Guerre en Ukraine : ce que les psys peuvent nous apprendre sur la négociation avec un paranoïaque et/ou psychopathe…<!-- --> | Atlantico.fr
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Vladimir Poutine lors d'une visioconférence depuis le Kremlin.
Vladimir Poutine lors d'une visioconférence depuis le Kremlin.
©SPOUTNIK / AFP

Négociations et diplomatie

Les dirigeants de régimes autoritaires sont souvent de grands paranoïaques. Faut-il prendre en compte certaines règles ou traits de caractère spécifiques avant d’entamer des négociations avec de tels individus ?

Bernard Meunier

Bernard Meunier est psychanalyste. Il a été le négociateur du GIGN pendant 10 années durant lesquelles il est intervenu sur de multiples prises d’otage, dont des détournements d’avion. Il a publié : La négociation est une arme (Ed. Jean-Marie Laffont) en 2021 et Passage à l’acte (Ed. Kiwi) en 2020.  

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Atlantico : Alors que le conflit en Ukraine risque de s’intensifier dans les prochaines semaines et que les rumeurs sur l’état psychologique de Vladimir Poutine font couler beaucoup d’encre, et si l'on se gardera bien de statuer sur ce dernier, quels sont vos conseils dans le cadre de négociations avec un individu paranoïaque ou psychopathe ?

Bernard Meunier : Vous avez raison de préciser que je ne peux statuer sur la santé mentale de Vladimir Poutine, dans le sens où je ne le reçois pas en cabinet …

En revanche, au regard de son attitude, et plus précisément de son histoire politique récente, il est possible d’entrer même partiellement dans son esprit, de faire un mini profilage psychodynamique de la personne.

Une structure paranoïaque ne fait guère de doute. Elle est à différencier d’un paranoïaque qui aurait déjà décompensé, c’est à dire que la psychose serait déjà présente. Pour faire simple, un trouble psychotique est caractérisé par une perte de contact avec la réalité, le cerveau est donc affecté de façon majeure, or nous voyons le président russe en meeting dans un stade devant des dizaines de milliers de spectateurs ou encore en interview à la télé, communiquer de manière limpide et réfléchie. Il est à noter que cela ne veut pas dire que sa personnalité ne soit pas impactée par une structure paranoïaque, justifiée sur des points précis ne laissant guère de place au doute.

En dehors d’une attitude grotesque que nous avons tous pu voir à la télévision, face à une table de plusieurs mètres de longueur le séparant de ses divers conseillers ou encore chefs d’état étrangers venus se positionner comme négociateur, il est dit dans son entourage que sa phobie de la COVID frise l’hystérie sur un plan comportemental.

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Quid si Vladimir Poutine allait plus loin ?

Plus profondément maintenant, il est fort probable qu’une surestimation de ses capacités, et, par transfert, celle de son armée soit présente. L’ensemble des experts militaires se succédant sur les plateaux télé, mettent régulièrement en avant les difficultés de l’armée russe, en termes de pénétration en territoire ukrainien. Dans tous les cas, le timing que Poutine avait évalué est largement dépassé.

On peut donc y voir un comportement exagérément prétentieux et égocentrique, symbolisé par un Moi surdéveloppé ne jouant plus le rôle régulateur entre le surmoi et le ça. Cela signifie que le Surmoi ayant le rôle de tempérer ou encore de canaliser voire interdire, ne peut plus intervenir … le Moi se retrouve donc dans la toute puissance, ce qui donne cet épisode mégalomaniaque.

Par ailleurs, cette structure est confirmée par un éventuel dédain auprès du Président V. Zelensky, qui, il n’y a encore que quelques années, était un artiste comédien, mais aussi clown. Il n’a échappé à personne qu’il finissait parfois nu dans ses spectacles à jouer de la guitare ou encore du piano avec son pénis. Cela n’était qu’un sketch, mais lorsque vous vous trouvez en situation de chef d’état et face à un homme comme Poutine dans les années qui suivent, votre crédibilité est bien entachée. Il est insupportable pour Poutine de concevoir une quelconque résistance de la part d’une personne qu’il ne respecte pas et qu’il n’a très certainement jamais estimé … c’est la raison, entre autres, pour laquelle les tentatives de négociation venant de sa part n’aboutissent pas.

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Peut-on voir des spécificités dans le profil de Vladimir Poutine, qui semble imperméable aux critiques et dont les motivations paraissent éloignées de celles des pays occidentaux ?

Les convictions et les idées de grandeur de Poutine vont de paire avec son degré d’avancée dans la paranoïa. Force est de constater que la décompensation encore une fois n’a pas eu lieu ; à partir de là deux solutions sont envisageables : soit il continue dans le même axe c’est à dire sur le même mode donc la même intensité, soit sa personnalité paranoïaque s’aggrave et nous pouvons nous attendre au pire. A distance et sans connaître précisément la psychodynamique de cet homme, il est impossible d’être plus précis en ce qui concerne les éventuelles évolutions de la situation.

Faut-il prendre en compte certaines règles ou traits de caractère spécifiques avant d’entamer les négociations avec de tels individus ? Vladimir Poutine coche-t-il certaines de ces cases, qui pourraient rendre les négociations plus délicates ?

Il faut garder à l’esprit que c’est une personnalité marquée par l’orgueil, la méfiance et un complexe de supériorité. Il pense être l’intelligence parfaite ou au moins être dans le vrai, détenir la vérité. Mais ses jugements sont préconçus et ne reflètent donc pas forcément la réalité. Face à une personnalité entêtée, obstinée et rancunière, Zelensky même sans le vouloir a atteint à plusieurs reprises sa susceptibilité, ce n’est pas sans conséquence comme nous le pouvons le constater.

En termes  de négociation, au regard d’une attitude suspicieuse et craintive de pièges éventuels pouvant venir de toute part, Poutine garde à distance continuelle tous ses interlocuteurs … ce qui complique par voie de conséquence les éventuelles tentatives de négociations.

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Ce qui est également caractéristique du paranoïaque, c’est qu’il attaque toujours en étant persuadé qu’il agit dans le cadre de la légitime défense. Ce sont bien les propos qu’il tient depuis le début du conflit, qu’il a paradoxalement provoqué. Mais ceci est évident puisqu’il se sent persécuté. On s’approcherait même d’éventuelles « folies raisonnantes », ces délires d’interprétation pouvant donner une explication à toute action…

Nous devons savoir également qu’il n’abandonnera jamais… sauf si quelqu’un entre dans son histoire… mais je ne vois personne envisager cette stratégie. Des tentatives malencontreuses comme celle d’un Bruno Le Maire provocateur voulant « livrer une guerre économique et financière totale à la Russie » ne font qu’attiser les braises. Dans ce genre de situation, il eut été préférable de carasser Vladimir Poutine dans le sens du poil. Il ne faut pas oublier qu’en attendant… des victimes tombent.

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