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Halal, cascher : chez les musulmans et les juifs, la foi ne suffit pas, il faut aussi la pratique religieuse
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Orthopraxies

Derrière la polémique sur la viande halal se cache une conception des musulmans et des juifs de leur religion différente de celle des catholiques.

Malek Chebel

Malek Chebel

Malek Chebel est anthropologue des religions et philosophe. Penseur d'un islam modéré et intégré dans la République, il est l'auteur d'une trentaine d'ouvrages sur la civilisation islamique, il a publié très récemment l'ouvrage Vivre Ensemble avec Christian Godin, qui renouvelle le genre du dialogue philosophique, édité chez les Editions First. Il est l'auteur de Changer l'islam : dictionnaire des réformateurs musulmans des origines à nos jours.

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Atlantico : La polémique sur la viande halal continue de faire débat, mais d'où viennent précisément les termes "halal" et "cascher" ? En quoi ceux-ci décrivent-ils une pratique religieuse propre à l'islam ou au judaïsme ?

Malek Chebel : Le mot « Halal » en lui-même veut dire licite, plus précisément viande licite. C’est-à-dire que la viande correspond aux règles d’immolation - car les musulmans ne font pas un abattage, mais une immolation - en hommage à l’archange Gabriel qui a amené un mouton à Abraham quand il a failli immoler son fils. C’est le symbole de l’abolition de la violence humaine, et c’est bien de là que vient la difficulté de cette question. C’est un acte symbolique qui remplace le meurtre rituel d’un être humain – le fils aîné d’Abraham, Ismaël – par un meurtre sacrificiel.

Le Casherout (cascher), de la religion juive est légèrement différent, c’est une pratique religieuse liée à une règle de mise en conformité d’un certain nombre d’aliments végétaux ou animaux. Cette règle inclut et exclut aussi des aliments jugés propres ou impropres à la consommation. Par exemple : tous les crustacés sont jugés impropres à la consommation.

Il est clair qu’il n’y a pas le même rapport au rituel entre les religions musulmane, juive et catholique. Il est essentiel de comprendre que la notion dogmatique reste très présente chez les musulmans et chez les juifs, c’est-à-dire qu’ils ont un certain nombre de prescriptions à suivre. Cette notion, qui a longtemps été présente chez les chrétiens s’est aujourd’hui très largement éthérée. La foi a pris le pas sur la pratique proprement dite.

Ainsi, du côté des musulmans il y a un investissement plus grand, il y a une jauge en deçà de laquelle il ne faut pas aller : pour être un bon musulman il faut pratiquer. Certains peuvent tenter de dire qu’ils sont musulmans et pas pratiquants mais ils ne sont absolument pas pris au sérieux par les pratiquants. Et cette dimension dogmatique s’est encore accentuée du fait que ces pratiques soit constamment décriées et jugées négatives.

Pourquoi cette pratique revêt-elle une telle importance ?

Cela est important parce que c’est dans le Coran, il y a un certain nombre de bêtes que l’on peut consommer et d’autres que l’on ne peut pas. Prenons un exemple simple : si un chasseur tue une bête lors d’une campagne de chasse, elle n’est pas halal. Elle ne le sera qu’une fois qu’il l’aura immolé selon les rites de la religion pour en faire une viande consommable.

C’est important car ce sont des règles alimentaires de partage et de la vie en commun qui sont prescrites dans le Coran : quand vous êtes sur une terre, que vous n’avez rien à manger et que vous allez manger chez quelqu’un, si vous êtes en terre musulmane, vous êtes sûr de manger une viande halal, c’est en quelque sorte un signe d’alliance. 

D’autre part, cela tient à la coutume, l’identité, l’Histoire et à la tradition. On peut imaginer que les musulmans n’ayant pas eu de mer à proximité à la naissance ne mangeraient pas de poisson, or tout ce qui vient de la mer est conforme à la consommation. Les musulmans ne peuvent pas immoler un poisson et pourtant il est halal, ça n’a rien à voir avec la bête elle-même, c’est nettement plus large et plus varié.

Aujourd’hui il y a eu déplacement du sens et du contenu du mot « halal », simplement réduit à une technique d’abattage. Étourdir ou non une bête n’a rien à voir dans le concept de ce mot et dans ce qu’il implique.

Propos recueillis par Priscilla Romain

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