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La Grèce n'aurait jamais dû entrer dans la zone euro
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Myopie

Herman Van Rampuy a annoncé, ce vendredi, la tenue d'un sommet extraordinaire des dirigeants de la zone euro sur la crise de la dette Grecque, le 21 juillet. La Grèce va-t-elle enfin sortir de cette crise ?

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo

Fabio Rafael Fiallo est économiste et écrivain, ancien fonctionnaire à la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement). Il est diplômé d’économie politique de l’université Johns Hopkins (Baltimore).  Son dernier ouvrage, Ternes Eclats - Dans les coulisses de la Genève internationale (L'Harmattan) présente une critique de la diplomatie multilatérale.

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A la veille d’une semaine où les Etats de l’Union européenne auront à déterminer la façon de continuer à octroyer, voire d’accroître, leur aide à la Grèce, il conviendrait de prendre conscience des contrevérités et autres incohérences qui prévalent actuellement dans les discussions à ce sujet ainsi que dans la gestion de la crise elle-même.

A commencer par l’argument souvent brandi pour expliquer l’origine de la crise, à savoir : si la Grèce se trouve aujourd’hui dans le pétrin, c’est la faute du marché, notamment des banques ; celles-ci, nous dit-on, ont d’abord contribué à l’endettement de la Grèce en lui prêtant à des taux relativement bas sans se soucier de la fragilité financière de ce pays, puis se sont mis à l’asphyxier en augmentant leurs taux de plus en plus.

Bruxelles, Berlin et Paris, savaient pertinemment que les finances publiques grecques couraient à la catastrophe

Pareille explication néglige la véritable source du problème, que voici : s’il y a crise grecque, c’est parce que, pour des raisons politiques et culturelles, l’Union européenne a admis la Grèce dans la zone euro tout en sachant que ce pays ne remplissait pas les critères d’admission. Qu’Athènes eût fait recours à une grande banque, en l’occurrence Goldman Sachs, pour maquiller la présentation de ses comptes n’enlève rien au fait que les autorités de Bruxelles, et de Berlin et Paris, savaient pertinemment que les finances publiques grecques couraient à la catastrophe. A qui donc la faute initiale ? Aux marchés ou aux Etats ?

Vint ensuite l’accusation portée contre les agences de notation pour n’avoir pas mis les marchés en garde sur l’état déplorable de la Grèce. Que ces agences n’aient pas vu venir la crise, c’est un fait indéniable ; par ailleurs, elles n’avaient pas non plus anticipé la crise des subprimes. Mais la solution à ce problème ne se trouve pas, contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, dans la création d’agences de notation publiques ayant pour but de contrer le poids des celles, privées, qui existent aujoud’hui. Solution absurde, en effet, que celle-là. On peut créer toutes les agences publiques que l’on voudra. Ce n’est pas pour autant que les marchés seront prêts à donner un quelconque crédit à l’avis d’agences de notation ayant des liens d’intérêt avec des entités étatiques.

C'est le contribuable européen qui paie le prix de ces erreurs politiques

Quoi qu’il en soit, la Grèce se trouve à bout de souffle. Et pour l’aider à s’en sortir, les Etats de l’Union ont adopté un mécanisme permettant de lui prêter plus d’une centaine de milliards d’euros dans le seul et unique but qu’elle puisse honorer les échéances de ses obligations. Dans ce même but, la Banque centrale européenne a été poussée à acheter des obligations de l’Etat grec, malgré le fait que ses statuts lui interdisent de s’engager dans ce type d’opération.

L’UE essaie ainsi d’épargner à la Grèce une cessation de paiements et d’éviter un éventuel effet de contagion sur d’autres économies de la région.

Cela se fait toutefois aux frais, et du contribuable européen et de la BCE, laquelle se trouve avec des créances difficilement recouvrables. Comment ne pas y voir une incohérence de plus ?

Seules les banques privées, celles-là mêmes qu’on avait accusées de gestion imprudente ou malveillante, tirent leur épingle du jeu, car elles récupèrent leurscréances grâce à l’argent prêté à la Grèce en même temps qu’elles prennent soin de se désengager progressivement de leurs avoirs en obligations de l’Etat grec.

On se retrouve à imposer un plan d’austérité que le gouvernement grec ne pourra appliquer sans mettre le pays à feu et à sang

D’autre part, en échange de leur aide, les responsables européens exigent de la Grèce des mesures d’austérité d’une telle ampleur qu’elles s’avèrent politiquement impraticables. Encore une incohérence de plus.

Le sommet européen qui devra se tenir tout prochainement, et dont mention est faite au début de cet article, a pour vocation de forcer l’Allemagne à donner plus d’argent pour la Grèce, quitte à mettre les créanciers privés à contribution en les faisant accepter une restructuration déguisée de la dette grecque – c’est-à-dire une réduction du montant qui en devra effectivement être remboursé et /ou un allongement des échéances.

On peut faire confiance aux agences de notation qui, échaudées par les reproches qu’on leur a faits, ne voudront pas se laisser accuser à nouveau de négligence et diront, à juste titre d’ailleurs, qu’il s’agit d’une cessation de paiements bien que déguisée, avec les conséquences négatives qu’à coup sûr cela aura sur les marchés financiers. On n’aura donc pas pu faire l’économie de la fameuse cessation de paiements.

Ainsi, du début jusqu’à la fin, les responsables politiques européens se seront amusés à jouer la politique de l’autruche. Ils ont fermé les yeux pour accueillir la Grèce dans la zone euro, alors que ce pays n’était pas en mesure d’y accéder. Ils ont ensuite fermé les yeux pour imposer un plan d’austérité que le gouvernement grec ne pourra pas appliquer sans mettre la population à feu et à sang. Ils ont aussi fermé les yeux pour concocter un plan de sauvetage qui n’évitera pas à la Grèce une cessation de paiements. Et ils ferment enfin les yeux pour ne pas avouer auprès de leurs contribuables que ceux-ci ne récupéreront jamais leur argent.

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