Hebdo engagé & mariage homosexuel : Marianne a-t-il perdu sa raison d'être ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Concernant le débat sur le mariage pour tous, l'hebdomadaire Marianne s'est rangé du côté de la pensée unique.
Concernant le débat sur le mariage pour tous, l'hebdomadaire Marianne s'est rangé du côté de la pensée unique.
©Reuters

Médiatiquement correct

Concernant le débat sur le mariage pour tous, l'hebdomadaire Marianne s'est rangé du côté de la pensée unique.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

Voir la bio »

En consacrant  pas moins de quatre  articles à la Manif pour tous du 13 janvier, Marianne.fr a sans nul doute pris la mesure  de l’événement.

Mais à  lire ces articles, on devine que la rédaction du magazine a fait  grise mine devant  le succès de la manifestation.

Maurice Szafran, son directeur, donne la ligne éditoriale sur un ton apparemment bienveillant. Cette manifestation, dit-il, a  été impressionnante. Elle comprenait, relève-t-il,  surtout des catholiques et des gens de droite  (c’est vrai, même si le vice-président du Consistoire israélite et quelques imams  étaient à la tribune !). François Hollande doit en tenir compte.  En  changeant ses  projets ? Que non : en faisant un « travail pédagogique » à leur égard. Pédagogie, de  παιδός, enfant : pour lui,  ces gens-là sont  de grands enfants. Pédagogie, éducation, rééducation : au moment où les Chinois parlent de  fermer le  laogai, ils ont  peut-être  des « éducateurs »  à   recycler ?   Idée.  « Elle n’éprouve pas le moindre doute, cette part de France (les manifestants) ».Le directeur de Marianne  non plus : ce sont les manifestants  qu’il  faut rééduquer, pas  les promoteurs du projet.Il ne remet pas en cause ses certitudes, pire : il  n’envisage même pas qu’on puisse les  remettre en cause ; que l’on puisse tenir l’extension du mariage homosexuel  pour une aberration anthropologique  est une opinion qui , selon lui,  mérite certes de la considération (François Hollande ferait bien d’ y être ouvert )  mais apparemment  aucun respect intellectuel : ceux qui la partagent, « fermés sur eux-mêmes »,   sont  à instruire,  à apprivoiser, rien d’autre.

L’idée que le mariage  puisse être  institué  entre deux personnes, quel qu’en soit  le sexe,  fait partie pour Maurice Szafran et les siens,  de l’avenir radieux de l’humanité, des « hauteurs béantes » où le progrès nous conduit inéluctablement. Ceux qui n’ont pas encore compris  comprendront  sans doute si on  le leur explique gentiment.

Et in cauda venenum :  « Il n’y eut apparemment pas de dérapage homophobe tout au long de cet immense cortège. Tant mieux, c’était une exigence et une marque de respect minimum. Et pourtant... » . Tout est dans ce « Et pourtant… », particulièrement odieux.  La loi de suspects n’est pas loin : la pointe du  soupçon est glissée alors qu’on vient de dire qu’ il  n’avait pas  le moindre fondement.

« Marque de respect minimum » ? Et qu’aurait été une « marque de respect maximum » ?  De se taire et de se rallier sans  sourciller aux thèses d’Act Up ?  Et oui, même  si rien n’en transparait, ces gens  pourraient  bien  être homophobes !  Méfions-nous : si un animal dépourvu du tatouage de la pensée unique se promène dans les rues, c’est que,  comme le disait le regretté Philippe Muray,  la « cage aux phobes »  est encore  ouverte. Et pas un peu, cette fois, un million de phobes   en divagation ! Que fait la SPA ?   Soupçon  pour soupçon : que  ces gens-là puissent  avoir des raisons que la raison n’ignore pas  et qui (qui sait ?) sont  peut-être de bonnes raisons, en est un qui n’effleure  pas une seconde le patron de Marianne !

En consacrant ensuite un long article à Valérie Merle, épouse Telenne, plus connue sous le nom de  Frigide Barjot,  Marianne.fr   ne se trompe pas  sur le rôle essentiel que cette personnalité atypique a joué. Si elle n’avait pas été là, il ne se serait sans doute à peu près rien passé.   Bon ! L’article n’est pas globalement antipathique. Ce serait d’ailleurs difficile,  la connaissant. Que l’on rappelle  ses  affinités catholiques plus anciennes qu’elle ne le laisse croire, très bien, ses états de service à droite, c’est de bonne guerre.  Mais fallait-il  aller jusqu’à évoquer son appartement, le montant de son loyer,  les origines de la  fortune  de son père, ses supposées difficultés conjugales ? Que Marianne n’aime pas la Manif’ pour tous, c’est son droit,  mais fallait-il pour autant tomber dans  le  caniveau ? Et M.Szafran,  combien de loyer paye-t-il ? Il serait  propriétaire ? Alors  d’où  vient sa fortune ? Et les militants LGBT dont personne ne nous dit qui il sont, de quoi vivent-ils ? Combien  payent-ils de loyer ?  S’entendent-ils si bien avec leur futur éventuel « conjoint » ? Marianne nous dira-t-il tout cela aussi ? Nous espérons bien  que non ! Car l’honneur d’une certaine   presse est en jeu. Mais alors,  il ne fallait pas commencer avec Frigide Barjot !

D’autant que, de ces ragots, aucune source n’est citée. Les initiés la connaissent : un blog anonyme,  écrit par un barjot, un vrai  celui-là, un de ces nombreux hystériques que la personnalité  charismatique de Frigide Barjot  suscite. De qui s’agit-il ? Voilà ce que Marianne.fr  aurait pu nous apprendre.  

Enfin, l’article que tout le monde attendait : le Front national dans la Manif’  pour tous : en réalité une toute petite composante que l’on avait,  après tout, le droit d’étudier. Mais par derrière cette étude,  un  message subliminal vicelard : sous ces gentils cathos qui défilent, méfiez-vous : c’est  en fait  le Front national qui  avance  masqué. Derrière la marée de fanions roses, la  gaité, la jeunesse (qu’un autre témoin a trouvée « ennuyeuse »), la créativité  extraordinaire de cette manifestation, presque entièrement organisée par des moins de 25 ans,  pourrait bien ramper la bête immonde.

C’est sans doute pour cela que Simone Veil s’est mêlée  un moment aux manifestants ! Mais ça,  Marianne ne le dit pas.

Que n’a-t-on, au  lieu de ce mélange de condescendance, de fausse gentillesse et de vraies vacheries, entamé un débat de fond  sur la division de la société française entre ceux pour qui le mariage dit « gay » (l’est-il tant que cela ?) est une évidence, et ceux pour qui il est une absurdité,  cela  sans préjuger de qui a raison. Pourquoi une telle  césure ? Le dialogue est-il possible (nous craignons que non !) ?  Quels  risques fait courir au pays  François Hollande  à  soulever un tel débat (« navrant »  en effet, Monsieur Szafran)  dont au fond la France aurait pu ( et ça  c’est  une opinion vraiment majoritaire ! )  se passer ? A voir sans doute au prochain numéro.

Ainsi, Marianne qui, au temps de Jean-François Kahn ou de Philippe Cohen,  avait su trouver une place originale  dans la presse française, est rentré dans le rang libéral-libertaire. Sur un sujet majeur, ce magazine (à tout le moins son blog)  s’aligne sans nuances sur le politiquement correct. Malgré quelques foucades contre les riches ou tel ou tel scandale, qui  sont un peu le pendant à gauche,  des  écarts populistes de Jean-François Copé,   sources de mini-remous, qui cachent  mal  son alignement libéral, Marianne  s’ est rangé dans le grand parking des idées convenues du lilisme,  quelque part entre Libé et le Nouvel Obs . Imprévisibilité zéro. Dans une presse française qui épouse à 90 % la même ligne, à quoi sert-il  encore ?        

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !