Grève des médecins libéraux : mais d’où vient l’erreur intellectuelle initiale qui a provoqué le naufrage ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Ce qu’il faudrait faire, c’est faire en sorte de payer une sorte de forfait qui permette au médecin de travailler dans des conditions de travail correctes, afin que ce même médecin puisse prendre des internes ou avoir des locaux convenables.
Ce qu’il faudrait faire, c’est faire en sorte de payer une sorte de forfait qui permette au médecin de travailler dans des conditions de travail correctes, afin que ce même médecin puisse prendre des internes ou avoir des locaux convenables.
©Flick/Alex E. Proimos

Péché originel

Les médecins libéraux se positionnent contre le projet de loi Rist qui permet notamment l'accès direct à certaines professions paramédicales. Les médecins réclament de leur côté plus de moyens ainsi qu'une revalorisation de la consultation pour améliorer l'accès au soins.

Jean-Paul Hamon

Jean-Paul Hamon

Jean-Paul Hamon est médecin généraliste à Clamart,  président d'honneur et porte-parole de la Fédération des médecins de France. Il a été la voix des généralistes dans toutes les crises récentes.

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Atlantico : Qu’est-ce qui selon vous les causes matérielles et intellectuelles des grèves des médecins libéraux ?

Jean-Paul Hamon : Il y a eu une absence de revalorisation du métier, une absence de prise en compte des changements propres aux métiers. Le médecin qui travaillait seul, qui se levait la nuit, ou encore le dimanche pour répondre à ses patients, c’est maintenant un médecin qui serait divorcé. Le conjoint l’accepterait difficilement.

Le métier est beaucoup plus dur à exercer. Il faut tenir compte du passage aux 35 heures : dès lors, les médecins se sont comparés à ceux qui finissaient plus tôt. Aujourd’hui, les jeunes médecins ont envie d’avoir un minimum de vie de famille. Ils travaillent entre 40 et 45 heures et pour assurer une continuité des soins de 70 heures par semaine avant de passer au système de garde, il faut donner les moyens aux médecins pour se réunir, avec un secrétariat d’accueil, et des conditions de travail correctes.

Par ailleurs, il y a encore une cinquantaine d’années, le médecin exerçait chez lui. C’est beaucoup moins le cas aujourd’hui. Mais avec le prix de l’immobilier, c’est très difficile d’avoir ses propres locaux.

Le problème vient-il aussi de la manière dont l’Etat et la société considèrent la médecine de ville ?

Le vrai problème est là. L’hôpital est devenu un concurrent de la médecine de ville. L’un des responsables se nomme Frédéric Valletoux, qui n’a cessé de torpiller la médecine libérale, député après avoir présidé pendant onze ans la Fédération hospitalière de France entre 2011 et 2022. Tout est fait pour que l’hôpital s’externalise en ville, au lieu de concentrer le personnel hospitalier sur le rôle premier de l’hospitalisation. Il a accusé la médecine de ville d’être à l’origine de l’engorgement des urgences.

On doit valoriser l’exercice médical et s’appuyer sur le médecin généraliste et l’infirmier de ville, alors qu’aujourd’hui, les infirmiers se déplacent à domicile pour 2,50 euros et les médecins pour 10 euros. Il faut faire en sorte que les Caisses centrales d’activités sociales (CCAS) puissant mettre à disposition un portage de repas à domicile et un auxiliaire de vie dans les six heures.

Comment peut-on expliquer ce passage de la collaboration à la confrontation ?

Cela date de la tarification à l’activité avec Roselyne Bachelot. On demande à l’hôpital de faire des activités qui lui rapportent des sous. L’hôpital va chercher les actes rentables. On compte 10 à 15 millions de passages aux urgences par an qui en réalité n’ont pas lieu d’être, mais cela rapporte 3 milliards d’euros à l’hôpital.

De plus, on a augmenté le numérus clausus, ce qui est bien, mais nos gouvernants ne savent pas que 18% des étudiants en médecine qui ont le concours n’exerceront jamais. Puis il faut encadrer les jeunes qui seront immédiatement confrontés à la mort, or ce n’est pas le cas aujourd’hui. Sur le numerus clausus, rien n’a été fait pendant vingt ans. Et cela était largement prévisible. C’est à mettre au débit des gens qui nous ont gouverné depuis vingt ans.

Comment peut-on régler le problème ?

Il faut envoyer des signaux à la médecine libérale. Depuis six ans, nous ne recevons que des signaux négatifs.

Pendant la crise sanitaire, le gouvernement a mis de côté les médecins libéraux. Je me souviens qu’Édouard Philippe et Olivier Véran avaient fait une conférence de 3 heures sur le Covid sans mentionner une seule fois le mot « médecine libérale ». Et quand on voit que les élus ont voté la loi Rist, qui va démanteler la médecine libérale, on se dit que c’est foutu.

Ce qu’il faudrait faire, c’est faire en sorte de payer une sorte de forfait qui permette au médecin de travailler dans des conditions de travail correctes, afin que ce même médecin puisse prendre des internes ou avoir des locaux convenables. Par ailleurs, la consultation doit être au minimum à 40 euros. Quand on sait que les complémentaires remboursent des séances d’ostéopathie pour des praticiens qui ne sont ni kinésithérapeutes ni médecins, ce n’est pas acceptable.

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