Interdire les téléphones avant 11 ans ? Vrai enjeu, solution (totalement) inadaptée<!-- --> | Atlantico.fr
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Lors de sa conférence de presse, Emmanuel Macron a annoncé sa volonté d'interdire les téléphones portables pour les moins de 11 ans, tout en imposant une majorité numérique à 15 ans.
Lors de sa conférence de presse, Emmanuel Macron a annoncé sa volonté d'interdire les téléphones portables pour les moins de 11 ans, tout en imposant une majorité numérique à 15 ans.
©Valentine ZELER / AFP

Responsabilité

Lors de sa conférence de presse, Emmanuel Macron a pointé la responsabilité des écrans dans le harcèlement et le mal être de la jeunesse. Les choses sont-elles aussi simples ?

Pierre Beyssac

Pierre Beyssac

Pierre Beyssac est Porte-parole du Parti Pirate

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Stéphane Hugon

Stéphane Hugon

Stéphane Hugon est sociologue, enseignant, et co-fondateur d’Eranos, une société de conseil en transformation culturelle.

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Vincenzo Susca

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Vincenzo Susca est chercheur au Leiris et maître de conférences HDR en sociologie de l’imaginaire à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3. Il est l’auteur de plusieurs livres sur le rapport entre l’imaginaire, les médias et la vie quotidienne, dont le dernier est Technomagie (Milan 2022, Montréal 2024, Porto Alegre 2024).

Technomagie. Extases, totems et enchantements dans la culture numérique, qui vient de paraitre aux éditions Liber (https://www.editionsliber.com/catalogue.php?p=975), Milan 2022, Montréal 2024, Porto Alegre 2024.

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Atlantico : Lors de sa conférence de presse, Emmanuel Macron a annoncé sa volonté d'interdire les téléphones portables pour les moins de 11 ans, tout en imposant une majorité numérique à 15 ans. En quoi cette mesure sur les téléphones constitue une atteinte aux libertés publiques ? Est-ce que nous sommes face à une logique « liberticide » en nous soumettant à ces interdictions ? Faut-il réfléchir à une régulation des usages plutôt qu’à une interdiction ?

Pierre Beyssac : Il s'agit d'une proposition issue du récent rapport "anti-écrans" commandé par le président, et dont les auteurs n'avaient pas caché que la conclusion à laquelle ils devaient arriver était téléguidée par E. Macron.

La mesure n'a guère de sens scientifique et s'inscrit dans l'obsession française de réglementer dans les moindres détails notre vie de tous les jours, notamment numérique, et ici en se substituant aux parents jugés incapables de résister aux demandes des jeunes enfants.

Elle parle beaucoup à l'électorat technophobe et traditionnaliste qui demande des marques d'autorité. C'est à dire exactement l'électorat que Macron souhaite séduire en ce moment pour faire baisser le RN.

Également envisagée suite au rapport anti-écrans : une interdiction d'accès Internet sur mobile entre 11 et 13 ans. Pas d'Internet mobile pour nos enfants, qui seraient donc privés en bloc de Wikipédia, de Pronote (l'application très populaire à l'éducation nationale pour les relations élèves-administration), pas d'application de cartographie ou itinéraire, etc. Est-ce vraiment raisonnable d'en arriver là ?

Vincenzo Susca : Les médias ont depuis longtemps construit un territoire parallèle à la réalité matérielle, jusqu’à envelopper en eux cette dernière. Nous pouvons sans doute affirmer qu’aujourd’hui ils précèdent et transcendent le paysage physique. Les éteindre est d’une part impossible, de l’autre dangereux, car signifierait empêcher d’être en société, voire d’être au monde. D’ailleurs, cette méthode a déjà des difficultés à fonctionner dans des pays autoritaires comme la Corée du Nord, la Chine et la Russie. En France, ce serait juste impensable. Pour les enfants et les adolescents – dont la ruse est l’art de vivre ! – elle impliquerait un décalage entre leur vie et toutes les dynamiques psychologiques, culturelles et sociales de notre existence. 

