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Hausse vertigineuse du chômage, disparition totale du travail... ou grandes opportunités ? Pourquoi la révolution numérique nous questionne sur la notion de travail elle-même
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Bonnes feuilles

Issu de la génération Y et riche de ses expériences de ces dix dernières années dans la plus grande agence de communication européenne, Yves-Paul Robert livre un regard impertinent et sans concession sur les enjeux que la communication fait peser sur notre société. Avec une ambition assumée : décrypter le mieux possible ce nouveau monde que nous léguons à nos enfants. Extrait de l'ouvrage "Le despote - consommateur" d'Yves-Paul Robert, aux éditions Plon.

Yves-Paul Robert

Yves-Paul Robert

Yves-Paul Robert est Partner et responsable de l'expertise communication de crise au sein du groupe Havas. Spécialiste de l'intermédiation stratégique, des relations médias et du lobbying, il intervient dans la presse et dans divers cursus universitaires.

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En réalité, Uber nous questionne sur la notion de travail elle-même. Avec les nouvelles technologies et la révolution numérique, le siècle des Lumières – qui fait du dur labeur le meilleur ascenseur social pour tourner la page du système féodal –, puis le xxe  siècle – qui fait du travail la clé de voûte des droits et de la protection sociale  – sont jetés aux oubliettes de l’Histoire. Va-t-on pour autant glisser vers une société où le travail n’aura plus de droit de cité, comme l’affirme Jeremy Rifkin, un spécialiste de la prospective économique ? Et auteur d’un livre au titre évocateur, La Fin du travail . Slasheurs , jobbeurs et autres indépendants vont-ils devenir la norme, la seule et unique norme ? Certes, le travail est en pleine mutation, mais force est de constater qu’à l’heure actuelle le salariat représente encore 90 % des emplois. Pour ceux qui en  ont un, bien sûr. Quand les prévisions les plus optimistes estiment que, dans les dix ans, 20 % des emplois seront nichés dans les diverses formes de travail indépendant. Ce qui est énorme... sans pour autant devenir la norme. Et n’oublions pas d’évoquer l’émergence et le développement des plateformes de mise en relation entre fournisseurs de biens ou de services et les consommateurs.

Uber, bien sûr, mais aussi, pour ne citer que quelques-unes des plus connues, Airbnb, BlaBlaCar ou encore Deliveroo. C’est une évidence, le despote-conso-acteur devient acteur – il peut ainsi louer ses compétences de menuisier à un autre particulier – tout en restant consommateur – lorsqu’il commande ses sushis sur Internet pour se les faire livrer à domicile. Chacun doit bien comprendre que le consommateur de demain n’est plus seulement celui qui achète. Il est devenu, nous sommes tous devenus, producteur. Producteur de biens, de services ou encore d’informations. Aujourd’hui l’interaction est complète. Et elle touche tous les domaines. Cela change bien évidemment notre rapport à la consommation. C’est-à-dire à la place que nous entendons occuper dans la société et l’économie de celle-ci. Mais si la plateforme permet d’approcher son client ou son fournisseur, elle peut aussi desservir grandement. Je pense à un avis négatif qui va être relayer et faire boule de neige... conduisant ainsi, en un temps record et pas forcément pour une raison de fond, à la fermeture d’un restaurant ou à la mise en difficulté d’une entreprise. Ce que l’on appelle communément le bad buzz. Cette e-réputation que nous avons déjà abordée.

Mais quid des oiseaux de mauvais augure, qui annoncent une disparition totale du travail ? Quand ils ne prédisent pas une hausse vertigineuse du chômage en raison d’une mutation économique majeure ?

