Institut du monde arabe : quand Jack Lang souhaite bénéficier de 1 000 couverts gratis par an pour lui et ses invités<!-- --> | Atlantico.fr
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Jack Lang devant l'Institut du Monde Arabe
Jack Lang devant l'Institut du Monde Arabe
©Reuters

Petits caprices

C’est la guerre entre l’IMA et le groupe Noura qui assure sa restauration. Le second en a assez d’accorder des ristournes aux notes de restaurant de Jack Lang. Tout comme il en assez de courir après des factures impayées. En retour, l’IMA souhaite mettre un terme au contrat qui l’unit à Noura. La justice est saisie.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • Depuis octobre 2007, le groupe libanais Noura est chargé de la restauration de l’Institut de monde arabe. Avec les prédécesseurs de Jack Lang, Dominique Baudis et Renaud Muselier, tout se passait bien. Jusqu’à ce que…
  • Jack Lang, le nouveau président nommé en février 2013, demande un certain nombre d’avantages au groupe Noura… Comme des ristournes sur les notes de restaurant. Elles sont accordées
  • Petit à petit, l’Institut du monde arabe semble avoir pris l’habitude de régler ses factures avec un retard considérable… Plus de 90 jours. Mais quand survient une assignation, il paie
  • L’Institut  qui veut éjecter Noura souhaite lancer un nouvel appel d’offres. Avec une proposition phare : que le président bénéficie gracieusement, dans la limite de 1 000 couverts par an d’une table ouverte au restaurant de l’Institut…

Qui pourrait nier que Jack Lang fut un flamboyant ministre de la Culture de François Mitterrand ? Qui pourrait nier que la Fête de la musique qu’il a créée est toujours un franc succès ?  Seulement voilà : le président l’Institut du monde arabe (IMA) connait quelques soucis : il est  soupçonné de faire preuve de légèreté dans le règlement de factures ou de les acquitter avec retard…Voire même beaucoup de retard. Ou encore d’exiger des ristournes coquettes pour ses notes de restaurant. Ce n’est pas tout : le voici aussi montré du doigt pour ne pas respecter le contrat qui lie l’Institut du monde arabe au groupe libanais Noura (restaurant, salon de thé, traiteur). Aujourd’hui, c’est donc la guerre entre le jeune dirigeant du groupe Noura, Paul Bou Antoun et Jack Lang, président depuis février 2013, de l’Institut où il a été nommé  après sa défaite aux législatives de juin 2012 dans les Vosges où il avait été parachuté. Désormais, les deux hommes ne se parlent plus que par avocat interposé. La dégradation a atteint un tel point de non-retour que l’IMA, via son avocate Me Andrée Fougère, dans une lettre adressée le 17 octobre 2014 à Paul Bou Antoun a fait savoir qu’il résiliait le contrat le liant à son groupe. Motif invoqué ? Essentiellement un manquement à l’obligation d’assurer une prestation de restauration de grande qualité. Ce qui reste à prouver.  Pour montrer que l’Institut du monde arabe est bien décidé à éjecter le groupe Noura, on lui cherche déjà un successeur. Témoin, le nouvel appel d’offres lancé fin 2014,  à l’intention de candidats potentiels. Une telle procédure apparait pourtant peu orthodoxe puisque le contrat signé en octobre 2007 entre  l’IMA  et le  groupe libanais court jusqu’en 2017 ! A lire le nouvel appel d’offres, on reste abasourdi  par les nombreux avantages  qui pourraient être octroyés au président de l’Institut, c’est-à-dire Jack Lang

Ainsi, sous la rubrique "Avantages permanents à la présidence / direction générale de l’IMA", on lit : "Le président de l’IMA devra bénéficier gracieusement et dans la limite de 1000 couverts par an d’une table ouverte au Zyriab à longueur  d’année."  Si l’on poursuit, on lit encore : "Le délégataire devra également assurer gracieusement un service café, thé, soft dans le bureau du président lorsque celui-ci  reçoit des personnalités." Bref, à ceux qui en doutent, Jack Lang veut vraiment se débarrasser de Noura. Ce conflit – évoqué par Le Canard Enchaîné et sur lequel Atlantico apporte d'autres révélations  rejaillit jusque sur le personnel  puisque la direction de l’Institut, sans doute par mesure de rétorsion, semble tout faire pour ne pas faciliter la tâche des 35 employés du traiteur qui y sont détachés. Du coup, ces derniers ont signé une pétition pour dénoncer leurs conditions de travail. On y lit : "A présent, les températures extérieures étant souvent négatives, nous devons évoluer dans le froid car les salles ne sont pas chauffées ou pas suffisamment". Le restaurant étant  réputé  pour sa vue panoramique, de nombreux clients demandent  une table proche de la baie vitrée et veulent être déplacés tellement ils ont froid. Ces températures ambiantes ont également causé des arrêts maladie pour rhume,  rhinopharyngite ou grippe. Au-delà de notre confort personnel, celui de notre clientèle en est bien évidemment affecté.  De plus, les monte- charge  destinés au restaurant, un propre pour la nourriture et les personnes et un autre  sale pour les poubelles  sont régulièrement en panne et mettent de plus en plus de temps à être réparés, ceci perturbant les règles d’hygiène… Et la pétition de conclure : "Ces différents point affectent le bon déroulement et la qualité de nos services et engendrent des appréciations négatives de nos clients quant au confort de notre restaurant."

