Inscription de l’IVG dans la Constitution : la fausse bonne idée au détriment du droit ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les députés ont adopté jeudi 24 novembre par 337 voix contre 32 un texte en faveur de l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution, une proposition de LFI soutenue par la majorité.
Les députés ont adopté jeudi 24 novembre par 337 voix contre 32 un texte en faveur de l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution, une proposition de LFI soutenue par la majorité.
©Geoffroy Van der Hasselt / AFP

Contre-productif ?

La sénatrice Mélanie VOGEL (EELV, Représentant les Français établis hors de France) élue le 26 septembre 2021 a déposé une Proposition de loi (PPL) le 2 septembre 2022 visant à inscrire l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution

Cyrille Vigorie

Cyrille Vigorie

Cyrille Vigorie est attaché parlementaire et membre du CESEL de Boulogne-Billancourt

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Depuis son rejet argumenté par la Chambre Haute, cette PPL a été reprise à l’Assemblée nationale et notamment par l’intermédiaire de la présidente du groupe Renaissance avec l’appui du Gouvernement. LFI a déposé une PPL qui sera débattu cette semaine et par ricochet ou pour ne pas se sentir dépassé, le Rassemblement National a déposé un amendement en ce sens sur ce texte tout en marquant sa différence sur la question des délais.

A première vue, cette volonté affichée par les différentes formations politiques apparait comme étant nécessaire et pour les non-initiés au droit rien ne semble pencher en défaveur d’une telle démarche. Effectivement qui pourrait attaquer le fait que l’on cherche à défendre juridiquement la veuve et l’orphelin ? 

Là est le bon coup de communication politique de ces élus. Mais sur le fond, que penser de cette action politique ?

Malheureusement, si l’on cherche à approfondir ce sujet, ces tentatives qui auraient pour ambition supposée de protéger le droit des femmes pourrait peut-être au contraire l’abîmer.

Dans un premier temps, il faut contextualiser l’inscription de ces textes de lois. En effet, tout cela intervient en réaction à la décision de la Cour Suprême des États-Unis de révoquer l’arrêt Roe vs Wade qui protégeait jusqu’alors depuis 1973 les Américaines en leur permettant d’avorter dans tous les États. A la suite de cette décision, les États sont dorénavant libres de choisir ou non d’accorder ce droit. Si cette décision représente un recul de liberté pour les femmes outre-Atlantique, la situation est en revanche incomparable en France. Dans l’hexagone, la situation politique et juridique n’est absolument pas similaire. Aux États-Unis, les débats de sociétés sur le sujet de l’avortement sont pour le moins houleux et récurrents ente les pro life et pro choice alors qu’en France aucuns grands partis politiques ne remettent en cause ce droit mis à part quelques individualités isolées comme Christine Boutin par exemple (ancienne députée) ou des associations comme Civitas. La Cour Suprême n’a enfin rien de comparable sur ce point avec notre Conseil Constitutionnel qui laisse un grand champ sur les questions sociétales au pouvoir législatif et plus particulièrement sur les questions liées à l’IVG pour lesquelles le Conseil a rendu quatre décisions qui se sont toujours avérées constitutionnelles.

En outre, en France, c’est la loi qui protège le droit à l’IVG et cela par la liberté de la femme découlant de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui constitue un fondement constitutionnel reconnu de fait par le Conseil Constitutionnel dans notre socle juridique. Inscrire ce droit dans la Constitution ne servirait donc à rien juridiquement. 

Vous l’aurez compris, cette agitation politique actuelle n’est autre que de la communication ou tout du moins la tentative d’émettre un symbole à destination des femmes leur montrant que ce droit leur est acquis.

Si la deuxième volonté peut paraitre louable, l’action semblerait plutôt nuire à la cause défendue. En effet, pour réviser la Constitution par la voie d’une Proposition de loi il est nécessaire que les deux Chambres parlementaires (Assemblée Nationale et Sénat) rédigent (et donc s’entendent) sur un texte unique strictement similaire. C’est le droit. Ensuite, une révision constitutionnelle par ce canal nécessite la mise en place d’un référendum. C’est la loi. Ainsi, pensez-vous que, au regard de l’ensemble de ces éléments décrits ci-avant, la tenue d’un référendum sur cette question serait opportune ?
La réponse à cette question parait plutôt pencher vers le fait qu’un débat national sur l’inscription ou non de l’IVG dans la Constitution serait un cadeau aux opposants à cette cause en mal d’espace médiatique pour s’exprimer sur ce sujet. Le dimanche 2 octobre dernier à Lyon par exemple, 600 personnes se sont rassemblées pour manifester contre l’IVG et l’euthanasie. Ce genres d’événements ne risquent-ils pas de se multiplier pendant le nombre de jours alloués au débat pour un référendum et d’être relayés par les chaînes d’informations en continu ?
En bref, le droit des femmes et l’IVG actuellement protégé par notre socle juridique risqueraient de s‘abîmer dans cette procédure incertaine face aux bénéfices à court terme de certains politiques.

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