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Instagram serait le réseau social le plus dommageable pour la santé mentale. Mais YouTube peut vous faire du bien
©Capture d'écran

Quand je me compare, je me désole

Instagram est un réseau social qui n'est pas innocent. Les utilisateurs qui s'y connectent trop souvent peuvent souffrir de ce qu'ils voient. Les images postés et le décalage avec la réalité des utilisateurs crée ce problème prévient la Société Royale de Santé Mentale britannique.

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard est psychanalyste. Elle est l'auteur du livre Comprendre l'obésité chez Albin Michel, et de Obésité, le poids des mots, les maux du poids chez Calmann-Lévy.

Elle est membre du Think Tank ObésitéS, premier groupe de réflexion français sur la question du surpoids. 

Co-auteur du livre "La femme qui voit de l'autre côté du miroir" chez Eyrolles. 

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Atlantico : Une étude réalisée par la Société royale de santé publique montre que les réseaux sociaux, au premier rang desquels on retrouve Instagram et Snapchat ont des effets négatifs sur la santé mentale des utilisateurs. Quels sont ces dommages les plus répandus provoqués par les réseaux sociaux ? En quoi font-ils du mal à la santé mentale des utilisateurs ? 

Catherine Grandgeard : Il est difficile de quitter le réseau social qui continue à vivre quand on va dormir par exemple. On a l’impression de rater quelque chose, de perdre du temps. Ainsi, certains vont rester éveillés tardivement, en dépit de leur propre fatigue, qu’ils ne ressentent pas car les réseaux sociaux sont addictifs. Il y a un "effet retard", la fatigue se manifeste quand il faut aller en cours, travailler. Les ados sont particulièrement concernés par cet aspect. Ils n’ont pas envie de se coucher quand ils font quelque chose qui leur plait et le lendemain pour se lever, c’est l’enfer. Se concentrer en cours, idem. De là, des réactions caractérielles vont éclore et ça peut mal tourner.

Les ados ne sont pas les seuls concernés, bien sûr. Autre exemple, la comparaison entre la vie en paillettes des stars et sa morne vie fait des ravages. Certaines personnes fantasment tellement que le quotidien devient insupportable.

Instagram illustre bien ce problème. Il y a un décalge entre les belles photos postées et la réalité des utilisateurs qui les regardent. L'aspect positif, les endroits incroybales comme les grandes villes, les paysages et les rencontres renforcent ce sentiment de malaise chez cuex qui regardent ces photos et sont ennuyés de ne pas avoir la même vie. Plus l’équilibre psychique est fragile, plus le risque est élevé. C’est vrai comme dans toutes les addictions. Ce n’est pas tant le produit qui est dangereux que l’effet produit sur tel utilisateur. De nombreuses personnes vous diront avoir très bien supporté de fumer de l’herbe, boire sans modération, ou passer des nuits sur des réseaux sociaux sans autres dérèglements majeurs. Mais, certaines personnes se révèlent plus vulnérables. Certaines deviennent alors dépendantes. Elles ne peuvent plus gérer. Elles ont besoin de leur source de jouissance. Les réseaux sociaux, puisque c’est notre sujet du jour et que je voulais resituer dans une longue chaîne de produits et de pratiques rendant dépendants, eh bien ces réseaux fournissent une dose d’excitation qui produit un plaisir auquel renoncer coûte si on n’a rien d’autre d’aussi palpitant à s’offrir.

La "vraie vie" peut sembler sans intérêt face à ce qui se passe sur l’écran. Le corps, par exemple, son corps avec ses imperfections, alors que le corps mis en scène à l’écran est si merveilleux, si inaccessible que le sien fait littéralement déprimer par comparaison. Il peut devenir insupportable et objet d’attaques, que ce soit avec une nourriture en excès, ou à l’inverse insuffisante, toujours inadaptée.

La sexualité est aussi si différente entre le monde réel et celui du monde virtuel. Beaucoup de passages à l’acte, douloureux dans l’après-coup, ont des racines de ce côté de l’écran…

Sur quelle tranche d'âge retrouve-t-on le plus de problèmes ? Quelle importance les gens accordent-ils aux réseaux sociaux ? 

