Guerre en Ukraine : et si l’Europe avait (presque) tout faux face à la Russie ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'Europe poursuit son soutien à l’Ukraine et les sanctions contre la Russie, tout en affichant une volonté d’apaisement comme Emmanuel Macron.
L'Europe poursuit son soutien à l’Ukraine et les sanctions contre la Russie, tout en affichant une volonté d’apaisement comme Emmanuel Macron.
©STEPHANE MAHE, Odd ANDERSEN / AFP / POOL

Diplomatie européenne

Alors que Vladimir Poutine vient de déclarer qu’il considérait que l’Union européenne était partie prenante au conflit en Ukraine, quelle attitude adopter face à Moscou ?

Viatcheslav  Avioutskii

Viatcheslav Avioutskii

Viatcheslav Avioutskii est spécialiste des relations internationales et de la stratégie des affaires internationales.

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Atlantico : L’Europe s’affiche actuellement dans une posture à deux dimensions : pratiquer une escalade de fait en augmentant son soutien à l’Ukraine et les sanctions, tout en affichant ses doutes et sa volonté d’apaisement, comme Emmanuel Macron écrivant « We don’t want a World War III ». Ne faudrait-il pas inverser la logique ?

Viatcheslav Avioutskii : Beaucoup d’articles circulent pour s’interroger sur l’utilité de la politique de sanctions et temporiser leurs effets. Je pense que c’est erroné. Il y a aussi eu quelques manifestations pro-russes en Europe, à Prague et en Allemagne, appelant à l’apaisement. Pour le dire clairement, l’Europe n’en a pas suffisamment fait, dès le début, pour éviter la guerre. Elle aurait dû, dès le début, commencer à envoyer des armes plutôt que de dire que nous n’interviendrons pas en Ukraine. C’est sans doute une erreur stratégique due au doute sur le fait que l’Ukraine pouvait résister. Toujours est-il qu’aujourd’hui, la politiquement d’apaisement est erronée. Nous avons joué l’apaisement en 2014 et ça n’a pas fonctionné. Aider l’Ukraine pour arrêter cette agression est sans doute la politique la plus rationnelle, car Poutine, lui, on ne sait pas où il va s’arrêter dans son irrationalité. Si on lâche le morceau aujourd’hui, il est presque sûr qu’il cherchera à s’en prendre aux Etats baltes, puisqu’il se positionne dans la lignée de Pierre Le Grand, qui n'a pas cessé de faire des guerres contre des Etats européens.

Liz Truss avait fait un discours programmatique en avril dernier Return of geopolitics. Elle y dit clairement que l’on s’est trompé avec Vladimir Poutine, avec la Russie mais aussi avec la Chine et le reste. Pourquoi ? Car on a cru que ce monde idéalisé, plat et sans frontières, peut produire une dépendance globale qui aurait pacifié le monde. En ce sens, l'Ostpolitik a été une erreur. De même, la rhétorique de regime change que les Etats Unis ont développée dans les années 1990 n’a pas eu les effets escomptés. Ce qu’il faut bien réaliser, c’est que notre position sur l’Ukraine aura des conséquences sur le futur de nos relations internationales. Et globalement, la politique d’apaisement ne fonctionne pas avec ce type de régime. Il faut donc inverser la logique.

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Les Ukrainiens ont toujours joué la carte de l’apaisement avec la Russie. Lors du mémorandum de Budapest de 1994, ils ont renoncé aux armes nucléaires et pour quels résultats ? On le voit aujourd’hui. Alors que l’Ukraine représentait presque la moitié du complexe militaro-industriel de l’URSS.

La rhétorique de vouloir permettre à Poutine de « sauver la face » était-elle une erreur et une illusion ?

Je ne pense pas que c’était une erreur. Il fallait garder un canal de communication. C’est ce que faisait Emmanuel Macron en disant qu’il fallait ne pas humilier la Russie. Mais c’est un échec flagrant, la France a échoué dans ses efforts de trouver une solution politique.

Mais en même temps, comme le disait l’ancien ministre des Affaires étrangères polonais, Radosław Sikorski ,dès 2015 : « Le président Poutine est une personne très pragmatique. Le langage des valeurs et les appels au bon sens sont des concepts étrangers pour lui. Le langage des chars Abrams, des avions de chasse F-22 et des complexes de missiles Javelin à la frontière de l'OTAN, ou peut-être même plus près de la Russie, est celui qui le convaincra le plus. ». De fait, les Ukrainiens ne pourraient rien faire sans les armes sophistiquées occidentales. L’UE est assez réticente à fournir des blindés mais les Australiens eux, n’ont pas hésité. Ce qu’il faut changer, reconstruire, c’est le narrative. Nous avons trop dit « nous sommes du côté des victimes » et pensé au fait que nous allions être des victimes. Il ne faut pas oublier que nous sommes encore un phare de la liberté.

Le Premier ministre finlandais Sanna Marin a déclaré, lapidairement : "La solution au conflit est que la Russie quitte l'Ukraine". Est-ce que cette posture de fermeté mais aussi d’économie de la parole devrait être celle de l’Europe ?

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Evidemment. La seule possibilité d’arrêter le conflit aujourd’hui, c’est pour la Russie d’évacuer l’Ukraine. C’est tout, il n’y a rien de plus à dire. A partir du moment où la Russie n’a pas réussi à envahir l’Ukraine en quelques jours, que Kiev ne s’est pas effondré, il est devenu évident que la Russie allait perdre. L’Ukraine est plus faible militairement mais elle est meilleure stratégiquement, elle a les meilleures armes, il y a un sentiment national, etc.

Ce qu’il faut bien comprendre c’est que la menace russe est la principale menace pour l’existence de l’Occident aujourd’hui. Donc il faut aider à l'Ukraine à anéantir le potentiel à la fois humain et matériel de l'armée russe mais aussi la prétendue "puissance" idéologique de la Russie qui se positionne en alternative viable au modèle occidental. Et il faut appréhender que les Russes ne sont pas rationnels dans leur relation avec l'Occident. Ils ne pensent pas avec les mêmes concepts ou les mêmes termes. Et on observe une radicalisation des élites et de la population russe. Dans ces conditions, le scénario le plus probable est celui de la « victoire décisive partielle » lorsque l'Ukraine récupère son territoire dans les frontières internationalement reconnues sans anéantir l’armée russe, transformant la frontière en ligne de front permanent. Et il n’y a pas d’autres solutions car même en Ukraine on n’en envisage pas d’autres. Il y a une pression démocratique sur Zelensky à l'intérieur de son propre pays. S’il déclarait vouloir faire la paix maintenant, il serait balayé par son électorat. Zelensky a un soutien de 95% de la population pour la guerre, mais seuls 25% envisagent de revoter pour lui lorsqu'ils sont interrogés dans un sondage.

La solution est-elle européenne ?

Erdogan essaie de se placer comme pôle d’influence et de solution. Mais c’est sans doute du côté de la Chine que se trouve la solution. Si la Russie ne peut pas se tourner vers la Chine, elle sera seule. En ce sens, le rôle de la Chine est essentiel, mais l’on a très peu de leviers pour la convaincre.

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