A bien des égards, dans notre paysage informationnel nous nous retrouvons dans la condition paradoxale d’être sans liberté exactement à cause du fait que la pollution médiatique excède notre capacité de filtrer, interpréter et comprendre les informations. En outre, le regard et le toucher permanent de l’autre sur tout en chacun, limite l’indépendance des individus sur laquelle notre culture s’est fondée à partir de la Renaissance. Si on avait voulu regler ce secteur en Occident, on aurait du le faire bien avant alors que les médias ont véritablement dépassé les institutions publiques en les remplaçant tant dans les dynamiques du quotidien qu’au niveau institutionnel.  Nous y sommes, en effet, arrivés trop tard ! La fin du XXe siècle a marqué le passage entre la politique spectacle et la politisation du spectacle, si bien que les médias sont devenus le pouvoir, le territoire, le langage. Ce n’est pas un hasard s’ils sont également la source de nouvelles figures politiques dont S. Berlusconi, D. Trump et même le président Macron sont des expressions directes. Sans la puissance des médias, son mouvement n’aurait jamais pu bousculer le système politique français. Certes, maintenant il a acquis un profil institutionnel sérieux et sobre, mais n’oublions pas le populisme qui a caractérisé la naissance de son mouvement En marche en tant que force anti-politique.

Il faudrait et, surtout, il aurait fallu, comme le fondateur des sciences de la communication, Marshall H. McLuhan, le disait depuis les années 60, « comprendre les médias ». Au contraire, on a toujours cru, notamment en France, que les médias étaient des outils à notre disposition, presque des jouets, sans prendre en compte à quel point ils devenaient notre environnement social, psychologique et culturel, si bien que nous vivons une véritable médiatisation de l’existence selon laquelle notre vie acquiert un sens et une forme préalablement dans cette dimension. En l’occurrence, comme on le voit avec TikTok, BeReal ou Instagram, nous sommes dans ces espaces avant même d’être dans la rue, et la place publique est la suite de nos expériences dans les contextes numériques. Une éducation aux médias permettrait de relier ces formes médiatiques à celles physiques, et vice-versa, en apprenant comment glisser entre les unes et les autres sans traumatismes, jusqu’à en comprendre les continuités, les nuances et les différences. Par exemple, plutôt qu’interdire les portables et les tablettes, il serait utiles de les envisager dans un système culturel où ils sont en rapport directe avec tous les autres médias : livres, théâtres, cinémas… Si on oblige les jeunes à lire, ils ne liront pas. Sans doute, la culture actuelle privilégie des formes culturelles rapides, accessibles et ludiques qui s’éloignent de la « fatigue de la lecture », c’est-à-dire des efforts liés au processus d’abstraction. L’abstraction est aujourd’hui remplacé par la télé-empathie. C’est pourquoi l’individu est en crise. Je ne crois pas qu’on puisse revenir en arrière par rapport à cette condition, surtout on ne peut pas le faire en passant par les lois. En revanche, on peut travailler afin qu’il y ait un régime médiatique pluriel dont tous les médias – et même les livres – auraient une place importante.

Cette décision infantilise-t-elle les parents par rapport à leurs enfants concernant le choix des téléphones portables et l’encadrement de son utilisation ? N’est-ce pas aux parents de contrôler l’utilisation des smartphones par leurs enfants ?

Pierre Beyssac : Oui, beaucoup de parents choisissent déjà de ne pas donner de téléphone aux jeunes enfants. Les choix sont différents suivant les circonstances familiales, les régions, etc. Un enfant en zone rurale qui passe des heures dans les cars de ramassage scolaire en aura peut-être besoin avant un jeune citadin.

La proposition de fixer l'âge à 11 ans, rigide donc inadaptée aux situations individuelles, piétine les prérogatives des parents. On peine également à voir comment elle serait appliquée en pratique : vérification à l'achat ? Mais quels enfants de moins de 11 ans achètent eux-mêmes un téléphone ? Les parents pourront probablement continuer à choisir à leur guise.