Les habitudes s’enracinent dans l’enfance. Aussi, les jeunes générations nées avec les réseaux sociaux sont obligatoirement plus sujettes à d’éventuels excès. Il est donc recommandé à des parents eux-mêmes très addicts prudence et réflexion. Il est indispensable de se poser quelques questions sur le rapport que l’on entretient avec ces réseaux. En soi, ils ne représentant pas un danger. C’est leur utilisation qui peut en présenter un.

L’importance accordée à ces réseaux peut prendre une telle ampleur, puisqu’ils sont toujours disponibles comme on veut, quand on veut… Contrairement aux autres réseaux dans lesquels on est inséré. On ne peut aller en dehors des heures d’ouverture où que ce soit, on ne peut déranger qui que ce soit au milieu de la nuit ou en pleine journée quand les gens sont par ailleurs occupés. Le principe de plaisir domine avec l’utilisation illimitée des réseaux sociaux. C’est open bar. L’immédiateté des réactions, de leurs diffusions a des conséquences que le temps plus long de la réflexion modifie. 

Poster sur des réseaux sociaux quelque chose qui va se propager alors qu’on n’a plus envie de l’assumer d’ici quelques heures peut ruiner une réputation, une confiance en soi et en autrui. De très graves dépressions s’en suivent. J’ai reçu dans mon cabinet de psychanalyste plusieurs adolescent-es dans ces situations depuis quelques années. C’est totalement lié aux réseaux sociaux. Au collège, au lycée, tout le monde accorde une importance absolue à ces réseaux. Or la prudence et l’adolescence ne riment pas. C’est l’imprudence qui rime avec l’adolescence. C’est l’âge de l’impulsivité, de la spontanéité. Certains manipulateurs, ou manipulatrices vont en abuser…

Pour instagram, la particularité des photos déplace évidemment l’accent sur l’image. Cette image qui peut faire tant souffrir lorsqu’elle n’est pas idéale, ou vécue subjectivement comme telle. Chaque réseau social tape sur des points de fragilité spécifiques.

Quels sont les conseils que l'on peut donner aux gens pour qu'ils puissent vivre mieux leur vie avec les réseaux sociaux ? ​

Comme souvent, la modération sera le conseil numéro un. La prudence, la réflexion… Mais, on vient juste de dire que c’est antinomique avec ce qui rend addict, avec l’adolescence… Alors ? C’est comme pour tout le reste, la sécurité est à débattre dès l’enfance. On apprend à traverser la route, à lâcher la main. Il faut apprendre à consommer ces réseaux qui sont addictifs. Ils existent, comment on va s’en servir, va-t-on en être les objets ou des utilisateurs ? 

Les diaboliser est néfaste. Ceux qu’ils attirent au-delà de la raison ne vous écouteront pas. En revanche, s’adresser à eux pour qu’ils soient en mesure d’analyser leurs potentiels, avec qualités et défauts est plus pertinent. Regarder ensemble ce qui se passe sur les réseaux qui plaisent, si c’est possible, cela permet de sociabiliser l’usage. Par exemple… Selon les contextes, trouver ses propres solutions pour ne pas que l’utilisateur s’isole dans un monde parallèle est toujours une bonne chose. Il n’y a pas de " recette 100% réussie ". La vraie vie est plus complexe. 

Qu’est-ce qui fascine dans tel réseau social, telle personne, c’est cela la question à dérouler, dans tous ses retranchements quand quelqu’un commence à en avoir un usage immodéré. Qu’est- ce que cette personne y cherche, y fuit… Le sait-elle, elle-même ? Quelle intensité s’y trouve alors que la vie est si plate ? Ce n’est pas parce qu’elle n’a pas une réponse immédiate que l’on abandonne la quête. Bien au contraire…

Déjà admettre que l’on est dans une situation de dépendance est le premier pas pour s’en distancier. Pour conclure, pour mieux vivre avec les réseaux sociaux, il faut mieux vivre, tout court. Ainsi, on les remet à leur place ! C’est-à-dire une place bien agréable, qui complète les sources de satisfaction, ouvre des contacts… tout l’inverse que se replier, se refermer !

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