Impartialité de la Justice : le Syndicat de la magistrature atteint-il le point où il serait légitime de demander à ce que ses membres soient récusés dans un procès ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Syndicat de la magistrature a indiqué qu’il sera présent ce samedi à la marche contre les violences policières.
Le Syndicat de la magistrature a indiqué qu’il sera présent ce samedi à la marche contre les violences policières.
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Idéologie de la gauche radicale

Le syndicat très engagé dans la mouvance de la gauche radicale a décidé de participer à la marche contre les violences policières, le racisme systématique et pour les libertés publiques à laquelle appellent notamment LFI et EELV ce samedi.

Georges Fenech

Georges Fenech

Georges Fenech, ancien juge d'instruction, a présidé la commission d'enquête parlementaire consacrée aux attentats du 13 novembre 2015 et la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES). Son dernier livre est intitulé "L'ensauvagement de la France : la responsabilité des juges et des politiques" (2023) aux éditions du Rocher.

Il a déjà publié de nombreux ouvrages, parmi lesquels Gare aux gourous (2020), mais aussi "Face aux sectes : Politique, Justice, Etat" (1999) et "Criminels récidivistes : Peut-on les laisser sortir ?" (2007).

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Atlantico : Le Syndicat de la magistrature indique qu’il sera présent ce samedi à la marche contre les violences policières. Combien de membres du syndicat sont présents au sein de l’institution judiciaire ? Est-ce que l’on sait les postes qu’ils occupent ? On les trouve au pénal ? Au civil ? Au tribunal administratif ?

Georges Fenech : Il ne faut pas confondre l’ordre judiciaire privé et l’ordre administratif. Il existe des syndicats dans les juridictions administratives ou financières, à la Cour des comptes. Il s’agit de syndicats professionnels qui défendent les intérêts de la profession. Mais ils ne font pas de politique.

Le Syndicat de la magistrature est le seul syndicat qui fait de la politique dans l’ordre judiciaire privé. Depuis sa naissance, le 8 juin 1968, ce syndicat s’est inscrit dans un combat idéologique et politique. Il considère que juger est un acte politique, qu’un juge neutre prend forcément parti. Il faut être le défenseur naturel de l’enfant contre le père, de la femme contre le mari, du salarié contre le patron, du voleur contre la police, du plaideur contre la Justice. Cela a été énoncé à travers la célèbre harangue d’Oswald Baudot en 1973. En filiation directe, il y a eu le « mur des cons » avec des portraits épinglés dans le local du Syndicat de la magistrature avec en tête d’affiche des pauvres pères de famille dont les enfants avaient été assassinés, notamment par Guy Georges, et qui avaient créé des associations de lutte contre les tueurs en série. Cette action constitue une défense tout à fait iconoclaste de la délinquance.

Récemment, le Syndicat de la magistrature s’est illustré en considérant, lors de la Fête de l’Huma, que les émeutiers étaient des « révoltés ». Selon les représentants du Syndicat de la magistrature, ces émeutes sont une forme moderne de la lutte des classes. Ils ont également appelé, par le biais d’une contre-circulaire en réponse à celle du garde des Sceaux et adressée à l’ensemble de la magistrature, à ne pas criminaliser les mouvements sociaux et de ne pas apporter de réponses fermes et rapides comme le demandait pourtant le ministre de la Justice. Ces magistrats ne respectent plus leur statut de neutralité, d’impartialité. Ils se substituent au pouvoir légitime issu du suffrage universel.

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Il y a un vrai sujet qu’aucun garde des Sceaux depuis 40 ans n’a jamais vraiment osé attaquer frontalement : faire respecter le statut des magistrats.

Les membres du syndicat de la magistrature ont récolté 33,3 % des suffrages lors des élections au Conseil supérieur de la magistrature l’an dernier. Leur influence va bien au-delà de ce pourcentage.

Les générations ont évolué depuis la création du syndicat. Beaucoup d’entre eux sont à des postes clés aujourd’hui. Des membres du Syndicat président des grandes juridictions. D’autres sont à la tête de Cours d’appel. Ils sont aussi représentés dans des commissions d’avancement pour les carrières des magistrats. S’opposer au syndicat de la magistrature peut être dans certains cas préjudiciable sur le plan professionnel.

