Inflation : ce que la hausse du prix des tomates cerises nous apprend sur l’avenir de nos porte-monnaies<!-- --> | Atlantico.fr
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Des tomates cerises dans centre de commerce de gros à Reze, près de Nantes, le 7 mars 2019
Des tomates cerises dans centre de commerce de gros à Reze, près de Nantes, le 7 mars 2019
©SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP

Comme un goût salé

Dans un contexte de forte inflation suite à la guerre en Ukraine, le prix des denrées alimentaire a fortement augmenté. Mais un produit est vraiment représentatif de la crise que nous traversons : les tomates cerises

Ed Conway

Ed Conway

Ed Conway est le rédacteur économique de Sky News. Auparavant, il était le rédacteur en chef économique du Daily Telegraph et du Sunday Telegraph. Sa nomination à ce poste, alors qu'il n'avait que 25 ans, a fait de lui le plus jeune rédacteur en chef économique d'un journal national britannique.

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Atlantico : Pourquoi les tomates cerises nous parlent-elles de la crise du coût de la vie que nous traversons tous. Pourquoi est-ce un bon exemple de ce qui se passe ?

Ed Conway : Je pense qu'il est important de trouver des objets avec lesquels les gens sont en contact en permanence. De plus, tout le monde se concentre sur l'énergie, tout le monde connaît la situation. Mais ce n'est pas si vrai avec la crise alimentaire, et les tomates cerises ne sont pas l'exemple le plus évident au départ. Nous subissons l'impact direct de la non réception des exportations de l'Ukraine et de la Russie, à cause de la guerre, cela signifie moins de blé, moins d'engrais, etc. Mais le fait qu'il y ait un lien fort entre l'énergie et la nourriture est, je pense, moins pris en compte. Et les tomates cerises en sont un très bon exemple, tout comme les poivrons, les concombres. C'est dû au fait qu'ils sont en quelque sorte alimentés par des combustibles fossiles. Premièrement, ils utilisent des engrais à base d'azote fabriqués à partir de gaz naturel. 

Deuxièmement, ils sont cultivés dans des serres. Pour maintenir les serres à la bonne température, il faut une chaudière et les chaudières les plus efficaces et les moins chères utilisent du gaz naturel. 

Troisièmement, ce que l'on a appelé la "révolution du CO2". Dans les années 90, les producteurs néerlandais se sont rendu compte que, les plantes ayant besoin de dioxyde de carbone pour la photosynthèse, ils pouvaient accélérer leur croissance en injectant du CO2 supplémentaire dans les serres. Les tomates cerises, en particulier, adorent ce supplément de dioxyde de carbone. Donc, comme elles dépendent des combustibles fossiles, notamment du gaz naturel, les prix de production ont augmenté. Le monde est très dépendant de ces processus qui dépendent des combustibles fossiles. Je pense que cette crise devrait être un signal d'alarme sur les processus de production. 

Au Royaume-Uni, mais aussi aux Pays-Bas, l'un des pays qui utilisent le plus les serres, certains producteurs ont arrêté leurs activités et fermé leurs serres en raison du coût de production. Cela va créer une pénurie de légumes en Europe. Et ce qui est vrai pour les tomates cerises l'est aussi pour la plupart des légumes, à condition d'utiliser des engrais azotés ou de cultiver en serres.

Dans quelle mesure pensez-vous qu'il s'agit là des signes d'une véritable et profonde crise alimentaire ? 

Beaucoup d'endroits, y compris en Afrique et en Asie, dépendent des exportations d'Ukraine et de Russie. Sans elles, il y a un risque de crise humanitaire, c'est un problème connexe mais différent. Le phénomène dont je parle est plus susceptible de faire augmenter les prix dans nos pays. Ces deux choses sont liées et si nous les additionnons, nous parlons d'une crise alimentaire potentiellement très grave. Cela devrait nous rappeler comment nous obtenons les aliments dont nous dépendons. Ce que j'ai observé pour les tomates cerises est également vrai pour le sel. Et parce que nous les considérons comme des produits non essentiels, nous sommes surpris lorsque leur prix augmente. 

Qu'est-ce que cela nous dit sur ce qui va se passer à l'avenir pour nos portefeuilles ?  Dans quelle mesure les consommateurs seront-ils touchés ? 

Si je regarde le Royaume-Uni, et je pense que cela pourrait être similaire en France - même si la France dépend moins des exportations de combustibles fossiles - nous sommes dans la perspective d'une récession vers la fin de cette année. Et une récession assez douloureuse, car elle sera simplement due au fait que les gens n'auront pas assez d'argent dans leurs poches.  Elle sera donc très différente de la crise financière. J'imagine que la majeure partie de l'Europe souffrira de la même chose : les gens n'auront pas assez d'argent à dépenser pour les choses essentielles de la vie, comme la nourriture. 

Y a-t-il quelque chose à faire pour protéger les consommateurs de tomates cerises mais aussi la situation globale ? 

Il est assez difficile de trouver une solution facile car ce qui se passe est un ajustement de la situation qui pourrait devenir permanent. C'est comme si une taxe massive avait été imposée sur tout. Le gouvernement va essayer de diminuer l'impact de la situation sur les plus pauvres et les revenus les plus faibles, car ils auront la plus grande part de leur argent consacrée aux besoins essentiels de la vie (nourriture et énergie). Cependant, il n'y a pas de recette miracle.

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