Grèce, crise de l’euro, acte 3 : la semaine de tous les dangers pour l’Europe<!-- --> | Atlantico.fr
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L'élection présidentielle anticipée se déroule cette semaine.
L'élection présidentielle anticipée se déroule cette semaine.
©Reuters

On a connu mieux

L'élection présidentielle anticipée grecque se tient à partir du 17 décembre. La gauche radicale pourrait l'emporter et remettre en cause les engagements pris par la Grèce. L'Europe encourt donc le risque d'une réaction en chaîne qui pourrait impacter toute la zone euro.

Alexandre Baradez

Alexandre Baradez

Alexandre Baradez, 33 ans, diplômé de l'ESCE (Paris/La Défense) en 2003 a d'abord évolué plusieurs années chez BNPPARIBAS puis la Banque ROBECO en gestion privée avant de rejoindre SAXO BANQUE en 2009 en tant que Sales Trader. Son expérience des marchés financiers et plus particulièrement du marché des devises lui confère rapidement le rôle d’Analyste Marchés. Interlocuteur privilégié des médias français, il délivre quotidiennement des analyses sur les marchés financiers, tendances, risques macro-économiques et participe régulièrement à des conférences dédiées aux investisseurs. En novembre 2013, il rejoint le groupe IG, leader mondial des CFD, côté à Londres au FTSE 250, en tant que Chief Market Analyst.

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Comme ce fut le cas il y a presque 5 ans maintenant, la Grèce affole à nouveau les marchés. Deux raisons à cette nouvelle poussée de fièvre : l’extension pour deux mois supplémentaires du programme d’aide dont bénéficie le pays et qui devait initialement arriver à son terme fin 2014 et la tenue de l’élection présidentielle anticipée à partir du 17 décembre. Cette élection ne devait pas intervenir avant le premier trimestre 2015 mais la situation politique, économique et sociale a bouleversé le calendrier.

Cette conjonction d’évènements à court terme a provoqué une nouvelle vague d’aversion au risque sur les marchés, la situation grecque (même si elle est sensiblement différente aujourd’hui) ravivant les souvenir de la phase aigüe de la crise de la dette il y a quelques années…

Les signes de cette nouvelle crise sont visibles : en seulement une semaine, le taux à 10 ans de la Grèce a bondi de 7% à près de 9%. Plus inquiétant, l’inversion de la courbe des taux. Le taux à 3 ans a dépassé depuis quelques jours celui à 10 ans, signe d’une instabilité à court terme sur les craintes de nouvelles dépréciations de la dette grecques en cas de changement politique majeur. Il convient toutefois de comparer cette évolution des taux, leurs niveaux actuels, par rapport à la phase de crise de 2010 à 2012. Début 2010, le taux à 10 ans de la Grèce évoluait près des 5% pour dépasser moins de 2 ans après les…30% ! Une détente des taux s’est ensuite mise en place après les pare-feux mis en place au niveau européen et l’action de la BCE, le taux à 10 ans passant de plus de 30% à près de 5%, soit son niveau d’avant crise. Il convient donc de remettre la hausse de ces derniers jours dans une perspective à plus moyen terme.

Le 2ème signe de tension majeur à court terme est la forte baisse de la Bourse d’Athènes. L’indice ASE a décroché de près de 20% en une semaine, signe de la défiance des investisseurs sur la situation actuelle du pays. Après le point bas touché en 2012, l’indice avait plus que doublé en moins de 2 ans avant de faiblir à nouveau. Les évènements de ces derniers jours ont catalysé la baisse à court terme.

Le report de la fin du programme d’aide traduit un regain de tension entre la Grèce et la troïka (BCE / FMI / UE) concernant la revue actuelle de la situation économique. Le président de l’Eurogroupe a souligné que des progrès importants avaient été réalisés mais n’étaient pas suffisants pour tirer des conclusions avant la fin de l’année. Ce délai de 2 mois devrait permettre de finaliser la revue en cours, de laquelle dépend le versement de la dernière tranche d’aide de 1.8 milliards d’euros avant mise en place potentielle d’une ligne de crédit de précaution.

Même si le pays a pu faire en 2014 un timide retour sur les marchés,  la situation économique reste toujours très fragile. Le PIB a perdu près d’un quart de sa valeur en 6 ans et le taux de chômage flirte avec les 25% même si une légère décrue est observée depuis mi-2013. La dette publique culmine toujours à 175% du PIB…

Le pays a techniquement renoué avec la croissance récemment (1.7% au 3ème trimestre) mais les années de récession et l’amélioration modeste de la situation économique depuis quelques mois ne suffisent pas à faire retomber la pression sociale. La montée en puissance du parti Syriza traduit l’exaspération d’une partie de l’opinion publique sur les politiques menées depuis des années et le rejet de l’influence de la troïka sur les décisions politiques du pays.

La sanction des marchés depuis une semaine traduit clairement la crainte d’une crise politique grecque au moment même où la zone euro cherche des solutions pour relancer sa croissance. Les marchés craignent l’instabilité politique, souvent elle-même source d’instabilité économique, comme ce fut le cas pour l’Italie il y a quelques années.

Si le vote de décembre ne permet pas d’élire un président, il y aura dissolution du Parlement dans les jours qui suivront et tenue d’élections d’anticipées que le Premier ministre Samaras annonce comme "catastrophiques".

Et le risque pour la Grèce est important, au moment où la croissance du pays repart timidement. Les investisseurs qui ont besoin de stabilité politique et de visibilité à moyen-terme s’inquiètent de l’arrivée au pouvoir du parti de gauche radicale Syriza avec un programme aux antipodes des politiques menées actuellement incluant notamment l’annulation d’une partie de la dette publique, une forte hausse des salaires et l’accroissement des dépenses publiques…

Si ce scénario se concrétise, une nouvelle page politique s’ouvrirait en Grèce avec une renégociation des conditions du programme d’aide et une escalade des tensions avec la troïka pouvant déboucher dans le scénario le plus extrême sur une sortie de la Grèce de la zone euro, réveillant les craintes d’une très forte phase d’aversion similaire à celle qui a traumatisé les marchés entre 2010 et début 2012…

Un tel scénario serait également un cinglant aveu d’échec des politiques menées dans le pays sous la supervision de la troïka, au moment même où la contestation sociale monte dans plusieurs pays européen, contestations portées  contre les politiques jugées trop austéritaires  en zone euro avec le rôle joué par l’Allemagne en ligne de mire. Le choc serait dans un premier temps politique car remettant en question un modèle global mais pourrait être suivi par un choc économique si le cas grec fait des émules et se propage à d’autres pays européens confrontés à une problématique d’endettement et de chômage élevé cumulée à une croissance faible… comme l’Italie.

Malgré le retour net des tensions sur les marchés cette semaine, il faut toutefois noter un élément important. Si les marchés craignaient que la situation en Grèce déclenche une série de crises politiques en chaine, les taux de l’Espagne et de l’Italie se seraient également tendus comme ce fut le cas lors de la phase aigüe de la crise grecque. Or ces taux sont restés stables, certes toujours maintenus sous pression baissière par l’imminence d’un quantitative easing (QE) de la Banque Centrale Européenne.

Le marché mesure également le chemin parcouru depuis la crise du début des années 2010 avec la mise en place de plusieurs pare-feux au niveau européen, pouvant limiter l’impact et les risques de contagion d’une nouvelle crise grecque.

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