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Industrie : qu'avons-nous intérêt 
à produire en France ?
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Orientation

Les pays émergents savent faire les mêmes choses que nous en beaucoup moins de temps et avec un coût bien moins élevé. Pour continuer à produire dans l'hexagone, il faut que les entreprises françaises se spécialisent dans des produits sophistiqués qui ne sont pas encore accessibles à la classe moyenne des pays émergents.

Michèle Debonneuil

Michèle Debonneuil

Michèle Debonneuil est Inspecteur général des finances et administrateur de l'INSEE.

Elle est considérée comme "l'inventeur" du plan Borloo de développement des services à la personne.

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Tous les citoyens comprennent aujourd’hui que les pays émergents savent faire les mêmes choses que nous à trente fois moins cher et pour trente ans. Comment faire dans ce contexte pour produire en France ?

Se protéger en empêchant les délocalisations et en fermant les frontières ? Certains le proposent mais sans recueillir encore trop de succès car on sait que ce type de politique finit toujours par des catastrophes ! Réduire les salaires et la protection sociale de façon à faire converger les coûts de la production de chaque côté de la frontière ?  Mais cela sera tout à fait insupportable car la convergence par le bas que cela nous imposerait durerait une trentaine d’année.

Alors que faire ? Les économistes ont toujours préconisé une troisième solution qui consiste à s’isoler naturellement de la concurrence des pays à bas coûts de main d’œuvre en se spécialisant dans des biens que ces derniers consomment moins en raison de leur niveau de vie, c'est-à-dire des biens haut de gamme.

C’est la politique conduite par l’Allemagne depuis plusieurs années. Elle va se généraliser à l’ensemble des pays développés. Mais il ne faudrait pas en attendre les mêmes résultats. En effet, les résultats obtenus par l’Allemagne tiennent certes à une spécialisation ciblée sur le haut de gamme, mais ils tiennent aussi et peut-être surtout à une politique de compétitivité fondée sur des baisses de coûts (salaires, charges sociales et prestations sociales) qui permettent d’améliorer leur compétitivité par rapport aux autres pays développés.

Ces baisses de coûts ont pour conséquence de casser la demande intérieure allemande. Pour le moment tout va bien puisque les autres pays développés n’ont pas encore réussi à imposer ce régime de rigueur à leurs populations. L’industrie allemande produit donc pour satisfaire une plus grande partie de la demande des pays développés ; autrement dit elle prend des parts de marchés aux autres pays développés. Son excédent industriel explose, tandis que les déficits des autres pays inquiètent. Mais lorsque les baisses de coûts seront généralisées à tous les pays développés, il n’y aura plus de gains de compétitivité pour aucun. L’affaiblissement généralisé de la demande entraînera dans une spirale de décroissance de l’ensemble des pays développés.

Non il n’est pas raisonnable d’emmener l’Europe dans une généralisation de la stratégie allemande. Celle-ci est très astucieuse lorsqu’elle est cantonnée à l’Allemagne, mais elle est très insuffisante et dangereuse lorsqu’elle sera généralisée.

Maintenant que les pays émergents ont pratiquement les mêmes savoir-faire que les pays développés, il faut que ces derniers exploitent le plus possible la seule différence qu’ils ont avec les pays pauvres qui est d’être riches : il faut qu’ils se spécialisent dans des produits sophistiqués qui ne sont pas encore accessibles à la classe moyenne des pays émergents. Ces produits sophistiqués sont en train d’arriver sur le marché des pays développés. 

En effet, les entreprises sont aujourd’hui capables d’organiser la gestion à distance de  « flottes » de biens et de personnes, c’est-à-dire de produire à distance. Elles sont en effet capables de localiser des biens  (des voitures ou des vélos par exemple) et des personnes (intervenant au domicile par exemple), de vérifier la marche ou l’arrêt d’un appareil électrique ou électronique à distance, de détecter des anomalies de fonctionnement des biens, des écarts à la norme de paramètres de santé des personnes… Elles savent utiliser les possibilités d’interaction des biens à distance pour éteindre tous les appareils électriques et électroniques quand on ferme la porte en sortant de chez soi, pour payer une voiture en auto-partage quand on la quitte, pour envoyer une ambulance lorsqu’un système de télésurveillance détecte la chute d’une personne. Bref, elles sont capables d’offrir une myriade de nouvelles « solutions » à nos besoins sur nos lieux de vie.

Ces solutions, qui vont satisfaire les besoins des consommateurs des pays développés tout autrement, vont mettre sur le marché de nouveaux produits très adaptés à des populations nanties. Elles constituent donc, mieux encore que les biens haut de gamme, des frontières naturelles avec les pays émergents.

Last but not least, ces solutions obligeront à concevoir de nouveaux biens : un velib n’est pas un vélo, un appareil de surveillance de la santé à domicile n’est pas le même que celui de l’hôpital…Elles permettront donc de renouveler l’industrie et ainsi d’aider à la sauver.

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