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François Hollande, le président qui avait tué le pouvoir politique
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L'exercice du pouvoir de François Hollande et la publication du livre "Un président ne devrait pas dire ça" ont contribué à un affaiblissement non négligeable de la fonction présidentielle.

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Benoît de Valicourt

Benoît de Valicourt s’inscrit dans la tradition du verbe et de l'image. Il travaille sur le sens des mots et y associe l'image réelle ou virtuelle qui les illustre. Il accompagne les acteurs du monde économique et politique en travaillant leur stratégie et leur story-telling et en les invitant à engager leur probité et leurs valeurs sur tous les territoires. 
 
Observateur de la vie politique, non aligné et esprit libre, parfois provocateur mais profondément respectueux, il décrypte la singularité de la classe politique pour atlantico.fr et est éditorialiste à lyonmag.fr
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Atlantico : Alors que François Hollande a décidé jeudi soir de ne pas se représenter à l'élection présidentielle de 2017, dans quelle mesure peut-on penser que le livre Un Président ne devrait pas dire ça, s'il n'est bien sûr pas responsable de son bilan, a au moins précipité la disgrâce de François Hollande aux yeux de l'opinion ?

Benoît de Valicourt : Est-ce que la disgrâce de François Hollande n’a pas réellement commencé le jour de son élection ? On oublie trop souvent qu’il est le Président le plus mal élu de la Vème République avec 48,63% des votants et c’est je crois le scrupulus dans la chaussure présidentielle qu’il n’aura jamais réussi à enlever.  Depuis ce jour de mai 2012, il a catalysé la disgrâce, d’une façon assez extraordinaire. François Hollande est à la disgrâce ce que François Perrin dans La Chèvre est à la poisse ! C’est d’ailleurs presque ce qui le rend attachant et d’ailleurs François Hollande n’est pas rejeté par les Français comme l’a été Nicolas Sarkozy, il ne cristallise pas les passions.

Il a voulu être un Président normal et il a sans doute réussi à être anormalement normal, ce que les Français ne veulent pas. Toujours prompts à critiquer les fastes du pouvoir, les avantages de l’élite politique, ils veulent quand même que ça claque, que le Président soit brillant, exemplaire, respecté, détenteur de l’autorité. Il y a eu incontestablement une erreur de casting. François Mitterrand avait la passion des livres et de l’écriture, il noircissait des pages et des pages avec la profondeur de l’âme. Son rapport aux livres était intime. François Hollande a un tout autre rapport avec les livres, c’est un rapport cabotin. Le Président a besoin d’exister, il doit parler, il vit à travers le regard des journalistes comme s’il avait du mal à croire que c’est lui qui occupe la fonction suprême. Les confidences qu’il fait sont le moyen de se rassurer, il détient LE pouvoir, il est écouté, trop écouté car bon client comme une starlette de la téléréalité facile à piéger.

Le livre de Gérard Davet et David Lhomme a donné le coup de grâce.

La publication de ce livre ne représente-t-elle pas une forme de capitulation du pouvoir politique ? En quoi cet abaissement du politique est-il finalement assez semblable à la "présidence normale" prônée par François Hollande avant son élection ?

Jean-Pierre Chevènement pense que le Président n’aurait jamais dû autoriser la publication de ce livre comme à la bonne époque stalinienne parce que ce livre discrédite la fonction présidentielle. Cela voudrait-il dire que quel que soit le niveau de nos responsables politiques, il faut les préserver et empêcher qu’à travers eux soit salie l’image de l’élu de la République ? Le pouvoir politique ne capitule pas devant le pouvoir des médias. Il serait trop facile de considérer que les responsables politiques ne doivent se servir des journalistes que lorsqu’ils doivent communiquer les bienfaits de leurs actions. A une époque où tout est enregistré, filmé, décortiqué, analysé, le pouvoir politique doit être exemplaire, courageux, responsable et sincère. Comment imaginer un seul instant que les frasques des uns et des autres ne fassent pas la une des journaux ou nourrissent les chapitres d’un livre ? Le niveau politique baisse comme le niveau de la société. A trop vouloir uniformiser notre pays, la moyenne est devenue une norme. C’est ce que décrit Alain Deneault dans son livre Médiocratie.

Etre exemplaire est exigeant. Il faut travailler, se dépasser, prendre des risques. Se couler dans un moule est facile, il suffit de suivre la norme. Un président de la République ne peut pas être normal, sa fonction est exceptionnelle. La société française a trop vouloir faire de compromis a abandonné l’excellence et le mérite préférant les quotas. Le pouvoir politique devient une série américaine où il faut un quota de femmes, d’immigrés, de gays, d’hétéros, de cathos, de musulmans, d’israélites, de blancs, de noirs, … peu importe leurs compétences, leur culture, il faut surtout que chacun puisse se reconnaître. C’est un drame. La normalité annihile la nature humaine.

Quelles sont les conséquences de cette situation, tant pour la démocratie que pour notre République ?

Les conséquences sont dramatiques. La couardise est devenue la norme, l’inculture est devenue la norme, la vacuité est devenue la norme et la liste de ce qui est devenu la norme n’est pas exhaustive. Les idées ont cédé la place à la communication, à l’image, au politiquement correct. La démocratie est donc forcément en danger, non pas parce que la société se droitise après s’être gauchisée, mais parce que le fait de choisir d’inscrire un projet de société conforme à une moyenne considéré comme la norme créé les conditions d’une forme d’autoritarisme.

Quant à la République, elle n’est que le reflet de notre société, victime de sa dualité et de ses compromis, victime de ses quotas, victime de son narcissisme. Heureusement que nos institutions sont fortes et qu’elles ont été pensées par des hommes de culture, animés par l’intérêt supérieur de la nation. Imaginons un instant à quoi ressemblerait une VIème République dont la rédaction de la constitution serait confiée à Montebourg, Morano, Vallaud-Belkacem, Estrosi, El Komri, NKM, Hamon ou Dupont-Aignan ?

Que reste-t-il de la fonction présidentielle après François Hollande ? Cette situation est-elle de nature selon vous à donner une prime en 2017 aux candidats ayant la stature présidentielle ?

Il en reste un palais, un protocole, un décorum … les bases pour rétablir l’autorité du Président ! Je ne pense pas que François Hollande soit le seul responsable de cette situation, Nicolas Sarkozy a lui aussi terni la fonction présidentielle comme Jacques Chirac lors de son second mandat en ne faisant rien.

La fonction présidentielle demande du courage, c’est pourquoi je crois que la limitation à un seul mandat est indispensable pour ne pas être piégé par la tentation de vouloir satisfaire tout le monde pour briguer un second mandat. Se pose la question de la durée de ce mandat unique mais nous n’en sommes pas là.

Celui ou celle qui succédera à François Hollande a forcément un avantage tant, depuis plus de 10 ans, l’image de la fonction a souffert. D’un point de vue purement staturo-fonctionnel, François Fillon a une longueur d’avance. Habitué au protocole, à la vie de château et au décorum de la grandeur de la France, il a aussi pour lui l’élégance qu’elle soit verbale, vestimentaire, gestuelle ou intellectuelle et cultive le secret pour ne pas abîmer la fonction suprême pourtant habité par un pauvre pêcheur !

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