Génération MeToo : comment le féminisme est devenu anhistorique<!-- --> | Atlantico.fr
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Sabine Prokhoris publie « Les Habits neufs du féminisme » aux éditions Intervalles.
Sabine Prokhoris publie « Les Habits neufs du féminisme » aux éditions Intervalles.
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Bonnes feuilles

Sabine Prokhoris publie « Les Habits neufs du féminisme » aux éditions Intervalles. Depuis #MeToo, un certain féminisme voit en la femme non plus un sujet libre de son désir mais un être fragile soumis aux injonctions du patriarcat que l’on rend responsable de sa condition. Est-ce là un progrès ? Extrait 2/2.

Sabine Prokhoris

Sabine Prokhoris

Sabine Prokhoris est philosophe et psychanalyste. Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Le Sexe prescrit : La différence sexuelle en question (Aubier 2000), L’Insaisissable Histoire de la psychanalyse (Puf, 2014) et Au bon plaisir des « docteurs graves » : À propos de Judith Butler (Puf, 2017); Le Mirage #MeToo (Cherche Midi; 2022)

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Quel rapport, alors, ce féminisme relooké de pied en cap par la génération #MeToo/ intersectionnelle et ses épigones, entretient-il avec l’histoire – celle du (ou des) féminisme(s) notamment ? Et, partant, avec la réalité, dans son épaisseur et sa complexité ? Il ne saurait évidemment être question, dans un aussi bref opuscule, de nous pencher en détail sur cette histoire mouvementée et plurielle, traversée de conflits parfois rudes. Mais il importe ici de souligner ceci : dès lors que la « domination » (hétéropatriarcale) est donnée pour « systémique » – un des « éléments de langage », comme disent les communicants, du féminisme contemporain –, la dimension historique se voit immédiatement vidée de tout sens, réduite à n’être rien d’autre que la répétition circulaire infinie d’une « oppression de genre » mécanique, théorisée dans la doxa militante. « Systémique » : cela veut dire structurant et gouvernant intégralement la réalité socio-historique, laquelle sous toutes ses formes en est l’expression sans issue, car son substrat est le « Patriarcat ». Les avancées en matière de droit des femmes ? Une ruse du « Patriarcat » par conséquent. Les droits de tous – par exemple les principes de l’État de droit démocratique que sont pour tout accusé, le fût-il d’une infraction sexuelle, la présomption d’innocence, les droits de la défense, la charge de la preuve incombant à l’accusation, le droit à un procès équitable enfin? Ils seraient la preuve éclatante que « la police et la justice sont des institutions anti-femmes et anti-enfants » (et qu’il convient par conséquent d’« occuper les tribunaux et les commissariats »). Notons au passage que mettre ainsi dans le même sac les femmes et les enfants (les faibles femmes, irresponsables et éternelles mineures, cliché des plus éculés), cela n’a rien de précisément féministe…

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On comprend qu’alors l’enjeu du féminisme nouvelle manière ne soit plus l’émancipation, mais la prise du pouvoir, présidant à l’avènement d’un monde entièrement nouveau : celui du « peuple des femmes » – brave new world « féministe ». C’est explicitement formulé par le duo Fabienne Brugère-Guillaume Le Blanc, dont l’ouvrage pieux mentionné plus haut, un must en la matière, et pathétique modèle d’opportunisme politique chantant page après page les louanges de la Révolution #MeToo, coche toutes les cases – des « sorcières » (fantasmées) au care, en passant par l’éco-féminisme et le « matrimoine », sans oublier l’hommage obligé à Adèle Haenel – : « Par-delà la justice et l’égalité, c’est à une lutte pour le pouvoir que nous assistons ». Rien de plus exact en effet…

Extrait du livre de Sabine Prokhoris, « Les Habits neufs du féminisme », publié aux éditions Intervalles

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