"Cette classe politique grecque qui pille le peuple..." <!-- --> | Atlantico.fr
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Le Premier ministre grec George Papandréou
Le Premier ministre grec George Papandréou
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Privilèges politiques vs. Peuple grec

L'Eurogroupe refuse toujours de signer le chèque de l'aide allouée à la Grèce et demande à la classe politique de prendre des mesures de rigueur supplémentaires. Les Grecs, indignés par le plan d'austérité, manifestent ce mercredi.

George Contogeorgis

George Contogeorgis

Le professeur Georges Contogeorgis a exercé les fonctions de Recteur de l’Université Panthéon, de Président et Directeur de ERT (télévision et radio publique grecque) et de ministre intérimaire de la presse et des mass media. Docteur d’État de l’Université de Paris ΙΙ, il a été maître de conférence de la Faculté de droit  de l’Université de Thessalonique, membre fondateur de l’Association Hellénique de Science Politique.

Il est membre du conseil scientifique et professeur du Master in European Studies de l’Université de Sienne et de la commission éditoriale et scientifique de revues scientifiques grecques et internationales.

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Atlantico : Quel est votre ressenti sur le problème grec à l’heure actuelle ?

George Contogeorgis : La responsabilité incombe à la classe politique. Elle est la cause de la crise, c’est elle qui a adopté des pratiques en faveur de son appropriation de l’État et de l’acceptation de la corruption. Elle est celle qui a conduit la société grecque dans l’impasse et la crise actuelle. Si on veut évaluer le problème, il faut tenir compte de la nécessaire distinction à opérer entre État et Société.

L’UE et la Troïka n’ont pas tenu compte de cette distinction entre classe politique - qui domine l’État - et Société.

La classe politique est selon vous la seule responsable, mais pas la société ?

Les décisionnaires politiques européens ont mis sur la Société la responsabilité de la crise ainsi que ses conséquences, et ils ont laissé la classe politique grecque agir à sa guise comme par le passé.

Ensuite, le contenu du mémorandum, soit le plan de sauvetage pour une sortie de crise de la Grèce, est aussi responsable de l’impasse dans laquelle le pays se trouve aujourd’hui. 

En quoi ce mémorandum a-t-il pesé sur l’effondrement grec ?

Parce qu’il part d’une idée fausse dans sa conception. On a sous-évalué les ressources du pays, c’est à dire les revenus de la société, en considérant en parallèle qu’à ces derniers devait forcément correspondre une sous-évaluation de la monnaie.

Actuellement en Grèce, rien ne fonctionne. Depuis la classe bourgeoise jusqu’à l’employé d’une petite entreprise, tout à chacun est dans une situation d’impasse.

La classe politique quant à elle, n’est pas touchée par la nature de son comportement et continue à maintenir la société sous occupation, avec trois facteurs primordiaux : le fonctionnement du système politique, l’administration et les lois. Ces trois niveaux constituent le bastion de la situation hégémonique qui a conduit à la crise de la classe politique.

Mais pourquoi les élites politiques grecques ne parviennent-elles toujours pas à mettre sur pied un plan de rigueur solide ?

Parce que la classe politique grecque se comporte comme un pillard avec la sphère publique, avec de surcroît des pratiques clientélistes. Les coûts politiques sont orientés uniquement sur les intérêts de groupes particuliers et pas sur ceux de la société dans son ensemble.

Ensuite, toute une série de législations a mis la société grecque dans une situation de corruption à tous les niveaux.

Le gouvernement - mais aussi toute la classe politique - a oublié qu’avant l’encaissement de la somme d’aide versée par l’UE et le FMI, il y avait un certain nombre d’engagements à prendre. Or, ces engagements ne sont pas pris, mais par contre il y a une sauvegarde des privilèges de la classe politique, et l’UE ne comprend pas que son plan d’austérité n’est pas en mesure de lutter contre cela.

L’ennemi n’est pas la société grecque, mais la classe politique qui refuse de se comporter comme un serviteur de l’espace public et de la Société, et donc ne crée pas les conditions et les réformes nécessaires pour sortir de l’impasse.

Enfin, il faut tenir compte du fait que ces facteurs entrent dans la situation mondiale actuelle, où l’on a trouvé une occasion avec la crise grecque pour faire des affaires, et non pour sauver la Grèce.

La classe politique grecque pille-t-elle la sphère publique ?

Ce n’est pas qu’une question de pillage, mais de mauvaise gestion, en vue de sauvegarder des privilèges moyenâgeux. Une situation qui pousse la classe politique grecque à refuser une diminution de ses prérogatives économiques.

Si seule la classe politique est responsable, que dire des quelques 600 professions (pâtissiers, animateurs de radio, coiffeurs, etc.) qui bénéficient d’une retraite à 50 ans, avec une pension correspondant à 95% du salaire de la dernière année, en raison de leur caractère « ardu et périlleux » ?

Étant donné que l’État veut conserver ses prérogatives hégémoniques, il se devait d’avoir le soutien de groupes corporatistes alliés. Au bien-être de la Société dans son ensemble, il a privilégié celui de groupuscules, qui ont fait des affaires en liaison avec la classe politique aux dépends de l’État et la Société.

Et dans ce cas de figure, les élites ne sont ni les élites économiques ou sociales, mais de simples groupes corporatistes, qui se sont forger des privilèges au sein de l’État.

Ne peut-on pas chercher aux problèmes grecs des racines historiques ?

Effectivement, la crise ne relève pas seulement de la responsabilité de la classe politique actuelle, c’est ancestral, ça fait partie de l’histoire de l’État nation grec.

Depuis 1830, à partir du moment où on a imposé une monarchie absolue en Grèce, l’État a pris définitivement ses distances avec la Société, et chaque gouvernement successif a ajouté depuis à la situation de plus en plus critique de la Grèce.

C’est la constance de l’État grec vis à vis de la Société, ça ne date pas d’hier. En insistant sur la différence entre Société et société civile, où la société des citoyens est la Société tout court, et la civile uniquement celle des groupes intermédiaires qui font des affaires avec l’État.

Quel avenir pour la Grèce ?

Si on continue dans cette voie et ces conceptions politiques, les conséquences seront dramatiques, et pas seulement pour l’Europe, mais pour le monde entier. Pour éviter cela, il faut commencer par changer pas le fonctionnement de l’État et de la classe politique, sans quoi la Grèce n’arrivera à rien.

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