Il paraît que les caisses de l’Etat sont vides... mais alors d’où sortent ces centaines de millions accordés aux jeunes (et à tant d’autres) depuis deux ans, et au total ça coûte combien ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Il paraît que les caisses de l’Etat sont vides... mais alors d’où sortent ces centaines de millions accordés aux jeunes (et à tant d’autres) depuis deux ans, et au total ça coûte combien ?
©Reuters

Quand y’en a plus, y’en a encore

Afin de calmer la gronde étudiante, le gouvernement a annoncé un plan de 400 à 500 millions d'euros pour la jeunesse, dont nous ignorons tout du financement. Depuis qu'il est Premier ministre, Manuel Valls multiplie les mesures coûteuses (entre 30 et 40 milliards d'euros), alors que l'on nous répète depuis des années que l'Etat n'a plus un rond.

Jacques Bichot

Jacques Bichot

Jacques Bichot est Professeur émérite d’économie de l’Université Jean Moulin (Lyon 3), et membre honoraire du Conseil économique et social.

Ses derniers ouvrages parus sont : Le Labyrinthe aux éditions des Belles Lettres en 2015, Retraites : le dictionnaire de la réforme. L’Harmattan, 2010, Les enjeux 2012 de A à Z. L’Harmattan, 2012, et La retraite en liberté, au Cherche-midi, en janvier 2017.

Voir la bio »

Soucieux de désamorcer la contestation étudiante et lycéenne, le gouvernement Valls a annoncé un plan de 400 à 500 millions d'euros pour la jeunesse. Alors que l'on nous répète depuis des années que les caisses de l'Etat sont vides, comment une telle mesure sera-t-elle financée?

Cette mesure ne sera pas financée ! Sachant que les finances publiques sont en déficit important, même si une taxe nouvelle était créée pour compenser une décision de dépense supplémentaire, il serait exagéré de dire que cette dépense est financée, puisque le budget de l’État forme un tout.

 À entendre nos ministres des Finances, on pourrait croire que la plupart d’entre eux n’ont jamais suivi le moindre cours de finances publiques. En effet, l’absence d’affectation de l’impôt est le b.a.-ba de cette discipline. Excepté les ITAF (Impôts et taxes affectées, une exception au principe de non affectation qui a pris beaucoup d’ampleur en faveur de la protection sociale), c’est la recette fiscale globale qui finance la dépense globale de l’État. En l’absence de réforme législative (voir constitutionnelle ?) supprimant ce principe, même si une ressource fiscale nouvelle d’un montant de 400 à 500 millions d'euros venait à être créée, dire qu’elle finance spécifiquement les mesures destinées à désamorcer l’ire d’une partie de la jeunesse serait une "parole verbale", comme on dit, un propos lénifiant sans valeur réelle. 

Ces mesures s'ajoutent au rachat partiel des licences des taxis, à la revalorisation des indices des fonctionnaires et au coup de pouce à la recherche déjà annoncés récemment par le gouvernement. Si l'on tient compte des mesures plus anciennes (CICE, pacte de responsabilité, etc.), à combien s'élève l'addition sur les deux dernières années (depuis que Manuel Valls est Premier ministre) ?

Il est difficile de donner un chiffre précis, parce que les mesures de "relance" prises depuis 2 ans sont difficiles à chiffrer de façon indépendante, et que les montants fournis par Bercy ne correspondent pas nécessairement à ce qui est économiquement significatif. Disons à la louche 3 ou 4 dizaines de milliards d'euros.

En fait, le locataire de Bercy se sent pousser des ailes parce que les prévisions relatives au coût de la dette publique ont été revues à la baisse. Les taux à 10 ans, sans compter ceux des bons du Trésor à court terme, ont encore baissé (les seconds sont négatifs). Le prix de l’endettement public évolue de ce fait à la baisse, malgré l’augmentation des encours, au fur et à mesure que des emprunts nouveaux prennent le relais d’émissions anciennes que le Trésor public rembourse. Cet évènement agréable pour nos grands argentiers est ressenti comme une "cagnotte", selon l’expression consacrée. Mais il n’y a cagnotte véritable, enrichissement, que si la dette diminue. Or la France est très loin de pouvoir se raccrocher au dicton "qui paie ses dettes s’enrichit", puisqu’elle ne paie pas réellement ses dettes, mais continue à en contracter toujours plus.

Avec toutes ces mesures, certains ne manqueront pas de mettre en doute le fait que l'État est aussi pris à la gorge qu'il le prétend. Quelle marge de manœuvre offre l'état réel des finances publiques ?

L’État se sent suffisamment pris à la gorge pour différer toutes sortes de paiements dus à ses fournisseurs. Le cas de la Justice, récemment mis en exergue dans les médias, est caractéristique. Les experts et interprètes dont les tribunaux utilisent les services sont payés avec des retards pouvant atteindre et dépasser un an ! Après quoi nos dirigeants font sans vergogne la leçon aux grandes entreprises qui ne respectent pas les délais de paiement contractuels. Certes, ces entreprises indélicates sont tout-à-fait blâmables, mais ce n’est pas à celui qui vole un bœuf de faire la morale à celui qui chaparde un œuf !

Ceci étant, les marges de manœuvre de l’État français sont encore, à ce jour, assez confortables. En effet, la France emprunte sans difficulté, et à des conditions très favorables. Nous payons un peu plus cher que l’Allemagne, mais bien moins que l’Italie ou l’Espagne. Si bien que nos gouvernants vont pouvoir continuer à gaspiller pendant encore quelques années. Combien exactement, cela est difficile à dire, parce que cela dépend de ce qui se passe dans l’esprit des financiers au niveau international. Or ni les présidents ou gouverneurs des grandes Banques centrales, ni les responsables de grandes banques commerciales, de grands fonds de pension, de grandes compagnies d’assurance n’ont un comportement parfaitement prévisible. On peut même dire qu’ils ont un certain instinct grégaire rendant possible des retournements brutaux, c’est-à-dire soudains et très forts – comme par exemple ce qui s’est passé récemment pour le pétrole et certaines matières premières. Les volcanologues commencent à mieux prévoir le réveil des volcans, mais les économistes sont moins avancés qu’eux : ils savent seulement que nous sommes installés au pied du Vésuve.

>>> A lire aussi : Chers électeurs : François Hollande à la reconquête de ses clientèles traditionnelles grâce aux marges budgétaires dégagées par la baisse du pétrole et des taux d’intérêt

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !