Hausse des prix de l’énergie : le match des mesures prises par les États européens pour protéger leurs citoyens <!-- --> | Atlantico.fr
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Un Allemand utilise sa plaque de cuisson de sa cuisinière à gaz, à Dortmund, en avril 2022.
Un Allemand utilise sa plaque de cuisson de sa cuisinière à gaz, à Dortmund, en avril 2022.
©Ina FASSBENDER / AFP

UE

Les gouvernements des pays européens ont mis en place différentes mesures pour protéger les consommateurs de l'impact direct de la hausse des prix de l'énergie, notamment avec les craintes des conséquences de la guerre en Ukraine.

Damien Ernst

Damien Ernst

Damien Ernst est professeur titulaire à l'Université de Liège et à Télécom Paris. Il dirige des recherches dédiées aux réseaux électriques intelligents. Il intervient régulièrement dans les médias sur les sujets liés à l'énergie.

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Atlantico : Dans une publication intitulée "National policies to shield consumers from rising energy prices", l’institut Bruegel fait le tour d’Europe des mesures prises par les gouvernements pour lutter contre la hausse des prix. Quelles sont les grandes tendances ?

Damien Ernst : On peut distinguer trois grandes catégories. Les mesures pour les consommateurs, l’aide aux entreprises, l’organisation des marchés et l’achat groupé.

La crise du gaz fait qu’en Europe, une personne avec un mauvais contrat de fourniture d’énergie peut voir une augmentation très forte de ses factures. L’Etat doit donc faire quelque chose, sans quoi il paupérise toute la population. Donc aider la population est normal. Mais il y a de bonnes et de mauvaises aides. Dans de nombreux pays on a donné des primes à des gens qui avaient un contrat  d’énergie à prix fixe, et qui n’étaient donc pas impactés par ces montées des prix.  Cela a représenté un surprofit pour eux. Et c’est une mauvaise chose, ce n’est pas efficient. C’est par exemple ce qu’a fait la Belgique via des chèques énergie.

Un sujet sur lequel trop peu de pays se sont penchés, c’est la possibilité de laisser les consommateurs domestiques exposés auxprix du marché, sans tabou,  pour permettre un signal de prix fort qui encouragerait la diminution de la consommation. Ainsi c’est une relative erreur de supprimer la TVA ou de bloquer l’augmentation du prix de l’électricité, comme a  pu le faire la France. Il aurait fallu laisser les prix monter, laisser les ménages s’exposer à des prix du gaz élevés mais compenser ceux qui sont victimes d’une hausse via un chèque énergie pour éviter de les paupériser. Cela aurait permis un comportement vertueux incitant à mieux consommer.

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Qu’en est-il pour les entreprises ?

Il y a une régulation européenne qui ne permet pas de donner des subsides aux entreprises. L’augmentation du volume de l’ARENH a été utilisée pour contourner cette interdiction. Cela crée une distorsion de la concurrence. Il aurait mieux valu interdire cette possibilité de soutien ou alors seulement la permettre pour des entreprises qui sont en concurrence avec des entreprises non soumises à ces hausses de prix de l’électricité et du gaz, comme c’est la cas par exemple pour les entreprises américaines Les pays l’ont fait chacun dans leur coin. Il aurait mieux fallu, quitte à le faire, à agir au niveau européen.

Et concernant le marché ETS?

Beaucoup de pays veulent que le marché ETS, emission trading scheme, soit arrêté car il coûte trop cher. De fait, il augmente le prix du MWh électrique. Mais il est utile pour décarboner l’Europe. L’ETS aggrave la crise des prix actuelle mais on ne peut pas simplement dans un contexte de transition énergétique le supprimer tout simplement. Néanmoins il n’est pas parfait. Les prix du CO2 sont trop volatiles avec ce marché. Les investisseurs dans le domaine des renouvelables et de l’efficacité énergétique ne voient non plus pas très clair quant aux prix du CO2 auxquels il conduira, et cela les embête. On pourrait néanmoins envisager de le remplacer par une taxe sur la tonne de CO2 dont le montant est connu pour les 20 ans à venir. C’est cela dont les investisseurs ont besoin

On critique aussi la manière dont les marchés de gros de l’électricité sont organisés ? Ils provoqueraient des situations de surproit. Qu’en pensez-vous ?

Les marchés de gros de l’électricité, et en particulier ce que l’on appelle le marché day-ahead font en sorte que toutes les unités de production d’électricité sont rémunérées au prix de l’unité la plus chère qui est utilisée pour produire cette dernière. Effectivement cela peut créer des situations de surprofits mais cela conduit aussi à des marchés qui sont économiquement efficaces. Je ne les changerais pas mais je favoriserais l’émergence d’autres types de marchés, comme ceux basé sur les Power Purchase Agreement (PPA).

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De quoi s’agit-il exactement ?

Ces contrats de type PPA permettraient par exemple à des citoyens d'acheter une fraction de la production d’un parc éolien, et ainsi de payer une partie de leur électricité non pas au prix des marchés de gros  mai au prix négocié avec le le  parc éolien. Cela leur permettrait aussi  de s’assurer d’avoir un contrat à prix fixe pour une partie de leur électricité pour une très longue période de temps, et ainsi d’éviter les mauvaises surprises liées à la volatilité des prix de l’électricité sur les marchés de gros.

Et quid des stratégies d’achat groupé du gaz au niveau européen pensées par l’Europe ?

Il est vrai que certains pays européens pensent acheter leur gaz  de manière groupée pour éviter de le payer trop cher. C’est à la fois une bonne et une mauvaise idée. Si c’est pour les bateaux de gaz LNG, ça ne changera pas grand-chose car le prix est déterminé pour attirer du LNG en Europe  est déterminé par la compétition entre l’EU et  l’Asie.En revanche, pour le gaz qui arrive par pipeline vers l’Europe, de la part de Norvège,d’Algérie, il y a possibilité pour l’Europe d’agir comme acheteur unique et de pousser les prix à la baisse. C’est aussi valable pour la Russie, même si la situation est difficile actuellement.

Qui gagne le match des mesures prises pour protéger leurs citoyens ?

La France, sans hésiter. Les citoyens Français n’ont presque pas expérimenté les hausses du prix du gaz et de l’électricitéMais il ne faut pas se leurrer, c’est aussi dû au contexte électoral français. A mon sens, les mesures vont s’éroder rapidement. Paradoxalement, les mesures françaises sont aussi fortement critiquables car elles brouillent complètement les signaux de prix et empêchent ainsi une diminution de la consommation.

Quelle est la meilleure mesure à prendre ? Et la pire ?

Des chèques énergie uniquement pour les ménages qui sont touchés par les hausses, comme je l’expliquais plus haut. L’erreur est de geler le prix du gaz et de l’électricité car cela ne permet pas à la demande de diminuer. Mais les Etats européens n’ont pas fait les choses de manière optimale. La Belgique a un peu essayé au départ avec son chèque énergie, puis a changé de stratégie en jouant sur le TVA.

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