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Hollande Président : 
Au secours, Chirac revient !
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Rois fainéants

À l'exception de Bernadette, fervente supportrice de Nicolas Sarkozy, plusieurs membres du clan Chirac, dont l'ancien président lui-même, pourraient voter pour le candidat socialiste. Et si le hollandisme n'était qu'une sorte de chiraquisme ?

David Valence

David Valence

David Valence enseigne l'histoire contemporaine à Sciences-Po Paris depuis 2005. 
Ses recherches portent sur l'histoire de la France depuis 1945, en particulier sous l'angle des rapports entre haute fonction publique et pouvoir politique. 
Témoin engagé de la vie politique de notre pays, il travaille régulièrement avec la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) et a notamment créé, en 2011, le blog Trop Libre, avec l'historien Christophe de Voogd.

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Atlantico : Le biographe de Jacques Chirac a annoncé que celui-ci pourrait voter pour François Hollande lors de la présidentielle. Les deux personnalités politiques ont été élus en Corrèze, s'entendent bien personnellement et semblent privilégier pour la France une ligne de centre droit pour le premier et de centre gauche pour le second. Est-ce à dire qu'avec une présidence Hollande c'est le retour du chiraquisme au pouvoir ?

David Valence : Il faut d'abord savoir de quel Chirac nous parlons, car il a souvent varié ! Le Chirac des années 1970, gaulliste jusqu'au nationalisme, était très différent du Chirac fasciné par Reagan des années 1980 ! En réalité, Chirac n'a pris son visage humaniste et rassembleur jusqu'à l'immobilisme qu'avec la campagne de 1995, qui lui a enfin permis de devenir chef de l'Etat. 

A cet égard, il existe peut-être une proximité, en effet, entre le "dernier Chirac" et François Hollande

Avec le Jacques Chirac des années 1990-2000 - bref, avec le Chirac enfin devenu Président - tout était prioritaire. Il avait perdu tout espoir réel de réformer le pays après les grèves de décembre 1995. Du coup, son discours laissait croire que les contraires pouvaient se concilier, que la politique n'était plus un art du choix, souvent cruel. Il en ressortait une forme de confusion sympathique, mais un peu creuse. On retrouve cette caractéristique chez François Hollande, me semble-t-il. 

Il y a toujours eu en France une double tendance dans le rapport à la politique. La première, c’est cette volonté de tout changer, de tout réformer. Quand elle prend un visage raisonnable, cela donne Charles de Gaulle en 1958 ou Valéry Giscard d’Estaing au début de sa présidence ; dans sa version de gauche, cela donne François Mitterrand en 1981, soit un certain irréalisme.

L’autre tentation française est celle de la conciliation immobiliste des contraires : c'est la France discrètement conservatrice des progressistes au grand cœur mais qui se méfient des reformes, comme Edouard Herriot. Cette tendance s'est retrouvée sous le deuxième septennat de François Mitterrand, ou sous la présidence de Jacques Chirac après 2002. Par réalisme électoral ou par tempérament, François Hollande se situe dans cette veine-la. 

Le conservatisme que vous évoquez de Jacques Chirac ou François Hollande ne les empêche pas d'être populaires aux yeux des Français. Le peuple de notre pays serait-il conservateur ?

Je ne crois pas a la psychologie des peuples, ou alors a une psychologie très paradoxale.

Prenez la popularité de Jacques Chirac aujourd'hui : elle ne reflète en rien ce qu'était le jugement des Français sur son action à l'époque où il était encore engagé en politique. Jacques Chirac n'a jamais rassemblé plus de 21% des Français au 1er tour d'une élection présidentielle ! Cela témoigne d’une faible adhésion. En vérité, quand il était au pouvoir, il n’a jamais été très populaire. C’est plus pour sa personnalité que pour ce qu’il a fait qu’il est aujourd'hui jugé favorablement par les Français.

Sa popularité a finalement progressé au fur et à mesure que l'image de Nicolas Sarkozy se dégradait aux yeux de l'opinion. Faut-il y voir un lien de cause à effet ?

Nicolas Sarkozy a bousculé beaucoup de conservatismes depuis 2007, en reformant des administrations, sans toujours y mettre les formes. De plus il a affirmé que les corps intermédiaires étaient inutiles. Cela a heurté beaucoup de gens : une partie des intentions de vote en faveur de François Hollande procède d'une réaction face à cette attitude.      

Que reste-t-il aujourd'hui du chiraquisme ?

La particularité du chiraquisme tenait dans sa façon de faire de la politique plus qu’à son contenu idéologique.

Si l’on reprend l’ensemble de sa carrière politique, bien malin celui qui pourra déterminer la cohérence politique de cet homme. Ceux qui ont suivi Jacques Chirac l'ont fait pour des raisons humaines. En fait, la nostalgie qui est aujourd'hui liée à Jacques Chirac tient, je le répète, plus a sa personnalité plus qu'à sa politique.

Précisément de quelle façon François Hollande marquerait un retour du chiraquisme ?

Les circonstances dans lesquelles François Hollande pourrait être élu ressemblent à la fois à la deuxième élection de François Mitterrand en 1988 et à celle de Jacques Chirac en 2002. Il pourrait en effet bénéficier d’une majorité en négatif, et pas en positif.

François Mitterrand l’avait emporté en 1988 car le candidat de droite était Jacques Chirac. Tout comme en 2002 ce dernier avait été élu face à Marine Le Pen. Il ne s'agissait pas de votes d’adhésion « à la régulière ». Les marges de manœuvre réelles de François Mitterrand après 1988 et Jacques Chirac en 2002 en furent réduites. Or, Hollande est dans une situation comparable car il n’a pas suscité d'adhésion personnelle ou sur son projet. Son succès éventuel devra surtout à l'antisarkozysme. 

Qu’attendre donc d'un éventuel quinquennat de François Hollande ?

Cela pourrait ressembler à l’exercice du pouvoir par Zapatero en Espagne. Ce dernier a pris relativement peu de mesures sur le terrain économique, il a mené une politique qui était la prolongation de celle de José Aznar. Il a marqué le fait qu’il était à gauche en faisant voter des lois sur la violence faite sur les femmes, le mariage homosexuel ;  des sujets sociétaux qui l’ont « couvert » sur sa gauche. Mais je ne crois pas à un grand tournant à gauche de François Hollande, même sous l’impulsion de Jean-Luc Mélenchon : les circonstances politiques ne sont pas réunies et la pression qui va s’exercer sur lui sera assez forte.

Dès lors que le président de la République a un socle assez faible, s’il prend un Premier ministre avec une personnalité forte, on se dirige vers une sorte de redistribution discrète des cartes par rapport à ce qu’était le schéma institutionnel sous Nicolas Sarkozy. L’adhésion au projet s’exprimera au moment des législatives car ce sera alors le Premier ministre qui mènera la campagne. Avec un président qui a une personnalité moins forte que celle de Nicolas Sarkozy, il faudra probablement un Premier ministre plus fort que François Fillon.

Propos recueillis par Aymeric Goetschy

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