Vincenzo Susca : Les parents aujourd’hui sont, dans la plupart des cas, moins compétant que leurs enfants par rapport à ces nouveaux médias. Par conséquent, ils perdent la légitimité vis-à-vis des youtubeurs, des influenceuses, de streamers de Twitch. Je crois que d’une part on ne devrait pas les laisser seuls dans la lourde tâche de l’éducation aux médias, et de l’autre qu’on ne peut pas les exclure. Il faudrait plutôt envisager une coopération généralisée entre parents, institutions et enfants pour comprendre les médias et appréhender à habiter dans un monde médiatisé.

Pensez-vous que l'interdiction des téléphones avant 11 ans est une réponse adéquate pour lutter contre le harcèlement et le mal-être des jeunes, ou s'agit-il d'une solution simpliste à un problème complexe ? Peut-on établir un lien direct entre l'utilisation des téléphones par les jeunes et le harcèlement ou le mal-être ? Quelles alternatives existent pour protéger les enfants du harcèlement et du mal-être sans interdire complètement les téléphones ?

Vincenzo Susca : Le stress informationnel, l’anxiété, les troubles d’attention, le harcèlement, la dépression et, plus globalement, la crise contemporaine qui investit nos sociétés, et notamment les plus jeunes, est étroitement lié à la condition numérique, celle-ci étant la cause et l’effet de la culture contemporaine. Nous ne pouvons plus opérer une distinction entre l’une et l’autre car elles vivent depuis longtemps dans un rapport de va-et-vient, de reversibilité et de co-détermination. Nous sommes en train, en effet, de vivre sur notre peau l’obsolescence de l’individu rationnel vers des nouvelles formes où l’altérité prévaut sur le « moi » et les « nous » dépassent le sujet. La technomagie est exactement un système où nous sommes possédés par ce que nous croyons posséder et agit à la place d’agir. C’est pourquoi les intelligences artificielles finissent par « penser » à notre place. Nous sommes « pensés ». Sans trop regretter ce qui n’est plus là, nous devrions essayer de comprendre quelle est notre place là où nous ne sommes plus ni au centre ni le centre du monde. Certes, la notre est une époque de décadence, mais je tiens à souligner que, si la marche du progrès est finie et l’homme a fait un pas en arrière, ce pas pourrait être un pas de danse où on apprendrait à nouveau ce qu’on avait oublié en Occident : que nous sommes reliés aux autres et ces liens existent même et surtout si nous arrêtons de considérer que nous devrions être les maitres du jeu. Plutôt que de simple mal-être, je préfère donc évoquer, comme j’ai fait dans un livre d’il y a quelque année, une joie tragique selon laquelle les plaisirs et les douleurs sont extrêmes. Ici, malgré tout, l’on vit encore !

Pierre Beyssac : Les problématiques de harcèlement et de mal-être méritent mieux que des interdictions aussi générales. Entraver l'usage du téléphone, c'est s'attaquer aux symptômes plutôt qu'aux causes réelles des problèmes : politiquement très visible, mais superficiel.

D'ailleurs, si cette interdiction est couplée à celle de l'Internet mobile, ces téléphones ne permettront pas de faire grand-chose : pas d'application, pas de réseaux sociaux, peu de messagerie instantanée hors des vieux SMS, etc. Quel est alors le risque réel de harcèlement ?

Alors que la dissolution pourrait placer le RN au pouvoir dans quelques semaines, on peut se demander également si le président ne devrait pas consacrer son temps précieux à des sujets plus importants pour l'avenir immédiat de notre pays.

Le projet d’Emmanuel Macron est basé sur un rapport d’experts, remis au chef de l’Etat en avril dernier, qui préconisait d’interdire l’usage des écrans aux moins de 3 ans et des téléphones portables aux moins de 11 ans. Dans ce rapport, la commission d’experts a alerté sur « la réalité de l’hyperconnexion subie des enfants » et sur « les conséquences pour leur santé, leur développement, leur avenir », mais aussi pour l’avenir « de notre société, [de] notre civilisation ».  Ces annonces sont-elles contestables ? Pensez-vous que ces experts confondent les écrans avec lusage qui en est fait ?

Stéphane Hugon : Ce rapport confirme un certain nombre de travaux qui convergent depuis quelques années sur un point de saturation, et de dangerosité, des expériences liées à l’exposition aux médias digitaux. Le fait avéré aujourd’hui est que les sollicitations de notre attention par les écrans se sont accrues de manière exponentielle depuis les dernières années. Au point d’arriver à une crise sanitaire que le rapport détaille — d’abord des problèmes de concentration, d’endormissement, de mémorisation, mais aussi des impacts cognitifs et psychologiques notables. J’ai pu diriger dernièrement des travaux de recherche appliquée et d’arbitrage sur les domaines de l’économie de l’attention qui vont dans le sens de ce rapport. L’usage excessif et désordonné des technologies, soutenu largement par des ruses mise en oeuvre notamment par les réseaux sociaux (dark design, hameçonnage cognitif, persuasive design, peu importe le terme) a engendré des situations d’addiction qui sont connues depuis longtemps. Ce que révèle le rapport, c’est l’ampleur massive du phénomène, et des propositions de réponses.

Pierre Beyssac : Dès le titre du rapport, "Enfants et écrans", le problème est mal posé : le terme d'"écran" mélange des pratiques qui n'ont rien à voir, du visionnage classique d'émissions télévisées aux réseaux sociaux comme Tiktok, en passant par Pronote (un environnement numérique de travail de l'éducation nationale). Certaines propositions sont étranges, d'autres très cœrcitives, d'autres encore, très floues. Emmanuel Macron semble avoir décidé que les "écrans" sont dangereux. Cette approximation étant devenue vérité à force d'être répétée, une commission a donc été priée de réduire l'usage des écrans.

On sent tout au long des recommandations la gêne des experts pour formuler des propositions pertinentes en mesure de répondre à l'injonction du président. Quelques recommandations ne sont pas nouvelles, par exemple les limites à 3 ans, en crèche, école primaire, etc, même si on ne peut pas parler de consensus scientifique en la matière. Certaines d'entre elles sont déjà dans la loi.

On a du mal à comprendre à quel niveau les propositions se placent : recommandations de bonnes pratiques ? Proposition de législation ? Demander à nouveau l'application de mesures qui sont déjà des obligations légales ne revient-il pas à admettre les limites de celle-ci ? À quel moment cessera-t-on de faire de l'Education nationale la boniche de chaque lubie présidentielle, avec des personnels qui ont mieux à faire ?

Le rapport a été finalisé par le cabinet du ministre de la santé. On est donc en présence de recommandations de portée générale, alors que précédemment ce type de mesure était cantonné à l'Education nationale.

En tenant compte de la place des écrans dans notre quotidien, et celui des jeunes, peut-on considérer que les propositions des experts sont réalistes ? Devons-nous réfléchir à une régulation des usages plutôt qu’à une interdiction ?

Pierre Beyssac : En pratique, on ne peut probablement avoir ni l'un ni l'autre. Le rapport manifeste beaucoup de bonnes intentions, mais sa façon d'appréhender les enfants comme des "malades" à soigner avec une série "d'ordonnances" est illusoire dans un monde où le numérique est aussi omniprésent qu'utile à tous.

Les auteurs du rapport expliquent que les propositions sont à prendre "en bloc", alors que les 29 actions, organisées en 6 "axes", sont de nature très disparate et d'un pragmatisme variable.

Par exemple, pour la mesure 8, "Soutenir le déploiement ferme du DSA à l’égard des sites pornographiques, pour forcer à l’adoption des 8 outils de contrôle de l’âge déjà disponibles, et investir dans le même temps dans la production de ressources adaptées aux questions légitimes des enfants sur leur vie affective et sexuelle" : le gouvernement essaie en vain d'y parvenir depuis bientôt une loi de 2020. Cette saga à rebondissements, mais toujours sans solution, a déjà été évoquée de nombreuses fois dans vos colonnes

La mesure 12 "Autoriser l'accès aux seuls réseaux sociaux éthiques à compter de 15 ans" nécessiterait de définir ce qu'est un réseau "éthique". La proposition 28 souhaite "Assurer la soutenabilité des moyens nécessaires par la déclinaison du principe pollueur payeur alimentant un fonds dédié de financement de la recherche, des politiques publiques et acteurs vertueux". On peine à entrevoir ce que cela signifie en pratique. La proposition 13, radicale, prévoit entre autres : "à partir de 11 ans : téléphone sans connexion Internet ; à partir de 13 ans : téléphone connecté sans accès aux réseaux sociaux ni aux contenus illégaux".

