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Hollande veut-il transformer la BCE en équivalent de la réserve fédérale américaine ?
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Maso-monétariste !

Dans son discours du 17 mars, François Hollande annonce son intention de réformer la BCE. Cette dernière devrait selon lui agir selon un double mandat afin de contenir l'inflation tout en soutenant la croissance. Derrière la promesse électorale, quelles implications politiques réelles ?

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Le programme de François Hollande, au sein de son article 11, énonce « je renégocierai le traité européen issu de l’accord du 9 décembre en privilégiant la croissance et l’emploi, et en réorientant le rôle de la Banque centrale européenne en ce sens ».

Une information confirmée le 17 mars, dans le discours sur l’Europe du cirque d’hiver « Mais nous ne nous interdisons rien pour faire évoluer le mandat de la Banque centrale européenne…Et, surtout, agir pour la croissance. Telle doit être, également, la mission de la Banque centrale européenne ». Les mots ont un sens, et, concernant la politique monétaire, ils ont un sens précis. Ce qui est annoncé ici est une refonte totale du mandat octroyé à la banque centrale Européenne.

La BCE est aujourd’hui soumise à une règle de stabilité des prix, distillant ses interventions au gré des fluctuations du niveau d’inflation. L’intégration de la notion de croissance dans son mandat, modifie considérablement sa mission, et fait adopter à la BCE la méthode de fonctionnement de la réserve fédérale américaine (Fed), et son « dual mandate ». L’autorité monétaire de Washington est en charge d’une action dictée par l’analyse des deux composantes que sont l’inflation et le niveau de chômage.

La BCE, aujourd’hui, ne peut apporter de soutien monétaire à l’économie que dans la mesure où le niveau d’inflation, à moyen terme, ne dépasse pas le seuil de 2%. La prise en compte du niveau de croissance, et ainsi du taux de chômage, assouplit cette vision et permet à l’autorité monétaire de procéder à des interventions afin de lutter contre un taux de chômage trop élevé. Il s’agit dès lors de mettre en place un réglage fin, un arbitrage entre niveau de croissance et niveau d’inflation.

Cette mesure, dans l’environnement actuel, amènerait un soutien monétaire à l’économie bien plus conséquent que ce nous pouvons voir aujourd’hui. Ceci étant justifié par un taux de chômage européen supérieur à 10%. La simple comparaison avec les États-Unis permet ainsi d’en connaître le menu. Ben Bernanke, président de la Banque centrale américaine a notamment pu mettre en place deux plans de Quantitative Easing, (opérations de rachats de dettes) et abaissé les taux directeurs à un niveau de 0.25% pour une période longue (jusqu’à fin 2014), et ce, afin de soutenir l’emploi. Il est à noter que ses interventions ont eu pour effet de stabiliser l’économie mondiale, et d’apporter un soutien efficace à la création d’emploi, et à la croissance américaine au cours des derniers mois. Les dernières interventions du conseil des gouverneurs ont également laissé entendre que tout ralentissement de l’économie au cours des prochains mois aura pour effet la mise en place d’un troisième plan de soutien monétaire. De fait, un tel mandat rend la politique monétaire bien plus agressive dans un contexte de crise.

Ce qui interpelle dès lors, n’est pas la mesure en tant que telle, celle-ci ayant pu faire ses preuves outre Atlantique, en permettant une intervention plus marquée de l’autorité monétaire, et une réactivité plus importante, mais sa discrétion. Il s’agit en effet de la mesure la plus ambitieuse, la plus efficace du programme socialiste, reléguant au banc de mesures anodines les autres propositions économiques de la présidentielle. Le silence laissé autour de cette question est assourdissant, elle mérite la discussion, la contradiction, et un réel programme permettant de soutenir cette ambition.

Un tel projet se heurtera très rapidement à la toute puissante Bundesbank (Banque centrale allemande), attachée à la seule prise en compte du niveau d’inflation, et dont l’héritage est aujourd’hui porté par la Banque centrale européenne. L’application d’une telle proposition nécessite la révision des traités fondateurs, ce qui  entrainera, dès lors, un débat  au niveau européen, et un prévisible affrontement entre deux courants opposés, non pas entre droite et gauche, mais entre deux philosophies de politique monétaire. La proposition de donner le même rôle à la BCE  que celui octroyé à la Fed faisant tomber les clivages politiques sur cette question.

Le mérite du Parti socialiste est évidemment d’aborder la question monétaire, déterminante  au cœur de la crise. Cependant, la puissance d’une telle mesure, capable de modifier en profondeur l’économie, et ayant un impact réel sur la vie du peuple européen, en fait une proposition dont les modalités ne peuvent restées cantonnées à une demi-phrase d’un discours, au détour d’un paragraphe. La raison de cette discrétion peut  être recherchée dans sa signification, le soutien de l’économie par le marché, par l’injection de liquidités, et par la validation, de fait,  des plans de soutien octroyés aux banques en 2008. Une position bien peu conciliable avec la notion « d’ennemi de la finance » ; et marquant la difficulté du débat démocratique.

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