Depuis plus de vingt ans, certains nous annoncent la fin du travail pour l’homme. Un homme qui serait sauvé du «labeur laborieux» par l’apparition des robots et de l’intelligence artificielle. Le retour à l’Antiquité, en quelque sorte, quand la notion de travail était directement associée à la soumission. Ne travaillaient, alors, que les esclaves ou les classes sociales dites inférieures. L’homme libre étant celui qui s’adonnait à la contemplation des astres, à la pensée philosophique ou à la participation de la vie de la cité. Si cela peut faire rêver, tout du moins sur le papier, c’est loin de devenir une réalité du xxie  siècle ! Selon de nombreuses études, la révolution numérique va effectivement impacter le marché de l’emploi en France – entre 15 et 20 % des emplois vont glisser vers l’automatisation –, mais pour ouvrir de nouveaux secteurs d’activité, principalement dans les services – les services à la personne, notamment en ce qui concerne les personnes âgées, mais aussi les activités de loisirs, du tourisme au jeu en passant par le luxe. D’ici à 2030, l’augmentation de la productivité et la révolution numérique devraient ainsi toucher près de neuf millions d’emplois en Europe. Un chiffre effrayant, mais à relativiser quand on évalue à dix millions les emplois nouvellement créés dans des secteurs émergents dans le même temps. Exemple parmi d’autres, le développement des MOOC1 , qui s’adressent à des milliers de personnes, étudiants ou  « adultes » désireux de continuer à se former gratuitement, va sans doute redessiner les formats d’enseignement. Mais ce développement va évidemment aller de pair avec l’accroissement des cours particuliers sur mesure pour des étudiants plus ou moins perdus. Un raisonnement qu’il est possible d’étendre à beaucoup de domaines. Ceux qui croient que l’emploi va se raréfier réfléchissent avec les seuls services et activités d’aujourd’hui. Ou d’hier. Or, notre monde avance à grande, très grande vitesse. Il est urgent de l’accepter pour mieux l’appréhender.

Imaginer qu’une entreprise peut grandir en étant déconnectée de la société dans laquelle elle est implantée est une vue de l’esprit. Nous venons de le voir, nous sommes tous devenus – à des niveaux différents – à la fois client et producteur. L’interaction est plus que jamais d’actualité. Ce que l’on appelle, pour faire simple, l’inclusion sociétale permet justement à l’entreprise de se fondre à la société dans laquelle elle évolue. Au sein de laquelle elle propose des biens et/ou des services.

Pourquoi observe-t-on une différence de réussite d’implantation en France entre deux entreprises venues d’outre-Atlantique, en l’occurrence McDo et Uber ? L’antériorité n’explique pas tout, même si cela reste un critère significatif. Mais bien plus important à notre avis, McDo a su s’adapter au modèle tricolore, à cette terre et à ses habitants... mieux, bien mieux qu’ailleurs. Il y a deux ans, le géant, qui compte quelque 36000 restaurants sur la planète, débarque son patron. Les ventes sont en chute libre dans la centaine de pays qui accueillent un McDo. Le clown rouge apparu en 1955 se débat avec son image liée à la «malbouffe » et à l’obésité. Ce combat est même devenu un sujet de société majeur sous la présidence de Barack Obama dont l’épouse, Michelle, s’est personnellement investie contre l’obésité. «Aux Etats-Unis, McDonald’s est omniprésent et fait partie de l’histoire alimentaire du  pays, analyse Jean-Noël Kapferer, expert des marques. Or cette histoire est remise en cause et il est difficile de ne plus être le symbole de ce que vous êtes...» Le roi du hamburger décide donc d’innover mais regarde surtout du côté de la France. Le pays où McDo triomphe. L’hexagone apparaît comme un élève exemplaire, l’un des rares pays où les ventes des quelque 1400  restaurants ont augmenté, comme le chiffre d’affaires en hausse de 2,6 % à 4,6 milliards d’euros. Un expert du secteur évoque la montée en gamme des produits, l’adaptation à des goûts locaux avec une offre de croissants au petit déjeuner ou encore le service à table...

Une adaptabilité au marché et aux attentes locales qui se traduit, de façon logique, sur l’emploi. Mieux que d’autres, McDo made in France a compris que le modèle social à la française était certes perfectible, mais qu’il restait un vrai régulateur du marché. Un moyen d’apaiser les salariés inquiets de disparaître dans les limbes de la nouvelle économie. Si cette prise de conscience et cette perception ne rendent pas forcément le travail moins fatiguant chez McDo, les salariés de cette chaîne de restauration rapide savent qu’ils s’échinent en France. Avec des règles sociales estampillées bleu-blanc-rouge.

Extrait de l'ouvrage "Le despote - consommateur" d'Yves-Paul Robert, aux éditions Plon

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