Fusion nucléaire : derrière la belle avancée scientifique, le (trop) long chemin à parcourir pour son utilisation commerciale<!-- --> | Atlantico.fr
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Une expérience « a produit davantage d’énergie à partir de la fusion que l’énergie des lasers utilisée » pour provoquer la réaction, selon le Laboratoire national Lawrence Livermore, qui dépend du ministère américain de l’Energie.
Une expérience « a produit davantage d’énergie à partir de la fusion que l’énergie des lasers utilisée » pour provoquer la réaction, selon le Laboratoire national Lawrence Livermore, qui dépend du ministère américain de l’Energie.
©DR / Capture d'écran

Prouesse historique

Les Etats-Unis ont annoncé, le mardi 13 décembre, une percée dans le domaine de la fusion nucléaire, qui pourrait révolutionner la production d'énergie.

Greg De Temmerman

Greg De Temmerman

Greg De Temmerman est directeur général du think tank Zenon Research. Docteur en physique expérimentale et chercheur, Greg De Temmerman a travaillé pendant plus de 15 ans dans le domaine de la fusion nucléaire. Entre 2014 et 2020, il était coordinateur scientifique sur le projet ITER. Il a publié plus de 230 articles dans des revues à comité de lecture et donné de nombreuses conférences. Il est également chercheur associé à Mines-ParisTech PSL.

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Atlantico : Le département américain de l'Energie a annoncé une "avancée scientifique majeure" dans le domaine de la fusion nucléaire. Des scientifiques sont parvenus à obtenir un "gain net d'énergie" Quelle est l’importance de cette réalisation scientifique ?

Greg De Temmerman : Pour faire fusionner des atomes, il faut atteindre des conditions extrêmes notamment des températures de l’ordre de la centaine de millions de degrés. Cela signifie qu’il faut apporter beaucoup d’énergie au combustible. Pour des applications dans le domaine de l’énergie il faut que les réactions de fusion génèrent beaucoup plus d’énergie que celle nécessaire à provoquer la fusion. On parle donc de gain entre l’énergie produite et l’énergie injectée. Le NIF a, pour la première fois, démontré un gain supérieur à 1 au niveau du combustible. Une énergie de 3.15 mégajoule a été produite alors que les lasers ont injecté 2.05 mégajoule. C’est donc une avancée scientifique significative. 

Quels pourraient être les débouchés, notamment énergétique, d’une telle réussite, à terme ?

La fusion nucléaire est une énergie bas carbone, sûre (pas de risque d’emballement), qui ne génère pas de déchets à vie longue. De plus le combustible est relativement abondant. C’est donc potentiellement une technologie extrêmement attractive pour l’énergie.

Qu’est-ce que cette découverte laisse présager pour l’avenir de l’énergie ?

C’est une belle avancée scientifique car pour la première fois, on a une génération d’énergie nette par la fusion. Cependant, le gain obtenu (1.5) est beaucoup trop faible pour envisager une application commerciale. Cette dernière nécessiterait un gain d’au moins 50-100. Il reste donc beaucoup de progrès à réaliser avant une application commerciale. Cependant, ce résultat démontre que la fusion nucléaire n’est pas une chimère et montre également que la science avance- un plasma de fusion est un système extrêmement complexe. 

Cette réussite donne-t-elle raison aux tenants du techno-solutionisme ? A minima, faut-il y voir une leçon sur l’importance de l’innovation technique ?

Pour le changement climatique, il faut réduire nos émissions de CO2 drastiquement dans les 30 prochaines années et la fusion ne sera malheureusement d’aucune aide pour cela. Mais à plus long terme la fusion est une source d’énergie très intéressante. Ce qui est clair dans ces résultats est qu’à force d’efforts nous sommes capables de choses vraiment extraordinaires. La fusion représente un des plus grand défis scientifiques et technologiques du siècle, et ces progrès sont encourageants. Chacun y verra des choses différentes concernant l’innovation. Je rappellerai juste que la fusion consiste à chauffer un gaz à 150 millions de degrés et de le contenir par des lasers ou des champs magnétique intenses- une belle démonstration de notre ingéniosité. 

Les Américains ont donc été les premiers à le faire. Où en sont La France et l’Europe sur le sujet ? Peut-on compter sur cette filière pour l’avenir de la recherche ? Avons-nous les moyens de transformer l'essai que représente cette première réussite ?

L’Europe est en fait un leader dans le domaine de la fusion nucléaire. Le Joint European Torus, projet européen situé à Oxford, détient le record de la quantité d’énergie produite. W7-X, le stelarator le plus puissant au monde est en Allemagne.

Il faut noter qu’à part le NIF, les USA ont peu d’installations de fusion opérationnelles par rapport à l’Europe. Cette avancée est majeure et a lieu aux USA, mais le budget européen pour la fusion a longtemps été supérieur à celui dédié aux USA. L’Europe est enfin le pays hôte du projet ITER (en France, à Cadarache), plus ambitieux projet de fusion jamais lancé.

Ce résultat ne doit pas faire oublier le fait que les USA, jusque récemment, enviaient le modèle européen pour la fusion.

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