Guerre du gaz de schiste : ce point souvent oublié qui pourrait pourtant mettre tout le monde d'accord <!-- --> | Atlantico.fr
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Un manifestant contre l'exploitation du gaz de schiste.
Un manifestant contre l'exploitation du gaz de schiste.
©Reuters

LA question qui compte

Un rapport commandé par Arnaud Montebourg lorsqu'il était ministre de l'Economie, qui n'avait pas été rendu public à l'époque, décrit une technique d'exploitation du gaz de schiste moins polluante que la fracturation hydraulique, ce qui pourrait générer d'importants profits. De quoi relancer des débats idéologiques se souciant peu des réalités.

Thomas Porcher

Thomas Porcher

Thomas Porcher est Docteur en économie, professeur en marché des matières premières à PSB (Paris School of Buisness) et chargé de cours à l'université Paris-Descartes.

Son dernier livre est Introduction inquiète à la Macron-économie (Les Petits matins, octobre 2016) co-écrit avec Frédéric Farah. 

Il est également l'auteur de TAFTA : l'accord du plus fort (Max Milo Editions, octobre 2014) ; Le mirage du gaz de schiste (Max Milo Editions, mai 2013).

Il a coordonné l’ouvrage collectif Regards sur un XXI siècle en mouvement (Ellipses, aout 2012) préfacé par Jacques Attali.

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Atlantico : Le Figaro a publié un rapport sur l'extraction du gaz de schiste, commandé par Arnaud Montebourg du temps où il était ministre de l'économie. Le document fait état d'une technologie moins polluante que la fracturation hydraulique, "d'une manne d'au moins 100 milliards d'euros pour la France", et estime que 120 000 à 225 000 emplois pourraient être créés. L'exploitation de gaz de schiste en France peut-elle être rentable, selon vous ?

Thomas Porcher : C’est là que se trouve la grande faiblesse du rapport. Elle part du principe que l’exploitation du gaz de schiste serait rentable par rapport au prix du marché. Or, rien n’est moins sûr surtout si on utilise une technique à l’état d’expérimentation comme la fracturation au fluoropropane. Or, cette technique est plus chère que la fracturation hydraulique sinon elle se serait déjà développé notamment aux Etats-Unis. Ce qu’il faut comprendre c’est que vous n’avez pas d’emplois induits, pas de relance de la compétitivité des industries si vous n’avez pas de baisse des prix du gaz. Le succès des Etats-Unis tient principalement au fait que le gaz y a été divisé par trois. Or, les scénarios d’un développement du gaz de schiste en Europe estiment que les prix du gaz ne baisseraient que de 10 à 20 % à l’horizon 2035.

A quelles conditions cette technique d'extraction serait-elle économiquement intéressante pour la France ? A quelle échéance ?

Le rapport porte sur le gaz et le pétrole de schiste et il faut bien distinguer les deux. Au prix actuel du pétrole, l’extraction du pétrole de schiste n’est plus rentable en Europe quel que soit la technique. Concernant le gaz de schiste, rien n’assure qu’elle soit rentable même avec l’utilisation de la fracturation hydraulique. Les Etats-Unis ont la chaine de valeur du gaz de schiste la plus développé au monde avec un quasi-monopole des moyens de production et une offre de services associés très développée. D’ailleurs, une étude du BNEF de Bloomberg montrait qu’au Royaume-Uni le coût d’extraction pourrait être 50 à 100% plus élevé qu’aux Etats-Unis alors même que le Royaume-Uni avait mis en place une fiscalité avantageuse pour le gaz de schiste. Sans prendre en compte le surcoût de la nouvelle technique d’extraction.

L'argument de l'indépendance énergétique, que ce soit vis-à-vis des pays du Golfe, de la Russie ou des Etats-Unis n'est donc pas tenable ?

L’argument de l’indépendance est actuellement très à la mode, surtout depuis les tensions avec la Russie. Mais honnêtement, ce n’est pas avec la production de gaz de schiste que nous deviendrons indépendants. Il y aurait peut-être une substitution avec le gaz importé mais à condition que le gaz produit en France soit moins cher que le gaz importé. Et puis, il y a d’autres manières d’être indépendant notamment en développant la production d’énergies renouvelables en France.

De la même manière que la France s'était donné une stratégie à long terme dans le nucléaire civil, l'exploitation du gaz de schiste pourrait-elle s'inscrire dans une logique similaire ? Non rentable dans un premier temps, cette ressource pourrait-elle devenir financièrement intéressante dans quelques décennies, lorsque d'autres se seront taries ?

Toutes les énergies ont besoin d’une vision politique pour se développer. Le meilleur exemple est le nucléaire en France. Jamais la logique de marché n’aurait pu développer le nucléaire de cette façon. Rappelons que le nucléaire représente 42% dans notre bilan énergétique contre 6% dans le monde. La question du gaz de schiste pose un autre problème qui est le réchauffement climatique. Certes, les Etats-Unis ont baissé leurs émissions de C02 en substituant le charbon au gaz. Mais nous ne consommons pas de charbon en France. D’autres énergies ne s’épuisent pas et ne portent pas atteinte au climat, ce sont les énergies renouvelables. Mon avis est qu’il faut se lancer dans cette voie.

Qu'en est-il du caractère non polluant de la technologie d'extraction exposée dans ce rapport ? Est-il effectivement possible d'extraire du gaz de schiste sans mettre en péril l'environnement ?

La technique d’extraction au fluoropropane est une technique à l’état d’expérimentation donc rien n’assure qu’elle soit plus propre. Mais le vrai problème du gaz de schiste vient surtout de la multiplication des forages. Même si vous avez un faible risque de pollution par puits, la multiplication des forages entraine mécaniquement une augmentation du risque de pollution.

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