Entre 11 et 13 ans, nos enfants ne pourraient donc pas profiter d'une cartographie ou d'itinéraires GPS, de Wikipédia, ni d'autres services depuis un appareil mobile ?

Le numérique est aujourd'hui un moyen d'exercice de nos droits d'accès à la connaissance, et de nos libertés fondamentales. Voulons-nous sérieusement priver nos enfants de ces droits ?

Stéphane Hugon : Les recommandations ne me semblent pas excessives. Elles sont à la mesure du phénomène à traiter. La place du temps d’écran est devenue tellement disproportionnée que seule des actions fortes peuvent prétendre à répondre à la situation, même si ce n’est pas dans notre culture de prendre de telles décisions. Les recommandations des experts seront difficiles à appliquer, car le monde digital, à l’inverse de beaucoup d’autres techniques, ou industries culturelles, échappent globalement à la plupart des dispositifs réglementaires qui s’appliquent aux autres supports. Pensons à la presse, au cinéma, à la radio, et même aux supports publicitaires conventionnels qui sont soumis à un encadrement assez strict. Comme souvent, c’est en se rendant à l’étranger ou dans des environnements qui ne sont pas soumis à ces règles qu’on se rend compte à quel point le paysage d’images dans lequel on baigne dans notre culture française est construit et régulé, notamment dans l’espace public. Le digital jouit encore d’une sorte d’enclave, qui touche à la fois le modèle économique, publicitaire, narratif.

Nest-ce pas aux parents de contrôler la consommation d’écrans des enfants ? Sommes-nous face à une logique « liberticide » en soumettant ces interdictions ? Faut-il former les parents, ou l’Education nationale, sur les enjeux spécifiques des écrans, y compris sur les sujets liés au harcèlement ?

Stéphane Hugon : En réalité, cet envahissement saisit la place qu’on lui laisse. Le temps d’écran se loge exactement dans les difficultés relationnelles d’un adolescent avec ses parents ou son entourage. Il révèle aussi un problème de légitimité du récit global de ceux qui devraient proposer une explication et un sens sur la société contemporaine, une histoire collective engageante. L’anomie digitale dévoile la désynchronisation des imaginaires sociaux et de ses institutions. On a donc les technologies qu’on mérite.

Et l’on retrouve cette dynamique à d’autres moments de notre histoire sociale des médias et des techniques. La dangerosité des écrans est réelle lorsqu’elle isole les enfants - mais aussi les adultes - et qu’elle arraisonne à la fois à un silence et à une forme de sidération. L’effet n’est pas du tout le même lorsque la consommation d’images génère une socialité et une circulation de la parole. La télévision, le cinéma, la presse le sont nativement. Les réseaux sociaux, lorsqu’ils sont le support d’une conversation, deviennent des expériences de socialisation qui sont également bénéfiques aux publics. Voyez par exemple comment le téléphone s’est invité dans les échanges, les tables de café, pour soutenir un argument, illustrer par une image ou sourcer une opinion. Ici le temps du digital encourage une convivialité. A l’inverse, l’effet est totalement différent lorsque le rythme est imposé par l’écran lui-même, scrolling (défilement d’écrans) à l’infini, succession d’images sans aucun fil narratif, cursivité absurde et enfermement dans des images dont le montage n’a aucun sens… Là aussi, le rapport détaille la perversion des dispositifs.

Pierre Beyssac : Le rapport traite effectivement ces points dans son axe 5, "Mieux outiller, mieux former au numérique et mieux accompagner les parents, les enseignants, les éducateurs et tous ceux qui interviennent auprès des enfants, tout en organisant une société qui remet l’écran et le numérique à leur juste place", avec des propositions intéressantes, mais parfois paternalistes.

Le point 26 adopte ainsi un ton très moraliste vis-à-vis des adultes eux-mêmes : "Promouvoir des lieux et des temps « déconnectés » et sans écran, notamment pour encourager les adultes à se poser la question de leur propre rapport aux écrans".

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