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Crise économique ou immigration ? Tour d’Europe des sujets
de campagne numéro 1
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Question de priorité

L’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas ont tous les trois connu une élection majeure ces derniers mois. Quels sont les thèmes qui ont marqué les campagnes électorales dans ces pays ?

Fabio   Liberti, Juan Pedro Quinonero,Marijn Kruk

Fabio Liberti, Juan Pedro Quinonero,Marijn Kruk

Fabio Liberti est Directeur de recherche à l’IRIS. Il est spécialiste des politiques de défense des principaux Etats membres de l’UE.

Juan Pedro Quinonero est journaliste. Il est correspondant en France du journal conservateur espagnol ABC.

Marijn Kruk est le correspondant en France du quotidien néerlandais Trouw et de l’hebdomadaire De Groene Amsterdammer.

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Atlantico : L’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas ont vécu une élection majeure en période de crise économique. Quel thème a le plus été abordé, la crise économique et financière ou le thème des valeurs identitaires, et notamment le problème de l’immigration ?

Fabio Liberti : A aucun moment les Italiens ses sont intéressés aux questions migratoires ou aux questions de société. Le gouvernement Monti est un cabinet de crise qui a un mandat précis et limité à la réforme économique. Même pour l’opinion publique, la crise a tout mangé.

L’Italie, en termes d’immigration est un pays radicalement différent de la France. L’Italie a toujours été un pays d’émigration plutôt que d’immigration. Nous sommes devenus un pays d’immigration uniquement dans les années 90 avec l’arrivée massive des migrants albanais.

Je ne vais pas dire que les Italiens ont oublié du jour au lendemain la question migratoire mais lorsque l’Etat risque de faire faillite, les questions économiques passent clairement au premier plan.

Juan Pedro Quiñonero : En Espagne, le problème de l’immigration se pose là où il y a des « ghettos ». Il existe un micro parti d’extrême droite qui tient le même type de discours suranné et démagogique que le Front national en France. Mais il est vrai que, en ce qui concerne les grands leaders d’envergure nationale, José Luis Zapatero à gauche et Mariano Rajoy à droite, personne n’a voulu prendre le problème de l’immigration à bras les corps et en faire un débat national.

Le thème de la campagne espagnole de 2011 était clair : il fallait réduire la dette, le déficit, créer des emplois, libéraliser l’économie. L’Espagne était extrêmement fatiguée de l’expérience Zapatero.

La campagne Rajoy avait beaucoup de points communs avec la campagne Hollande. Il y avait aussi une sorte de non-dit du coté de Rajoy. Quand on lui demandait ce qu’il comptait faire sur telle ou telle question, M. Rajoy répondait : « Je ferai le nécessaire ». Cela a tout de même marché car personne ne croyait en Zapatero...

Marijn Kruk : Souvent les thèmes changent au fil de la campagne. Il est donc très difficile d’isoler un thème principal. Néanmoins, il est sûr que les questions économiques n’étaient pas très présentes pendant la campagne néerlandaise de 2010. A ce moment-là, la crise économique n’avait pas encore vraiment touché le pays. Le taux de chômage était à moins de 4% (il a augmenté depuis). Même si l’on avait connu une crise bancaire avec le rachat de l’ABN Amro, l'attention de l'opinion publique s'est plus concentrée sur l’ascension de Geert Wilders (chef du Parti pour la liberté, parti nationaliste néerlandais) et sur les problématiques d’identité et d’immigration, avec un focus assez important sur l’islam.

Cependant, en 2014, pour les prochaines élections, le thème de la crise devrait se retrouver plus sur le devant de la scène. Mais il ne faut pas oublier le politicien très habile qu’est Geert Wilders qui a une propension assez impressionnante à imposer son agenda dans le débat public.

Quel œil portez-vous sur cette problématique en France ? Pensez-vous que l’on parle trop d’immigration et pas assez de la crise économique ?

Fabio Liberti : Jetrouve que la crise économique et financière est un peu occultée en France. Nous avons effectué une sorte d’anesthésie générale sur la crise de la dette souveraine. La BCE a prêté 1 000 milliards d’euros aux établissements bancaires, afin que ces dernières rachètent la dette des Etats européens en difficulté, ce qui a entrainé la baisse des taux d’intérêts des émissions obligataires d’Etat. On a l’impression que l’on a trouvé la panacée, que ce n’est plus un problème. C’est inquiétant dans la mesure où les Etats pourraient perdre la volonté d’effectuer des réformes qui restent largement impopulaires.

Entre 2007 et 2012, beaucoup de choses se sont passées. Je pense qu’il serait beaucoup plus important de s’intéresser à ce type de questions que de parler de l’abattage de la viande halal. Les Français sont loin d’être stupides et comprennent très bien que, dans la situation actuelle, ce qui est le plus important pour l’avenir est la « soutenabilité » des finances publiques.

Juan Pedro Quiñonero : Il est vrai que les élites parisiennes se grattent toujours la tête sur ces questions d’un intérêt relatif. Je pense que l’on parle trop d’immigration en France, et notamment des questions sous-jacentes comme le halal. Il n’y a pas de problème halal en France.

Cependant, j’ai une vision extrêmement optimiste de l’intégration à la française. Manuel Valls, Rachida Dati, Najat Valaud-Belkacem sont des personnages importants, issus de l’immigration. Nous n’avons malheureusement pas les mêmes exemples en Espagne. L’immigration en France s’est clairement mieux installée dans la vie culturelle et politique qu’en Espagne.

Marijn Kruk : Quand j’observe la campagne présidentielle française, je remarque plutôt le débat sur la viande halal. On ne parle pas assez de la situation économique et de la crise financière. François Bayrou cherche à imposer cette thématique mais il peine.

Le programme économique de Nicolas Sarkozy et François Hollande restent assez flou. C’est une grande différence entre la France et les Pays-Bas. Aux Pays-Bas, il y a toujours eu un consensus sur la question de l’austérité. C’est un mot qui reste tabou en France. Aux Pays-Bas, il existe un une institution qui publie des prévisions pour l’année et qui détermine les mesures à prendre en conséquence. Les partis acceptent alors ces orientations dans un consensus souvent général. C’est encore loin d’être les cas en France…

Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud

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