Ministre de l'Intérieur
Gérald Darmanin, la grande panne d'habileté
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin s’est attiré les foudres après un échange tendu avec la journaliste Apolline de Malherbe sur BFM. Questionné sur « la hausse de la violence, des atteintes aux personnes, coups et blessures volontaires », le Ministre invité la journaliste « à se calmer », ce qui a provoqué une vive réaction de la part d’Apolline de Malherbe ; l’opposition s’est saisie de l’incident pour dénoncer qui le sexisme du ministre, qui l’échec de la politique du gouvernement en matière de sécurité. Un incident révélateur de la situation inconfortable du Ministre de l’Intérieur.
Anita Hausser
Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015).
« Un ministre ne devrait pas répondre comme ça. » Ce mardi le bilan du gouvernement en matière de sécurité s’est une nouvelle fois invité dans la campagne, mais de manière inattendue, avec l’accrochage entre Gérald Darmanin et Apolline de Malherbe, sur l’antenne de BFM.
Le Ministre de l’Intérieur est sorti de ses gonds lorsque la journaliste lui a demandé si le gouvernement « ne s’est pas réveillé un peu tard » au vu du grand nombre de Français (- entre 60 et 70% selon les instituts de sondages), qui estiment que Emmanuel Macron « a un mauvais bilan en matière de sécurité». Piqué au vif et visiblement agacé, le Ministre a demandé à notre consoeur de se « calmer » , ajoutant que « ça va bien se passer » ; autrement dit, « ma p’tite dame, vous ne comprenez rien, laissez moi vous expliquer ! » Puis s’en est suivi un échange tendu sur les résultats publiées par le Ministère de l’Intérieur, attestant de la hausse de « violences, atteintes aux personnes, homicides, coups et blessures volontaires, violences sexuelles... », auxquelles le Ministre a opposé les bons résultats obtenus aux bons résultats dans la lutte contre le terrorisme, la baisse du nombre de cambriolages et les saisies record de drogue.
L’irritabilité du Ministre est révélatrice de l’embarras gouvernemental en matière de sécurité, et de la situation inconfortable de Gérald Darmanin sur le plan politique. Lorsque Gérald Darmanin a été nommé à l’Intérieur, il s’agissait pour Emmanuel Macron de marquer une inflexion vers une politique plus ferme en matière de sécurité, et de tenter de couper l’herbe sous le pied de l’opposition qui lui reprochait son manque d’implication dans le domaine régalien.
À Lire Aussi
Gérald Darmanin s’y est consacré avec ardeur, obtenant une augmentation du budget du Ministère de l’Intérieur, s’ appliquant à réconcilier les policiers avec le Chef de l’Etat, voire améliorer les relations entre Police et Justice. La loi « Sécurité Globale » devait être un des éléments de cette politique. Dans le souci de satisfaire une revendication des policiers qui se disent attaqués dans leur vie privée, le Ministre de l’Intérieur a voulu ajouter un article au texte, interdisant la diffusion du visage des policiers en action et obligeant ainsi les télévisions à flouter leurs visages. Il avait fini par renoncer mais la polémique qui a duré des semaines fin 2020, et avait déjà sérieusement mis à mal les relations entre le Ministre de l’Intérieur et la presse. Sur BFM, il a d’ailleurs imputé à, « une partie des médias » la responsabilité de « l’augmentation générale et continue des populismes depuis de très nombreuses années ». Quant à la lutte contre l’islamisme, il s’agit d’une politique de longue haleine.
Pour tenter d’aplanir conflits et malentendus et « penser la police et la gendarmerie du futur », on avait, au printemps 2021, lancé le Beauvau de la Sécurité, devant déboucher sur une grande Loi d’Orientation sur la Sécurité Intérieure. Une série de tables rondes s’est tenue dans la discrétion et Emmanuel Macron a prononcé le discours de clôture à l’Ecole de Police de Roubaix en septembre, où il a promis une loi d’orientation. Celle-ci devait être présentée au début de l’année. On parle maintenant de mars, c'est-à-dire de la campagne électorale. Ce délai a laissé le champ libre à toutes les oppositions de droite, de LR à Eric Zemmour, pour pilonner l’action du gouvernement en matière de sécurité. Et Gérald Darmanin est comptable du mauvais ressenti des Français en matière de sécurité.
À Lire Aussi
Sur le plan politique, Gérald Darmanin se retrouve également en équilibre instable. Exclu de LR à la suite de son entrée au gouvernement, il a, à la demande d’Emmanuel Macron, adhéré à la République en Marche, où il n’a pas trouvé sa place. Les « Marcheurs » du Nord sont en majorité d’anciens socialistes avec lesquels le Ministre de l’Intérieur a peu d’affinités. Homme de terrain, il aime le contact avec les électeurs et rejette « la politique des clics ». Il ne cesse de dire qu’il est de droite. Bien implanté dans le Nord, il siège d’ailleurs dans le groupe de droite du conseil départemental. Avant qu’Edouard Philippe (-qui l’a fait entrer au gouvernement), fonde son parti Horizons, censé former le pôle droite de la majorité présidentielle, Gérald Darmanin, revendiquait le rôle de « parler aux électeurs de droite tentés par le vote Le Pen », mais aussi une partie des sarkozystes. Il mettait d’ailleurs en scène sa bonne entente avec l’ancien président dont il avait dirigé la campagne de la primaire de la droite, et se rêvait en artisan d’un ralliement de Nicolas Sarkozy à Emmanuel Macron… C’était il y a un an… Depuis, le paysage politique a beaucoup changé, mais il n’apparait pas comme un acteur de ce changement…
En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.
Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !