix stratégiques, sur le projet, mais aussi choisir leurs responsables. Cela doit être vrai du délégué de canton jusqu’au président de l’UMP et à tous les candidats aux élections, pour que tout parachutage soit banni à jamais. Ce serait un renversement sans pareil dans le fonctionnement de l’UMP. Les solutions ne doivent plus venir d’en haut, mais des électeurs. La carte d’adhérent de l’UMP doit devenir une carte d’électeur en permanence.

Le système français aujourd’hui est trop Jacobin. C’est vrai aussi pour l’UMP. Il faut une décentralisation en profondeur, par les réseaux sociaux et les réunions d’adhérents. Si les adhérents ne sont plus réunis, à quoi cela sert d’être adhérent ? Il faut rendre ces réunions obligatoires et associer  les adhérents à  l’ordre du jour. Lorsque j’ai quitté le secrétariat général de l’UMP, nous étions proches de 300.000 adhérents, et je suis convaincu que l’UMP a vocation à être une formation politique de masse. Plus vous rassemblez de Français, plus vous ressemblez aux Français, et plus cette nouvelle formation sera représentative.

Une formation politique a vocation à promouvoir ses élus. De formidables talents ont eu la confiance des Français lors des élections municipales ; des talents qui, en raison du non cumul des mandats, ne seront pas en mesure d’être Parlementaires. Il faut leur permettre d’exister, d’être entendus et reconnus. C’est ce que j’avais voulu faire par le passé avec les "nouveaux talents", il faut le continuer. Il faut également mettre en place une internationalisation des échanges, avec ses adhérents de l’étranger et avec les formations politiques étrangères.

Quels seront les prochains défis pour l’UMP ?

L’enjeu n’est pas seulement de gagner en 2017. Il faudra avoir la force et le soutien populaire pour engager les quatre ou cinq grandes réformes majeures dont notre pays a besoin pour redresser la tête. Je veux que l’on tourne le dos à cette pratique qui consiste à consacrer toute son énergie à la conquête et à la conservation du pouvoir plutôt qu’à l’exercice du pouvoir. Voilà pourquoi je plaide pour une réforme simple qui est le retour au septennat, mais non renouvelable, pour que le Président élu n’ait d’autre choix que d’engager les réformes, même si elles sont difficiles, plutôt que de se soucier de sa réélection.

Je veux m’adresser avant tout à la France du travail. Je dis à celles et ceux qui veulent que rien ne change de ne pas voter pour moi. Je le dis par exemple aux fonctionnaires qui voudraient garder le statu quo sur les jours de carence. Si nous avons 3 jours de carence dans le privé, ce sera trois jours dans le public. Un autre exemple, je suis prêt à prendre les primes dans le calcul des retraites, mais si certains ne veulent pas que l’on passe aux 25 meilleures années pour le calcul des retraites, comme dans le privé, alors il ne faut pas voter pour moi.

A force de vouloir plaire à tout le monde et de ne rien dire qui puisse fâcher, tout le monde nous tournera le dos.

On parle beaucoup des classes moyennes mais il ne faut pas oublier les ouvriers de condition très modeste qui payent aussi un tribut à l'assistanat. La question de la classe moyenne est importante mais la question de la France du travail est pour moi beaucoup plus juste. Je n’oublie pas non plus la ruralité. Beaucoup de Français sont aujourd’hui oubliés. En ne pensant que grandes régions, villes et agglomérations, la réforme territoriale consiste à faire disparaître des millions de citoyens des écrans radar. Ce serait une faute d’oublier ce qu’est la tradition française, l’essence française, et elle ne peut disparaître. On ne peut oublier l’aménagement du territoire, les solidarités et l’équipement de ces territoires, sinon la France ne sera plus la France.

Quels sont vos relais au sein du Parti ?

Je ne suis pas seul. On ne peut pas réussir en étant seul. Des parlementaires m’accompagnent depuis longtemps et me font confiance, mais également des élus de terrain et mon association la Manufacture. Ce sont plusieurs milliers d’adhérents, dont beaucoup sont des adhérents de l’UMP. Cela bâtit un socle très représentatif et très impliqué.

Vous étiez sur la liste noire du Front National et vous n’êtes pas du centre. N’est-ce pas une faiblesse pour bâtir un socle électoral ?

Je ne me positionne pas par rapport aux autres. Les Français ont clairement voulu placer Madame le Pen en tête lors des dernières élections. Nous avons été beaucoup trop timides sur la critique du Front National. Nous n’avons pas suffisamment mis en avant le danger que serait l’application du programme de Madame Le Pen. Il ne faut pas se tromper entre ceux qui votent par adhésion pour le Front National, et ceux, plus nombreux qui votent pour la FN parce qu'ils veulent que les politiques se réveillent et s’occupent de leurs problèmes. Il faut leur montrer que le message a été reçu et que nous sommes capables d’apporter des réponses à notre pays.

Quand Marine le Pen essaye de faire croire qu’il y a une tragédie familiale au sein du Front National, ce n’est pas la réalité. Jean-Marie Le Pen a eu des propos à caractère antisémite, cela n’est pas qu’une simple faute politique, c’est une faute morale. Madame Le Pen refuse de faire le ménage dans son entourage. Quand elle veut donner des leçons sur le financement politique, je demande qu’elle nous renseigne sur la question du financement du Front National.

