Immobilier : Ce qui vous attend pour la rentrée<!-- --> | Atlantico.fr
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Les prix se sont assagis sur tout le territoire.
Les prix se sont assagis sur tout le territoire.
©Flickr

Bons plans

Le point pour la rentrée sur l'immobilier. Opportunités à saisir, pièges à éviter, sur le neuf comme sur l'ancien.

Henry Buzy-Cazaux

Henry Buzy-Cazaux

Henry Buzy-Cazaux est le président de l'Institut du Management des Services Immobiliers.

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Atlantico : Les prix sont-ils stabilisés, après avoir baissé depuis trois ans en région et depuis un an à Paris ?

Henry Buzy-Cazaux : Les prix se sont en effet assagis sur tout le territoire et ils sont aujourd'hui beaucoup plus accessibles aux ménages candidats à l'acquisition. D'ailleurs, le mouvement de baisse a commencé il y a déjà trois ans dans les villes moyennes ou en zone rurale, pour conduire à des corrections importantes, jusqu'à 25% à certains endroits... dont on parle peu parce que ce ne sont pas des zones à forte attractivité économique ou culturelle. Ailleurs, dans ce qu'il est convenu d'appeler les zones tendues, les baisses ont été plus tardives et elles ont mené à des corrections moindres. Paris et les autres mégalopoles françaises n'ont vraiment connu l'accalmie qu'il y a dix-huit mois, d'abord avec la fin de la hausse, puis depuis un an avec une inflexion dépassant les 5% dans certains quartiers.

Il faut mesurer ces progrès à l'aune de ce qui s'était précédemment passé : les prix des logements avaient augmenté partout dans le pays entre 1999 et 2012 selon une courbe ascendante à peine interrompue en 2008 avec la crise des subprimes, avec des années de progression à deux chiffres.

Qu'en sera-t-il à partir de la rentrée ? On entend que les prix auraient atteint leur minimum et qu'ils auraient même déjà repris des couleurs, notamment dans la capitale, depuis quelques semaines. Ce mouvement a pu concerner certains biens, pour lesquels les prix de mise en marché anticipaient des baisses trop fortes, mais rien ne conduit aujourd'hui à une remontée des prix... bien au contraire. Il y encore un potentiel de baisse et il faut le dire, en particulier aux propriétaires vendeurs. Il faut aussi leur rappeler que s'ils détiennent leur bien depuis dix ans, ils ont engrangé une plus value de l'ordre de 150%... qui rend indolore un effort de 3 ou 5% sur le prix de revente.

Quels sont les facteurs qui conditionnent les valeurs immobilières ? D'abord le niveau du chômage. Le moins qu'on puisse dire est que les résultats du pays sont mauvais et ils ont largement constitué le fond de l'actualité de l'été. Entre ceux qui, tenus éloignés de l'emploi, sont tenu éloignés de l'achat, et ceux qui craignent pour leur emploi à court et moyen termes, la situation est de nature à déprimer les marchés. Par ailleurs, la remontée, même légère pour l'instant, des taux de crédit va peser sur les prix. En fait, les accédants à la propriété vont faire en quelque sorte un jeu à somme nulle: ils vont vouloir obtenir des vendeurs que la hausse du coût de l'endettement soit compensée par une nouvelle correction sur les prix. Enfin, il n'y a aucune chance que des aides publiques viennent contrarier la baisse en resolvabilisant artificiellement les ménages: les finances publiques ne le permettent pas et on sait désormais qu'il ne faut surtout pas donner des aides que le prix risque de neutraliser en augmentant. Ces trois grands facteurs vont encore jouer sur les prix dans le sens de la baisse.

Selon l'ambiance économique générale, ils pèseront sur les prix au point d'inciter les cédants et les agents immobiliers à afficher d'entrée des valeurs moindres, ou il faudra aux acquéreurs prendre la main par la négociation. Je plaide d'ailleurs pour que les acheteurs soient plus audacieux. Trop d'entre eux se laissent dissuader par certains messages relatifs à la hausse, ou par les prix affichés. Ils ne sont pas nécessairement placés dans le marché, surtout lorsqu'il n'y a pas d'intermédiaire ayant fait entendre raison au cédant. En outre, la rentrée est le moment d'acquitter le solde de l'impôt sur le revenu et elle crée un sentiment d'appauvrissement chez les contribuables qui les incite à obtenir des réfactions sur les prix !

Dans le détail des territoires, il est certain que ceux qui sont plus exposés, plus prisés, résisteront mieux. La disparité des baisses enregistrées dans le passé récent va se constater à l'identique dans l'avenir proche. En revanche, il est peu probable que les rares marchés qui étaient orientés à la hausse -tel Bordeaux- puissent désormais échapper à une érosion.

La remontée des taux va-t-elle durer ? Celle qui est déjà actée va-t-elle enchérir le coût des opérations ou peut-elle peser indirectement sur le prix des biens ?

La remontée des taux, annoncée depuis un an, est intervenue de façon incontestable. Tous les établisssements prêteurs l'ont désormais actée dans leur tarif, dans des proportions variables, allant jusqu'à 50 points de base (+0,5%). La politique des Banques centrales et des Etats est au soutien de la croissance et cette hausse sera contenue dans les prochaines mois. La hausse de l'été a conduit à un palier long, valable pendant au moins un semestre.

Le problème est ailleurs et il ne faudrait pas que l'arbre cache la forêt. Ce sont les conditions de distribution des prêts qui comptent et en pratique ceux qui bénéficient des taux les plus bas sont de moins en moins nombreux. Les critères de sélection des banques, sous l'effet du durcissement des impératifs de solvabilité des établissements prêteurs -Bâle III-, se sont renforcés au détriment des emprunteurs les moins solides. L'apport personnel est souvent demandé à hauteur de 30%. Les durées, elles, après s'être contractées, se sont un peu rallongées, mais l'époque des prêts à 30 ans est quasiment révolue. En un sens, il ne faut pas la regretter parce qu'elle a conduit à un enchérissement du prix des biens en l'absorbant...

