Grève des profs : pourquoi ils ont raison de demander à être mieux payés mais pourquoi leur malaise ne se gérera pas qu’avec de l’argent<!-- --> | Atlantico.fr
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Les professeurs en grève réclament une revalorisation salariale.
Les professeurs en grève réclament une revalorisation salariale.
©Reuters

Bien mais pas suffisant

Les professeurs débutent ce mardi 3 février une nouvelle grève. Au cœur de leurs revendications, la rémunération. Si une revalorisation salariale serait légitime, elle devra nécessairement s'accompagner d'une réorganisation de la gestion des ressources humaines.

Jean-Louis  Auduc

Jean-Louis Auduc

Jean-Louis AUDUC est agrégé d'histoire. Il a enseigné en collège et en lycée. Depuis 1992, il est directeur-adjoint de l'IUFM de Créteil, où il a mis en place des formations sur les relations parents-enseignants à partir de 1999. En 2001-2002, il a été chargé de mission sur les problèmes de violence scolaire auprès du ministre délégué à l'Enseignement professionnel. Il a publié de nombreux ouvrages et articles sur le fonctionnement du système éducatif, la violence à l'école, la citoyenneté et la laïcité.

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Atlantico : Les enseignants commencent une grève à partir du mardi 3 février. Parmi les revendications, le niveau de rémunération qui serait trop faible, selon le syndicat SNES FSU. Si les revendications paraissent sensées au regard de la dégradation de leur emploi, en quoi devront-elles également s'accompagner d'une réorganisation du temps de travail ?

Jean-Louis Auduc : Je pense que l’appel à la grève le 3 février, même s’il est peu suivi, révèle un mal-être du corps enseignant qui aujourd’hui a plus que jamais besoin d’une revalorisation matérielle et morale.

Cela étant, la revalorisation financière du salaire des enseignants doit s’accompagner d’un certain nombre de questionnements concernant notamment leur carrière et la politique de ressources humaines du ministère.

Qu'est-ce qui permettrait de justifier une revalorisation salariale du corps enseignant ?

Je crois qu’aujourd’hui, il n’y a pas un métier enseignant qui serait le même uniformément sur le territoire ; il y a des métiers. Ce n’est pas exactement la même chose d’enseigner devant une classe extrêmement hétérogène composée d’élèves venus des cités voisines et dans une classe homogène de centre-ville.

Une revalorisation ne peut pas s’exonérer de cette question de la diversité des conditions d’enseignant et doit être liée  à une reconnaissance par la nation des difficultés de ce métier, de l’autorité nécessaire de l’enseignant qui a trop longtemps vu sa fonction délégitimée.

Se sentir soutenu par la société est extrêmement  important pour bien exercer son rôle.

Les finances publiques ne permettent à priori pas cette augmentation. Une meilleure gestion des ressources humaines dans l'éducation nationale pourrait-elle permettre de dégager d'optimiser ces dépenses supplémentaires, et finalement de ne pas coûter plus cher à l'Etat ?

Je pense qu’un certain nombre de points doivent être abordés quand on parle de revalorisation :

  • Il faut questionner la carrière : Est-il normal que la différence de salaire entre le début de carrière et la fin de carrière soit si forte (près de 2 fois et demie). Ne faudrait-il pas "lisser" la carrière en augmentant les salaires du début, où les besoins (logement, mise en ménage) sont importants et en diminuant le nombre d’échelons de carrière (de 12 à 4 ou 5).
  • Il faut une véritable politique de ressources humaines en permettant tout au long de sa carrière à l’enseignant d’acquérir des qualifications complémentaires (concernant par exemple l’orientation, l’enseignement de telle ou telle discipline, l’aide méthodologique, des responsabilités administratives, etc…) à l’image de ce qui existe pour l’enseignement d’une discipline dans une autre langue que le français…. Il faut dans cette logique multiplier les postes à profil  requérant de qualifications complémentaires et en finir avec une gestion des mutations souvent totalement à l’aveugle tout au long de la carrière.

Le manque de fonds disponibles entraîne une baisse du niveau des enseignants recrutés. En quoi une revalorisation salariale accompagnée serait alors vertueuse ?

Quand on voit que la crise de recrutement touche encore plus les enseignants des établissements privés sous contrat, on voit que la revalorisation du métier est un enjeu essentiel

Je pense que le principal problème n’est pas celui de la formation initiale qu’on réforme sans arrêt depuis dix ans.

On pense trop souvent qu’un ou deux ans de formation initiale doivent permettre de former un enseignant "tout armé" pour affronter les différentes situations inhérentes à ce métier. C’est une vision erronée.

Revaloriser la fonction, c’est mettre en place une formation continue de qualité adaptée à la diversité des situations, du terrain, c’est ACCOMPAGNER l’enseignant dans sa carrière. Or, en France la formation continue est depuis longtemps le parent pauvre du système éducatif. On laisse l’enseignant seul devant ses difficultés. Les crédits seraient mieux utilisés pour revaloriser le métier en formation continue tout au long de la carrière que d’en consacrer l’essentiel en formation initiale.

Quels pourraient-être les avantages d'une gestion décentralisée, en laissant par exemple une certaine autonomie budgétaire aux écoles ?

L’exemple de l’enseignement privé et de sa très forte crise de recrutement (plus forte que le public pour le second degré)  montre que le type de gestion de l’établissement, même s’il est important n’est pas décisif pour inciter l’enseignant à rentrer dans le métier enseignant. Par contre, il est important que dans le cadre d’une gestion décentralisée, l’établissement "profile" mieux  les postes nécessaires correspondant au public accueilli.

Sans doute, aussi faut-il s’interroger sur le fait que le métier peut ne pas être tous les ans le même. Pourquoi au lieu d’avoir un poste de chef d’établissement adjoint ne pas permettre à des enseignants d’exercer quelques années à mi-temps en tant qu’enseignant et à mi-temps en tant que responsable adjoint chargé d’un secteur précis ?

Peut-être gagnerait-on en efficacité et en reconnaissance aux yeux de la société !

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