Impôts sur le revenu : le fardeau fiscal se concentre sur encore moins de ménages qu’auparavant<!-- --> | Atlantico.fr
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Un avis d'imposition, Illustration, Photo AFP
Un avis d'imposition, Illustration, Photo AFP
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Erreur de calcul...

En France, un nombre conséquent de ménages ne paient pas l’impôt… et ce, sans pour autant frauder. Cela n’est pas sans impact sur les foyers qui, eux, se retrouvent contraint de s’en acquitter. Explications.

Agnès Verdier-Molinié

Agnès Verdier-Molinié

Agnès Verdier-Molinié est directrice de la Fondation iFRAP et auteure de Le vrai Etat de la France aux Editions de l’Observatoire 

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Atlantico : L’iFRAP vient de publier une note sur le fait que 75% de l'impôt sur le revenu est payé par 10% des ménages. Quel est le détail de ces chiffres ? Et leur évolution dans le temps ?

Agnès Verdier-Molinié : Oui le fardeau fiscal s’aggrave sur les 10% qui gagnent le plus par an comme je l’évoque dans mon livre Où va notre argent? (Éditions de l’Observatoire).

La Direction générale des finances publiques vient de mettre à jour les données relatives à l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) pour l’année 2021. Et ces données sont très instructives. En effet, Avec une collecte pour le dernier décile de 60,75 milliards d’euros pour une recette globale de 80,71 milliards d’euros, les 10% des plus riches paient bien 75,3% de l’ensemble de l’IR. Ajoutons que ce chiffre est obtenu net des remboursements et des crédits d’impôts. Et cette proportion s’accroît avec le temps. En 2019, les 10% les plus aisés s’acquittaient de 71,6%... soit +3,7 points depuis la mise en place du PAS (prélèvement à la source), soit l’équivalent de +6,7 milliards d’euros.

Rappelons que dans l’IR français la collecte ne devient positive qu’à compter du 6ème décile. Que celui-ci depuis 2019 ne bouge quasiment pas (+90 millions d’euros en 3 ans), tandis que les 7ème, 8ème et 9ème déciles ont vu leur fardeau fiscal s’alléger de respectivement -0,36 milliard, -1,02 milliard et -0,23 milliard en trois ans. 

Comment expliquer cette concentration grandissante du nombre de contribuables imposés ?

La concentration de l’impôt sur les 10% qui déclarent le plus de revenus vient en partie d’effets de structure : tout d’abord la population réellement imposée est très basse en France, on parle de 44,2% des foyers imposables pour 2021, contre 44,8% en 2019. Ensuite, le prélèvement à la source n’est pas réellement contemporain contrairement à ce que ces initiateurs défendaient au lancement de la réforme. Si le prélèvement peut s’ajuster aux revenus en cas de coup dur ou de retour à meilleure fortune, en revanche le barème n’est revalorisé de l’inflation qu’avec 1 an d’écart. Ce qui est extrêmement dommageable quand on paie l’impôt sur les revenus touchés en temps réel. En période d’inflation forte comme en 2022 et au-delà, cela « fait entrer » mécaniquement plus de contribuables au sein des tranches d’impositions les plus hautes.

Par ailleurs, les impôts payés en bas de barème sont très faibles car l’IR comporte en France un taux zéro jusqu’à 10.777 € et, concrètement, un célibataire ne paie pas d’impôt sur le revenu jusqu’à 16000 euros de net imposable. Et ce, contrairement par exemple à la Belgique dont l’impôt sur le revenu débute par un taux de 25% dès le 1er euro tout comme en Italie avec 23% au 1er euro. Finalement, les premiers déciles de revenus ne paient pas d’impôt sur le revenu et Bercy leur verse même des crédits d’impôts ce qui fait que des déciles 1 à 5, le bilan pour le Trésor est négatif sur l’IR à hauteur de 1,5 milliard. 

Sur quels contribuables la pression fiscale accrue pèse-t-elle le plus ?

La pression fiscale, comme nous l’avons évoqué plus haut, pèse le plus sur les 10% des contribuables les plus fortunés. Cela correspond pour 2021 à un revenu fiscal annuel supérieur à 31.593 € par part fiscale. Cela correspond à un taux moyen d’imposition de 16%.

Face à ce constat, que faudrait-il faire en matière fiscale ?

Si l’on effectue une rapide comparaison internationale, la France se trouve dans un cas unique : 44,2% seulement des ménages reçoivent un avis d’impôt sur le revenu à payer. Les autres reçoivent soit une notification de restitution (impôt négatif) soit un avis de non-imposition. En cela, la France diverge totalement de nos voisins européens. En Belgique, pour 2020, 78% des foyers étaient imposés. Au Royaume-Uni, en 2018-2019, ils étaient 76,4%.

Quelles seraient les solutions pour freiner cette concentration de l’impôt sur le revenu? 

Plusieurs solutions existent et pourraient se conjuguer pour pallier la concentration de la pression fiscale sur les 10% qui déclarent le plus de revenus.

- Adopter le principe d’une indexation contemporaine de l’IR sur l’inflation de façon glissante au mois le mois.

- Mettre fin à la non-déductibilité des 2,4 % de CSG qui pèsent actuellement sur les revenus d’activité et qui viennent gonfler artificiellement le revenu fiscal. Cela représenterait, d’après nos calculs de la Fondation iFRAP, une moins-value de 1,8 milliards d’euros d’IR sur les salaires et de 2,05 milliards sur l’ensemble des revenus d’activités.

- Introduire une imposition minimale avec une entrée dans l’IR à 3% par exemple. Cette fiscalisation au 1er euro, permettrait d’augmenter la base fiscale et mécaniquement de faire fondre la proportion de foyers non imposables.

- Rendre imposables les minima sociaux en faisant entrer les 130 milliards d’aides sociales versées en numéraires (APL, RSA, AAH, prime de Noël, prime de rentrée scolaire…) dans le net imposable à déclarer. Cela aurait plusieurs vertus : avoir enfin une vraie vision de qui touche quoi, contrôler mieux la fraude sociale et fiscale et verser toutes les aides sociales en crédit d’impôt dans une allocation sociale unique beaucoup moins coûteuse à distribuer.

Agnès Verdier-Molinié publie "Où va notre argent ? Des dépenses qui explosent, des services publics qui se dégradent : le scandale français" aux éditions de l'Observatoire

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