Il est important également de souligner l’influence très importante de médias acquis à la cause du Syndicat de la magistrature. Il y a un système de diffusion d’une idéologie à travers tous les organes de la société en lien avec la mouvance ultra-gauche.   

Est-ce la place des juges d’être dans une manifestation de ce type (la marche contre les violences policières) ?

Ce n’est absolument pas la place des juges. Car ces juges vont être amenés, tôt ou tard, à juger des affaires de policiers mis en cause. Quel peut être le sentiment d’un policier face à un membre du Syndicat de la magistrature ? Les membres tentent de se défendre en précisant qu’ils sont des magistrats militants mais qu’ils ne sont pas des juges politisés. Avec la casquette syndicale, ils se permettent de dire tout ce qu’ils veulent. Une fois qu’ils rentrent dans le cabinet, ils redeviennent impartiaux. Cela laisse songeur.

Est-ce que tout cela ne pose pas un problème d’impartialité ?

Un juge ne peut pas être partial. Or, l’injonction « soyez partiaux » de la harangue d’Oswald Baudot est tout le contraire de la Justice impartiale et au sens même des canons du droit européen.

Si un juge n’a pas l’impartialité, cela peut entraîner une condamnation de la part de la Cour européenne des droits de l’homme. L’impartialité du juge est un élément essentiel. Il est tout à fait imaginable qu’un policier face à un juge du Syndicat de la magistrature puisse soulever la question de la suspicion légitime et donc demander sa récusation.

Afficher ses opinions pour un magistrat, cela a des conséquences… des justiciables pourraient-ils demander à des magistrats de se récuser dans certains dossiers ?

Des justiciables pourraient effectivement considérer que ces magistrats qui font partie du Syndicat de la magistrature ont des opinions politiques affirmées concernant notamment la suspicion de violence systémique vis-à-vis de la police. Les justiciables seraient légitimes à demander les récusations de ces magistrats. Les chances pour que cela aboutisse sont minces. Il y a un tel effet de corporatisme dans la Justice qu’un mécanisme de protection se déploie.

La Justice peut-elle être juste quand on est juge et partie ?

Il n’est pas possible d’être juge et partie. Il ne faut pas afficher ses idées politiques ou participer à des manifestations, à des journées ouvertes et des conférences pour affirmer ses idées. Il y a donc un climat de suspicion par rapport à la neutralité et à l’impartialité du juge. Cela ne grandit pas l’institution judiciaire. Cela porte atteinte à son indépendance avec le poison de la politisation de la Justice. Si un juge souhaite faire de la politique, comme ce fut mon cas, il est nécessaire de se mettre en disponibilité de la magistrature, de mettre sa robe au vestiaire et de se présenter devant les électeurs. J’ai personnellement suivi ces étapes. Il n’est pas possible de mélanger les genres. La séparation des pouvoirs exige que chacun reste dans son rôle. De même, l’exécutif ne peut pas porter atteinte à l’indépendance de la Justice. A contrario, les juges ne peuvent pas porter atteinte à la séparation des pouvoirs sans quoi cela aboutit au gouvernement des juges.

Le garde des Sceaux peut-il réagir contre cette influence (notamment sur le plan juridique) ?

Le justiciable a très peu de moyens mais il peut soulever la question de la suspicion légitime à l’égard du juge qui est amené à le juger. Cette étape peut s’effectuer auprès de la Cour d’appel.

Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, a taclé le Syndicat de la magistrature en déclarant qu’il ne s’agissait pas d’un syndicat de Justice mais d’un syndicat politisé. En revanche, il est dommageable que le ministre de la Justice ait fait part de son impuissance. Le garde des Sceaux a pourtant les leviers nécessaires. Il pourrait tout à fait saisir une instance disciplinaire pour violation du statut. 

Georges Fenech vient de publier "L'ensauvagement de la France La responsabilité des juges et des politiques" aux éditions du Rocher

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