Nous sommes  à l’automne 2007. L’Institut du monde arabe, fondation d’utilité publique, lance un nouvel appel d’offres  aux fins de trouver une entreprise qui aura pour mission de gérer restaurant, cafétéria et d’organiser les réceptions de l’Institut.  A l’issue de cette procédure, c’est le groupe libanais Noura qui emporte le  marché. A charge pour ce dernier d’exploiter le restaurant « le Zyriab », situé au 9ème étage, le self dit « Le Moucharabieh » et « Le café littéraire » installé au rez-de-chaussée. En échange,  ce dernier devra acquitter un loyer de 150 000 euros par an agrémenté d’une redevance sur le chiffre d’affaires.  Jusque- là rien que très classique. D’ailleurs tout se passe bien entre les différents présidents  de l’Institut,  que ce soit Dominique Baudis ou Renaud Muselier et le groupe Noura. Et puis à partir du  mois de février 2013,  avec l’arrivée de Jack Lang à la tête de l’Institut, les choses se gâtent, l’ancien ministre de la Culture, ne se privant pas de dire qu’il préfère la cuisine marocaine à la cuisine libanaise. Ou qu’il n’aime pas Noura.  Ca commence  mal.  Aussi, dans le but d’apaiser les tensions, le groupe propose quelques gentillesses à Jack Lang. Parmi celles-ci : un tarif préférentiel de 25 euros par personne consenti aux membres de la direction de l’IMA au restaurant « Le Zyriab »…

Alors que le prix moyen d’un déjeuner tourne autour de 50 euros… Autre  petit cadeau : la possibilité de régler les factures de diverses manifestations (réceptions, cocktails etc..) avec un certain décalage. Seulement voilà : ce décalage atteint des proportions très importantes : 88  jours de moyenne avec des pointes à 180 jours.  Comme cette facture  54 485 du 23 mars 2014, d’un montant de 9 946, 80 euros, toujours pas honorée fin 2014. Il s’agit de l’organisation d’un cocktail  lors du festival des films du Golfe. Autre exemple : la petite réception organisée  le 30 juin 2014 pour le départ à la retraite de la directrice du cabinet  du président de l’Institut. Montant de la facture 57 645, en date du 7 juillet 2014 : 2 850 , 30  euros. Egalement en instance de règlement… En tout, fin décembre 2014, l’IMA doit  un peu moins de 40 000 euros.  Face à une situation de plus en plus conflictuelle, le groupe Noura, via ses avocats, Mes Gilles Hittinger-Roux et  Mbaye Diagne, assignent  en référé pour le 5 février 2015 l’Institut du Monde arabe aux fins de lui régler les  factures d’un montant total donc de près de 40 000 euros… Or, surprise, la veille de l’audience, le 4 février, l’IMA  adresse un virement de la quasi-totalité de la somme due, soit 37 000 euros. Preuve, semble-t-il, que l’Institut a bien compris la fragilité de sa position… Manquent donc 3 000 euros,  selon le groupe  Noura. Qui est bien décidé à les recouvrer. Cette demande devrait être examinée lors d’une audience de référé du 17 février prochain au Tribunalde Paris. Une audience capitale pour une autre raison : le Tribunal aura à se prononcer sur la nature du contrat qui lie Noura à l’Institut du monde arabe. Pour le conseil du premier, Mes  Hittinger-Roux et Diagne,  aucun doute : il s’agit d’un contrat de droit privé passé entre deux entités privées –l’IMA n’est pas un établissement public mais une Fondation fonctionnant comme une association  de la loi de 1901.  Conséquence : en aucun cas, le groupe Noura ne peut être déchu d’une délégation de service public, comme le pense l’avocat de l’IMA, Me Andrée Fougère. Et pour cause : dans un contrat de droit privé, une telle clause ne peut exister. Belle  bataille juridique en perspective…

Décidément combatif,  bien décidé à faire valoir  ce qu’il considère  comme son droit, le jeune patron de Noura  ne ménage pas ses efforts pour y parvenir. D’abord, on l’a vu, se faire régler ses créances. Ensuite, se voir restituer, lors d’une audience prévue le 12 mars 2015,   les sommes qu’il a versées indûment à l’Institut du Monde arabe depuis le mois de  juillet 2007.  Soit  88 489 euros. Ces sommes représentent  des versements effectués pour  la location de la terrasse située au 9ème  étage dans le prolongement du restaurant "Le Zyriab"… Pourquoi non justifiés ? Tout simplement parce que  l’utilisation de la terrasse est incluse dans le  contrat de bail conclu en 2007  entre l’IMA et le groupe Noura. C’est ainsi que pour la période allant du 2 juillet 2010 au 21 octobre 2010  réclame la restitution d’un moins de 45 000 euros à l’IMA… Tandis que pour la période comprise entre le 31 décembre 2013 et le 2 juillet 2014, -elle concerne la présidence de Lang-, le groupe de restauration réclame un plus de 43 000 euros…

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