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Arnaud Montebourg affirme que le gaz de houille "Made in France" représente un secteur énergétique porteur pour les industries chimiques.
Arnaud Montebourg affirme que le gaz de houille "Made in France" représente un secteur énergétique porteur pour les industries chimiques.
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Energie

Le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg affirme que le gaz de houille "Made in France" représente un secteur énergétique porteur pour les industries chimiques françaises.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : Arnaud Montebourg vient récemment d'affirmer que le gaz de houille "Made in France" représentait un secteur énergétique porteur pour les industries chimiques françaises qui sont actuellement tentées de délocaliser "vers des pays ou le prix du gaz est très bas". Peut-on parler pour autant d'un nouvel eldorado énergétique ?

Stephan Sylvestre : On ne peut pas vraiment utiliser ce terme pour deux raisons. Premièrement cette filière n’est pas nouvelle : elle date même du XIXe siècle. Jusqu’au milieu du XXe, le gaz de ville provenait essentiellement de cette source, avant d’être remplacé par le gaz naturel, extrait du sous-sol par les techniques d’exploitation du pétrole. Secondement, ce gaz restera une source d’appoint, cantonné à certaines applications industrielles comme la sidérurgie ou, éventuellement, la production d’électricité. Mais il ne reviendra pas dans les foyers en raison de sa dangerosité et de ses effets polluants.

Mais il reste vrai que le coût de l’énergie est devenu un facteur majeur de compétitivité industrielle, en particulier dans les pays où la part de la main d’œuvre dans les coûts est devenue faible, comme aux États-Unis, en Allemagne ou au Japon. À ce titre, le gaz de houille possède une carte à jouer.

En quoi cette ressource est-elle préférable au gaz de schiste ? Est-elle réellement moins risquée sur le plan écologique et humain ?

Pour la France, les deux principaux intérêts du gaz de houille sont, d’une part, l’absence de recours à la technique de la fracturation hydraulique, actuellement prohibée, et, d’autre part, la localisation des gisements. Ils se situent en effet dans des régions qui ont socialement beaucoup souffert ces dernières années, qui ont conservé un certain savoir-faire et surtout qui peuvent avoir des besoins (sidérurgie, chimie).  

En revanche ses impacts sanitaires et environnementaux sont loin d’être bénéfiques. Ce produit, issu de la distillation de la houille, est un mélange de gaz désagréables, dans le meilleur des cas (sulfure d’hydrogène), polluants, détonants (hydrogène), nocifs, voire létaux dans le pire (monoxyde de carbone). C’est pour cette raison qu’il fut remplacé par le gaz naturel (méthane) dans les années 1960. Sur le plan écologique, on peut lui reprocher un bilan de gaz à effet de serre (méthane et gaz carbonique) assez négatif, sauf si on l’utilise dans des conditions très contrôlées, ce qui renchérirait alors son coût. 

France Nature Environnement parle d'un "cheval de Troie pour faire croire qu'il pourrait exister une exploitation écologique des hydrocarbures". La question de la légitimation des énergies fossiles n'est-elle pas justement en jeu dans cette affaire ?

De ce côté, rien de nouveau sous le soleil ! Les mouvements écologistes restent profondément opposés à l’extraction des énergies fossiles. Toute solution nouvelle dans ce secteur est donc rejetée a priori. Les industriels, eux, regardent les choses de façon plus pragmatique. Ils ne rechignent pas à utiliser telle ou telle source, si les conditions de mise en œuvre, compte de tenu de la réglementation et l’acceptabilité sociale, permettent une exploitation à un coût raisonnable. Restent les pouvoirs publics, qui analysent le rapport bénéfice/risque et légifèrent en tenant compte de multiples critères. Ainsi, aux États-Unis les hydrocarbures sont perçus avant tout comme un atout de compétitivité et comme un moyen d’améliorer l’indépendance énergétique. Quand on connaît le poids géopolitique de ce pays, on comprend la prépondérance de cet argument. En Chine, c’est moins le cas ; mais l’énergie est perçue comme stratégique pour le développement du pays et toute source est bonne à prendre. En Russie aussi, où il n’est pas question une seconde de renoncer au trésor énergétique sur lequel le pays est assis. Bref, il se passera encore pas mal de décennies avant que les hydrocarbures soient remplacés. Il ne s’agit pas du cynisme de quelques multinationales avides, mais d’arbitrages stratégiques à très long terme des plus grandes nations du monde.

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