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Fuite de patrons vers l’étranger : il y a bien un scandale mais pas forcément celui qu’on croit
©Flickr

Le beurre et l'argent du beurre

La fuite des hauts-cadres du secteur privé à l'étranger continue sa progression en 2013/2014, la révélation récente par le Monde du départ de Chris Viehbacher, directeur-général de Sanofi en étant un exemple emblématique. Si l'expatriation ne pose en soi aucun problème, on peut regretter que certains optent pour un régime fiscal plus avantageux tout en conservant les différentes aides et subventions de l'Etat pour leurs entreprises.

Olivier Marteau

Olivier Marteau

De formation universitaire franco-britannique, Olivier Marteau a occupé diverses fonctions commerciales (grand compte et direction de filiale) au sein de PME et de sociétés multinationales dans plusieurs pays européens. Il est actuellement consultant export. Olivier Marteau met à disposition des lecteurs le blog http://echoalpha.fr/ qui reprend toutes les sources, articles et documents des quatre parties de son livre, L'étrange défaite de la France dans la mondialisation, paru sur Atlantico éditions

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Atlantico : Un récent article du Monde.fr (ici) révèle le départ du directeur général de Sanofi aux Etats-Unis. Un cas qui s'ajoute à d'autres expatriations médiatiques de personnes à haut-revenus. Peut-on parler ici d'une véritable tendance dans les années d'après-crise où de cas relativement isolés ?

Olivier Marteau : La discrète fuite des hauts revenus est le prolongement naturel de la plus spectaculaire fuite des grands patrimoines en cours depuis 30 ans. La taxe à 75% sur les revenus produit aujourd’hui le même effet que l’ISF sur le patrimoine lors de son instauration en 1982. Ces deux impôts idéologiques, punitifs et contre-productifs produisent les effets négatifs que tous les économistes avaient anticipés. Objectivement, cet exode des classes sociales supérieures intégrées dans la mondialisation ne surprend que les instigateurs de la politique fiscale française. La raison de cet aveuglement est que la caste étatique au pouvoir depuis 40 ans est issue de catégories socioprofessionnelles totalement hermétiques à cette mondialisation. Politiques et technocrates sont en effet tous issus de professions vivant exclusivement de la rente étatique intérieure : Grands Corps d’Etat, fonctionnaires, avocats et professions médicales trustent tous les postes décisionnels de la V° République. Or, si leur valeur professionnelle dans l’hexagone est démesurée en regard de leur valeur ajoutée réelle, elle est inversement nulle hors des frontières où la rente étatique ne fonctionne pas. N’ayant ainsi aucune valeur sur le marché international du travail, ils n’avaient pas conscientisé la possible fuite de cadres et entrepreneurs dont le parcours professionnel dans l’économie privée concurrentielle les autorisait eux à se délocaliser.

Au-delà du débat sur le "patriotisme fiscal", le plus choquant dans ces départs n'est-il pas de voir que ces patrons continuent de profiter dans le même temps des nombreux avantages de la politique française à l'égard des entreprises ?

Les patrons d’entreprises privées ont beaucoup plus retiré de gains de la bulle étatique intérieure en cours depuis quatre décennies que des récents pseudos avantages fiscaux. En effet, les déficits publics ont permis de financer une étatisation de l’emploi et une immigration de peuplement qui ont accru artificiellement la demande de biens et services auprès des sociétés privées. Mais, de même que la raison d’être des entreprises n’est pas de créer des emplois, celle des individus n’est pas de payer des impôts. Dans une économie de marché fonctionnant dans un système démocratique l’intérêt individuel ne saurait être parasité par des concepts de « pacte républicain par le consentement à l’impôt » défendu récemment par C.Taubira, qui ne bénéficent concrètement qu’à ceux qui vivent de l’impôt payé par les autres et donc à premier titre à la caste politique. Ce qui pose véritablement problème dans l’attitude des élites compétitives françaises impliquées dans la mondialisation, c’est leur non implication dans la conduite du pays. La raison est à rechercher entre détachement égoïste vis-à-vis du destin national et découragement, lâcheté face à une technocratie étatique toute puissante.

On emploie souvent l'expression "privatisation des gains, nationalisation des pertes" pour décrire le comportement parfois irresponsable de certains patrons français. Qu'en est-il concrètement ?

L’oréal, Air Liquide, Essilor, Kering citées dans l’article du Monde, interviennent sur des secteurs hautement concurrentiels. Leurs patrons sont rémunérés selon les règles du marché de l’emploi international indépendamment de l’argent public. Le phénomène dit de « nationalisation des pertes et privatisation des gains » ne concerne dans les faits que les entreprises parapubliques vivant des rentes étatiques dans les secteurs de la banque, de l’énergie, des transports, du BTP. Ainsi BNPP, Vinci, Edf, Veolia, SNCF, Orange bénéficient de  rentes étatiques financées intégralement par l’argent du contribuable. Les rémunérations et avantages indus accordés à leurs patrons mais aussi à l’ensemble de leurs salariés sont eux déconnectés de l’économie réelle concurrentielle. C’est donc l’état et son clientélisme qui est irresponsable. L’irruption de Free dans le mobile a encore démontré à tous récemment que quand la régulation étatique spolie les citoyens, la libre concurrence, elle, les enrichit.

Quels seraient les moyens d'empêcher ce type précis de contournement des politiques fiscales ?

L’exode des hauts revenus démontre la rationalité comportementale des agents économiques qu’Adam Smith avait décrite pour défendre le libéralisme contre l’intervention étatique dans la fixation des prix. A l’heure de la libre circulation des biens et des personnes dans l’UE, et alors que l’offre fiscale est partout meilleure qu’en France, il n’y a donc rien de surprenant à voir l’exode hexagonal s’accentuer. Il est surtout anormal de penser l’empêcher pour une Nation qui se prétend à l’origine des Droits de l’Homme. Au final, l’oligarchie étatique au pouvoir n’ayant aucun intérêt à entreprendre les réformes libérales qui s’imposent et qui pourraient sortir les Finances Publiques de déficits devenus abyssaux, il est à craindre une lente socialisation voire collectivisation du pays. Libre donc à chacun de subir le système fiscal confiscatoire en cours, ou d’en sortir.

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