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Guerre commerciale saison 2 : quand Washington se prépare à appliquer de nouvelles sanctions contre l’Europe pour empêcher sa trop grande dépendance à Moscou
©SAUL LOEB / AFP

Nord Stream 2

Selon le Wall Street Journal, Washington pourrait introduire des sanctions contre le gazoduc Nord Stream 2.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : Alors qu'Angela Merkel et Vladimir ont pu évoquer la question du Nord Stream 2 lors de leur rencontre du 18 août dernier, le Wall Street Journal révélait ce même jour le pack de sanctions en cours de préparation à Washington qui aurait pour objectif d'empêcher la finalisation du projet. Quelles sont les raisons qui poussent les Etats-Unis à vouloir s'opposer à un tel projet ? La question évoquée d'une trop grande dépendance à la Russie peut-elle être considérée comme légitime ? 

Stephan Silvestre : Rappelons brièvement les enjeux autour de ce projet. Le pipeline Nord Stream relie la Russie à l’Allemagne en traversant la mer Baltique. Il a été mis en service en 2011 afin de permettre l’approvisionnement du nord de l’Europe (surtout l’Allemagne) en gaz russe en s’affranchissant de la traversée terrestre de territoires récalcitrants, l’Ukraine et la Biélorussie. De ce point de vue, il a parfaitement rempli sa mission. Mais, malgré sa capacité de 55 milliards de m3/an (Gm3/an), il ne suffit pas à répondre aux besoins européens, en particulier allemands (100 Gm3/an importés en 2017), surtout depuis la décision d’Angela Merkel d’accélérer la fin de la filière électronucléaire. C’est pourquoi les parties prenantes avaient décidé dès 2011 de lancer le Nord Stream 2, destiné à doubler la capacité du premier. Les travaux ont démarré en mai dernier pour une mise en service prévue en 2019 ou 2020. 

Mais l’administration américaine de Donald Trump ne l’entend pas de cette oreille. Elle considère que les énormes sommes que les États-Unis consacrent à la défense militaire du vieux continent (près de 5 Md$/an) valent bien une contrepartie commerciale à travers l’achat de gaz naturel liquéfié américain. En effet, la production américaine de gaz naturel a énormément crû ces dernières années et le pays s’est organisé pour pouvoir exporter sa production. L’Europe constitue un marché privilégié pour cette production. C’est pourquoi le Sénat américain a voté en juin 2017 un projet de loi visant à sanctionner les entreprises européennes participant à la construction des gazoducs russes, y compris leur financement. Les discussions se poursuivent sur le périmètre de ces sanctions dans le décret que Trump doit promulguer. 
Le principal argument qu’emploie Trump est la trop forte dépendance de l’Europe au gaz russe. Celle-ci est actuellement de 40% pour l’Union européenne (en hausse), mais de 46% pour l’Allemagne et même 80% pour la Pologne. Objectivement, ces chiffres sont trop élevés lorsque l’on cherche à diversifier ses sources. La France parvient à maintenir sa dépendance au gaz russe à un plus faible niveau (33%) ; mais 51% de ses importations proviennent actuellement de Norvège : en matière de ressources minières, on est toujours dépendant de quelqu’un. La question est de savoir de qui on accepte de l’être… 

En cas de mise en place de telles sanctions, comment pourraient réagir les Européens, et notamment Berlin, principale concernée ? 

Les principales victimes seront les sociétés ayant déjà investi dans ce gazoduc. Les industriels (Engie, Shell, Uniper, BASF et OMV) poursuivront probablement le projet, qui a déjà englouti 6 des 9,5 Md€ prévus. Les entreprises financières seraient beaucoup plus réceptives aux sanctions. Cependant il est peu probable qu’elles soient touchées, le montage financier ayant été bouclé avant le vote de la loi américaine. Les pouvoirs publics cherchent à négocier avec l’administration américaine. Ce type de négociations est maintenant assez fréquent et les fonctionnaires européens sont rompus à ces discutions. Quant à Berlin, on a pu voir sur le dossier de l’acier qu’elle très mal à l’aise et qu’elle dispose de peu de leviers. Merkel devra donc trouver un compromis, probablement en important un peu de GNL américain, mais elle ne lâchera pas le gazoduc, comme elle l’a rappelé avec Poutine samedi dernier. 

Quels sont les intérêts français dans ce dossier ? Si des entreprises comme Engie participent à un tel projet, comment évaluer les intérêts énergétiques français dans la réalisation du Nord Stream 2 ?

Engie détient 9% des investissement dans le projet. Pour elle, l’enjeu est financier, mais l’approvisionnement du marché français n’est pas menacé. La France n’est pas un très gros consommateur de gaz et elle n’aura pas de mal à s’approvisionner, y compris pour poursuivre ses efforts de substitution du fioul domestique pour le chauffage. Des banques françaises ont participé au montage financier comme conseils (Société Générale, Crédit Agricole), mais pas comme investisseurs directs. 

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