La  politique de François Hollande est une catastrophe pour le pays, mais la politique du Front National serait une catastrophe bien pire encore. Il faut dénoncer le silence coupable de Marine Le Pen et les propos ahurissants de Monsieur Philippot, donnant raison aux preneurs d’otages qu’ont été les grévistes de SUD-rail et de la CGT-rail. Marine Le Pen ne demande jamais le moindre effort notamment à la fonction publique, elle ne parle jamais de droits et de devoirs pour les demandeurs d’emploi. Elle ne remet pas en cause l’assistanat et les statuts qui protègent car elle souhaite faire l’aspirateur à voix en espérant récupérer tout mécontentement. C’est une attitude indigne d’un responsable politique.

Manuel Valls engage des réformes de baisses des dépenses et des baisses de charges pour les entreprises, cela correspond donc à vos souhaits ?

Les socialistes sont devenus des machines à fabriquer des impôts et des taxes. Dernier exemple en date avec la taxe de résidence pour les hôtels. Alors même qu’ils voulaient faire du tourisme une priorité. C’est le parfait exemple d’un secteur non délocalisable qui va se retrouver meurtri par cette folie. On n'a plus le droit d’augmenter les impôts, et cela passe par une baisse des dépenses.

Ce que l’on apprend aujourd’hui avec Matteo Renzi et Manuel Valls, c’est qu’il ne faut pas se fier aux apparences. On voit une attirance pour le changement, mais pour Manuel Valls le changement reste dans les mots et si Matteo Renzi donne le sentiment de vouloir réformer son pays, il est profondément fédéraliste au niveau européen. Je souscris aux réformes en profondeur mais certainement pas au fédéralisme européen.

La France est confrontée à des problèmes majeurs, notamment le chômage. Et le Pacte de responsabilité n’est pas à la hauteur. La question est principalement macroéconomique, Il faut réviser les statuts de la Banque centrale européenne pour qu’elle puisse intégrer un objectif de croissance. Il faut également baisser la fiscalité mais cela ne sera possible que lorsque nous aurons baissé les dépenses publiques. Il faudra moins de fonctionnaires et moins de dépenses, sans cela nous ne pourrons pas baisser les impôts. Et je veux baisser la fiscalité. Il faudra également changer le Code du travail et simplifier les licenciements.

Vous avez indiqué que l’Europe ne pouvait plus avancer sur le système du Merkozy ou du Merkollande. Le couple franco-allemand serait-il dépassé ?

Ce couple est un des moteurs de l’Europe mais il n’est pas le seul. Le problème est qu'il n’est pas équilibré. L’Allemagne doit sa puissance économique en grande partie à l’euro alors que la France doit sa faiblesse à François Hollande et à sa politique. Des réformes sont nécessaires en France pour un rééquilibrage politique. Mais même avec ces réformes, si la politique macroéconomique européenne n’est pas modifiée, nous ne pourrons pas nous désendetter. Force est de reconnaître que les Allemands continuent de subir les bienfaits des réformes Schröder, mais également que l’euro a été taillé sur mesure pour eux. Le couple franco-allemand ne consiste pas à éviter les sujets qui fâchent. On ne peut reprocher à Angela Merkel de défendre les intérêts de l’Allemagne. Mais il serait bien que la France défende enfin ses intérêts.

Vous avez demandé que chaque personne impliquée dans l’affaire Bygmalion ou dans la campagne de 2012 s’écarte de l’UMP. Pourquoi ne pas attendre que la justice se prononce ?

Je m’en tiens aux accusations des protagonistes. Ce sont ceux-là même qui ont été les acteurs au cœur du dossier qui en ont dévoilé le mécanisme. Ils ont été suffisamment clairs.

Mais je veux également un comité éthique composé de personnalités et d’adhérents au sein de l’UMP. Avant même de se poser la question de la présomption d’innocence, il faut pouvoir juger de l’attitude de certains responsables ou de certains élus. De façon à ce que l’on n’ait pas à attendre des condamnations judiciaires pour prendre des dispositions.

L’UMP a vraiment failli disparaître, en raison de la guerre Fillon-Copé en 2012 et en raison des révélations récentes. Il nous faut rebâtir de la confiance.

La conférence sociale s’ouvre ce lundi 7 juillet. Qu’en attendez-vous et comment jugez-vous l’état du dialogue social depuis deux ans ?

Le dialogue social fait partie des grandes promesses de 2012, une promesse encore une fois trahie. L’avenir du dialogue social à mes yeux, passera par les entreprises plus qu'au niveau national, comme cela est possible depuis la loi du 20 août 2008 (Loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, ndlr).

Avec des jeux de posture permanents, les partenaires sociaux au niveau national sont trop conservateurs et freinent ce dialogue plus qu’ils ne le favorisent.

Concernant la conférence qui s’ouvre ce lundi, je ne peux qu’en déplorer les timides ambitions qui ne sont pas à la hauteur de ce dont le pays a besoin.

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