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La guerre économique 
a déjà commencé !
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Pas de répit

Un tout nouveau Institut de l'intelligence économique a été mis en place ce mercredi. Il aura pour mission d'aider les entreprises françaises dans les domaines de la veille et du lobbying à l’international, souvent sous-estimés, mais cruciaux dans le contexte de guerre économique qui régule aujourd'hui les échanges mondiaux.

Christian Harbulot

Christian Harbulot

Christian Harbulot est directeur de l’Ecole de Guerre Economique et directeur associé du cabinet Spin Partners. Son dernier ouvrage :Les fabricants d’intox, la guerre mondialisée des propagandes, est paru en mars 2016 chez Lemieux éditeur.

Il est l'auteur de "Sabordages : comment la puissance française se détruit" (Editions François Bourrin, 2014)

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Atlantico : La polémique autour d'Air France et de sa commande d'Airbus est-elle l'acte d'une guerre économique ?

Christian Harbulot : La France est une économie fragilisée qui ne peut plus se permettre de se tenir à l'écart de ce type de questions. En termes de marché, l'affaire est symbolique, car il peut paraître normal qu'Airbus achète américain, et vice-versa.

Néanmoins, en termes de puissance, la France avait besoin de remettre les choses à plat avec les États-Unis, qui avait sabordé Airbus au profit de Boeing dans l'appel d'offres des ravitailleurs de l'armée américaine, l'année dernière. Les Américains de Bell avaient également torpillé Eurocopter dans un appel d'offres d'hélicoptères en Inde. La France devait donc montrer qu'elle existait en rétablissant l'équilibre.

La question du territoire était également centrale, car la France a de plus en plus de mal à conserver des industries sur son sol.

Le terme de "guerre" économique est-il vraiment adapté ?

Il faut tout d'abord préciser qu'il y a deux types de guerres économiques : si l'utilisation de l'économie comme arme d'appoint en temps de guerre est largement reconnue, c'est la guerre économique du temps de paix dont une partie du monde universitaire réfute la dénomination.

Personnellement, je souscris à ce terme, puisqu'il s'agit de stratégies d'accroissement de puissance par l'économie. La Chine a par exemple choisi une stratégie d'influence différente de l'URSS : elle privilégie la conquête de nouveaux marchés économiques à la course aux armements qui a épuisé les Soviétiques face aux Américains.

La guerre économique s'articule par ailleurs assez souvent avec la guerre proprement militaire : les affrontements militaires des guerres de l'opium en Chine, au 19ème siècle, avaient par exemple des finalités économiques pour les puissances occidentales. Plus récemment, la Russie de Vladimir Poutine a utilisé l'arme économique du gaz pour régler ses conflits avec l'Ukraine et la Géorgie : en coupant les approvisionnements, elle a obligé l'Union Européenne a faire pression pour solder le différend.

Aujourd'hui, l'Europe nage complètement à contre-courant sur ces questions : au lieu de développer une stratégie de puissance pour faire face au géant russe, elle a poursuivi ses politiques de libéralisation et de démantèlement des champions nationaux.

Guerre économique rime-t-elle forcément avec protectionnisme ?

Non, pas forcément ! Prenez le cas du Japon de l'ère Meiji [1868-1912] : pour préserver son indépendance, le pays s'est lancé dans une forme d'expansionnisme économique au lieu de se protéger.

En quoi l'intelligence économique des entreprises s'inscrit-elle dans cette guerre économique internationale ?

L'intelligence économique est une démarche qui reste pourtant cantonnée à certains grands groupes du CAC40, visant à optimiser les performances de l'entreprise en utilisant mieux l'information, afin de gagner de nouvelles parts de marché. Si ces quelques entreprises réussissent, d'autres suivront. Le retard que la France a pris commence à être compensé, notamment grâce à des initiatives dans le secteur agricole, mais on est encore loin du compte.

Mais attention, il ne faut pas confondre intelligence économique et sécurité industrielle ! Il s'agit moins de protéger ses propres informations de l'espionnage industriel que d'utiliser l'information plus judicieusement pour se projeter sur les marchés : veille technologique, stratégies de raccourci pour bénéficier des technologies des autres, etc. Fusionner intelligence économique et sécurité industrielle serait la pire des erreurs. Il y a bien des règles élémentaires de prudence à respecter, mais l'objectif de l'intelligence économique est moins d'empêcher le cycliste de tomber dans la descente que de l'aider à gagner l'étape !  

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