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Comme le montre l'exemple de l'industrie aérienne, 
la révolution verte viendra de l'économique, pas du politique
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7ème ciel

Les derniers rapports de l'industrie aérienne montrent que la consommation de kérozène a augmenté beaucoup moins que l'augmentation du nombre de passagers d'avions. A croire que le pouvoir économique est tout aussi efficace que le pouvoir politique en matière d'écologie.

Mikaa Mered

Mikaa Mered

Mikaa Mered est professeur de géopolitique des pôles Arctique et Antarctique à l’Institut Libre d’Étude des Relations Internationales (ILERI) à Paris. Son ouvrage Les Mondes polaires (PUF, 2019) sortira en librairie le 16 octobre.

 

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Si beaucoup voient que la flambée du pétrole n'a pas que des mauvais côtés, peu le rapportent. Certains secteurs régulièrement montrés du doigt pour leur prétendue contribution excessive au réchauffement climatique sont pourtant à la pointe de cette "révolution verte" clamée ou réclamée en tous bords de l'échiquier politique.

Plus particulièrement, si les chantres de l'écologie et les associations de consommateurs stigmatisent à raison l'aviation civile commerciale pour les surcharges appliquées à chaque poussée de fièvre pétrolière, nul ne félicite l'excellence énergétique de cette industrie. Souvent associés aux mots "grève", "catastrophe", "déficit" ou "restructuration", nos leaders mondiaux Airbus et Air France sont durement attaqués alors que le secteur innove, embauche et pollue toujours moins d'après les derniers chiffres rapportés par l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (ICAO).

Piétinant les idées reçues, l'ICAO montre qu'entre 2000 et 2010, si le trafic passager mondial a augmenté de 45%, la consommation en kérosène n'a elle augmenté que de... 3%; preuve que le secteur aérien n'a cessé d'innover, à une rapidité inégalée par ailleurs, tant au points de vue technique que managérial, pour dégager des économies d'un carburant toujours plus cher sur la période.

Cela veut pas dire que le secteur aérien n'a cessé d'innover, à une rapidité inégalée par ailleurs, tant au points de vue technique que managérial, pour dégager des économies d'un carburant toujours plus cher sur la période.

Cependant, afin d'éviter la malhonnêteté intellectuelle qui consisterait à ne distribuer que des bons points, il faut rappeler que cette trend n'est en aucun cas basée sur une volonté écologique: le kérosène représentant en moyenne 22% des couts fixes des transporteurs, la planète peut remercier ici les impératifs de profit dictés par l'actionnariat contemporain. En effet, l'efficacité énergétique du secteur est bien entendu un choix économique purement rationnel.

Optimisation des plans de vol et des rotations, nouveaux alliages, nouveaux moteurs, nouvelles aides au sol permettant l'extinction des moteurs principaux durant les phases de taxi, nouveaux sièges  — gain de poids de 40% chez Air France — mais aussi nouveaux gobelets et plateaux en plastique dont le transport nécessite plusieurs centaines de tonnes de kérosène chaque année: en plaçant la réduction des coûts apportés par les économies de carburant au centre de leur stratégie marketing, avionneurs et transporteurs rivalisent d'ingéniosité pour atteindre l'équilibre avion-voiture.

Objectif déjà rempli: un A340 moderne consomme à peine 3,5 litres pour 100km quand une Prius hybride "engloutit" 3,9 litres en moyenne.

Au delà de la machinerie et du management, le carburant lui-même est source d'efficacité énergétique majeure. Airbus prévoit un taux de pénétration du bio-kérosène de l'ordre de 30%. Utilisé depuis septembre 2011 par Air France et Lufthansa sur des vols court-courriers, ce bio-kérosène est en fait de l'huile de cuisson recyclée et présente l'avantage de ne nécessiter aucune modification des moteurs. Dans cette optique prometteuse, Air France projette une croissance neutre en carbone dès 2020.

Enfin, l'Europe se veut pionnière dans l'industrie des biocarburants. Le programme "Biofuel Flightpath", initié par EADS avec l'appui des majors aériennes et de la Commission Européenne, projette de produire deux millions de tonnes de bio-kérosène dès 2020. Dès lors, puisque ce programme d'innovation s'externalisera à d'autres secteurs clés tel l'automobile ou l'industrie lourde, on peut d'ores-et-déjà sourire à l'idée d'une quatrième révolution industrielle à application rapide nécessitant très peu d'aménagements structurels.

Moralité : si les chantres de la "révolution verte" passaient d'un discours culpabilisant et moralisateur à un discours axé sur les avantages économiques purs, la mutation écologique de notre industrie serait bien plus rapide, souple et efficace même dans les industries les plus polluantes. En d'autres termes, voyant que cette mutation sociétale tend à être impulsée par l'économique plus que par le politique, n'est-il pas réaliste de voir là le début d'une solution à notre modèle essoufflé ? 

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