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20 milliards d'euros de fraude fiscale chaque année.
20 milliards d'euros de fraude fiscale chaque année.
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Fraude qui peut ?

Un rapport parlementaire estime que le montant de la fraude sociale s'élève à 20 milliards d'euros chaque année. Comment expliquer une telle somme ? Au delà des patrons et des salariés, c'est tout un système qui est mis en cause...

Agnès Verdier-Molinié et l'équipe de l'iFRAP

Agnès Verdier-Molinié et l'équipe de l'iFRAP

Agnès Verdier-Molinié est directrice de la Fondation IFRAP(Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques).

Son dernier ouvrage est : 60 milliards d'économies !, paru aux éditions Albin Michel en mars 2013
 

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Atlantico : Comment expliquer la somme de 20 milliards de fraudes sociales par an citée par un rapport parlementaire publié ce mercredi ? Le rapport pointe notamment la responsabilité des patrons…

Agnès Verdier-Molinié : Nous avons un coût du travail important en France. Les entrepreneurs ne sont pas les seuls fautifs. La situation arrange aussi beaucoup les salariés concernés. Un salarié qui travaille au noir touchera environ le double de ce qu’il aurait touché en étant déclaré, c'est-à-dire après déduction des cotisations patronale, salariales et des impôts.

Un compromis s’instaure donc : le patron est content parce qu’il paye moins et le salarié satisfait parce qu’il gagne davantage.
Donc les patrons ont certainement une part de responsabilité, mais nous avons tous essayé d’embaucher à domicile des femmes de ménage, ou des personnes pour garder les enfants qui ne veulent pas être déclarées. Ne croyons donc pas que les entrepreneurs sont les seuls à ne pas vouloir déclarer les salaires. Beaucoup de salariés ne le souhaitent pas non plus car ils sont alors gagnants sur tous les tableaux : ils ne payent pas d’impôts et pas de cotisations sociales, mais bénéficient par exemple de la CMU.

Même un bénéficiaire de bonne foi peut « frauder » sans le savoir. S’il y avait moins d’aides diverses, la possibilité de fraude serait diminuée. Le problème reste sans doute le manque de contrôle, mais aussi la complication du système et l’empilage des aides. Certains départements ont mis en place des contrôles sur le RSA : ils radient des gens qui ont en fait du travail non-déclaré. Mais la majorité des départements ne fonctionnent pas ainsi.

Il faut donc des règles plus strictes ou regrouper des aides pour que ce soit plus clair : que l’on n’ait pas d’un côté des aides données par le Conseil général, de l’autre celles délivrées par la CAF ou directement par l’État. Parce qu'au final c’est difficile de savoir qui touche quoi. Et puis, il faut avouer que le RSA n’est pas si difficile que cela à frauder : il suffit de déclarer que l’on est dans une situation de famille monoparentale pour toucher beaucoup plus ou déclarer un ou deux enfants en plus. Ce n’est certes pas si simple mais c’est possible.

La Caisse nationale d'allocations familiales a montré que le RSA est beaucoup plus fraudé en moyenne que les autres prestations : les allocations familiales sont fraudées à 0,46%, alors que le RSA est fraudé à près de 4%.

Finalement, plus vous voulez prélever des cotisations et des impôts en imaginant remplir les caisses sociales et fiscales, plus l’incitation à frauder devient forte. Un effet de cliquet se produit car on sait qu’on est susceptible de gagner beaucoup plus en fraudant.

Le souci reste donc de ne pas avoir de cotisations qui incitent à frauder. Bien-sûr, je ne suis pas pour la fraude, bien au contraire. Mais je peux comprendre les fraudeurs : le système est étouffant et celui qui travaille au noir, avec la CMU et le RSA, gagnera beaucoup plus d’argent, n’aura pas à payer la cantine de ses enfants, etc.

Est-ce que c’est culturel ? Je ne sais pas. Il est possible que les Français soient plus fraudeurs que les Allemands. Mais alors qu’on sait que le coût du travail pour l’employeur entre un salarié français et un salarié allemand est à peu près le même, le salarié français touchera lui environ 7% de moins en net que son collègue d’Outre Rhin à cause de la part qui va aux cotisations sociales.

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