Il importe que les pouvoirs publics soient vigilants, c'est leur rôle, quant à la politique commerciale des banques. Sans cela, le marché perdra son ressort le plus précieux.

En tout cas, la hausse des taux va logiquement peser sur le prix des logements! Ce que les accédants ou les investisseurs perdent d'un côté, il  vont devoir le récupérer de l'autre. Leur solvabilité est le juge de paix et elle ne s'est pas améliorée. Il vont donc travailler à enveloppe constante.

Le projet de loi de finances pour 2016 peut-il comporter de bonnes nouvelles... voire de mauvaises pour le logement ?

A l'heure où nous parlons, le projet de loi de finances pour 2016 est inconnu. Il se prépare dans les ministères. Qu'attendre pour le logement ? On sait déjà que la baisse des taux a allégé le coût budgétaire du prêt à taux zéro pour l'Etat. Par conséquent, aucune menace ne pèse sur son financement et par voie de conséquence sur ses conditions d'accès. Pour les investisseurs, le dispositif Pinel a du succès et porte la timide reprise des ventes de neuf : il sera reconduit à l'identique.

La crainte porte sur les aides au logement. Le gouvernement, non sans raison étant donné leur poids dans le budget de la nation -de l'ordre de 23 milliards d'euros par exercice-, a annoncé qu'elles seraient réduites pour certaines catégories d'allocataires. Là encore, c'est plutôt de nature à peser sur les prix. Le marché du logement est essentiellement constitué d'achats de besoin et les ménages ne renonceront pas au motif que leurs aides ont baissé. Ils demanderont aux prix de leur conserver le même pouvoir d'achat.

L'encadrement des loyers et l'ensemble des autres dispositions de la loi ALUR relatives aux rapports locatifs enlèvent-ils tout intérêt à l'investissement immobilier ?

Je ne m'associe pas aux discours déprimants sur l'investissement locatif privé. Sur le front des relations juridiques entre bailleur et locataire, je ne vois pas dans la loi ALUR ce qui serait venu les déséquilibrer. Il y a eu en revanche des clarifications salutaires, avec un cadre contractuel normatif pour le bail, bientôt un constat d'état des lieux type, une grille de vétusté pour apprécier l'usure du logement et ne pas l'imputer au locataire de façon anormale. Quant à l'encadrement là où il est opérationnel -Paris-, voire là où il le sera -Lille...-, je note qu'il fallait éradiquer les excès, le plus souvent dans le cas de locations directes sans agent immobilier ni administrateur de biens. J'observe aussi que les prix retenus comme valeurs de référence ne sont pas irréalistes et rendent bien compte des valeurs de marché. Il faut ajouter que la la liberté est laissée au propriétaire de faire varier le loyer autour de la valeur de référence, et même de le compléter si les caractéristiques du logement le justifient.

Je suis sûr en revanche que cette règlementation renforcée, si elle est de nature à assainir les relations locatives, introduit une complexité indigeste pour le particulier. Le résultat devrait être un plus large recours aux professionnels de la location et de la gestion, et ce serait heureux : ils sont des agents de normalisation et d'équilibre, alors que la plupart des bailleurs les voient comme des intermédiaires dont on peut faire l'économie. A cet égard, le parc locatif français est un exemple de désintermédiation, avec seulement un logement sur trois confié à un professionnel mandataire. J'exorte d'ailleurs les professionnels à dépasser leur rejet épidermique de la loi ALUR et de voir ce qu'elle leur apporte d'opportunités de démontrer leur utilité et leur valeur ajoutée.

Enfin, en termes purement économiques, l'investissement locatif privé, justement s'il est sécurisé par une gestion professionnelle, par une assurance contre les impayés, les dégradations et les contentieux, c'est-à-dire si les risques en sont maîtrisés, est compétitif par rapport aux autres placements. Il reste également porteur de plus-value à moyen terme.

Les promoteurs vont-ils avoir une politique de prix agressive pour encourager les accédants ?

Il ne fait pas de doute que les promoteurs et les constructeurs de maisons individuelles, qui déplorent depuis deux ans une baisse historique de leurs ventes, vont déployer des efforts commerciaux importants. Il le font déjà, avec par exemple la gratuité des frais de mutation ou encore l'équipement offert de la cuisine. Fondamentalement, la situation du logement neuf est à cet égard différente de celle de l'existant. A la fois les producteurs de logements sont contraints par les coûts de production, pour la plupart incompressibles (terrain, matériaux, main d'œuvre, respect des normes), à la fois ils sont très sensibles aux variations de solvabilité de la demande des ménages et s'y ajustent avec réactivité.

Ils savent composer avec leurs marges, contrairement à ce qu'on entend trop souvent. Aujourd'hui, ils prennent conscience qu'ils doivent dégrader leur rentabilité, en espérant des temps plus fastes leur permettant de la restaurer. Pour autant, l'intérêt des acquéreurs est de se méfier des moins offrants: un propriétaire sera heureux d'avoir face à lui un promoteur ou un constructeur solide au moment d'activer le service après-vente en cas de problème...

Nous sommes dans une période où il faut aussi encourager les ménages à se montrer responsables et à ne pas faire le lit du dumping, qui menace la qualité...et l'emploi dans la filière immobilière. Or, sa santé est l'une des conditions de la santé de l'économie générale. Gardons à l'esprit que la relance de la construction peut apporter à notre économie jusqu'à un point de croissance à elle seule !

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