François Hollande, l'homme qui pensait que la France ne pèse plus grand-chose dans le monde : une raison inconsciente du désamour des Français ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Dans "Moi, l'homme qui rit", Serge Raffy s'est plongé dans la tête de François Hollande.
Dans "Moi, l'homme qui rit", Serge Raffy s'est plongé dans la tête de François Hollande.
©Reuters

Dans les choux

Dans son livre "Moi, l'homme qui rit" (Flammarion), Serge Raffy se met dans la peau de François Hollande pour faire passer des idées trop difficiles à annoncer pour le président.

Serge Raffy

Serge Raffy

Journaliste au Nouvel Observateur, écrivain, Serge Raffy a publié en 2011 chez Fayard François Hollande, itinéraire secret, qui s'est vendu à 15 500 exemplaires, et Moi, l'homme qui rit (Flammarion, octobre 2014). Il est également l'auteur de Nicolas et les vampires (Robert Lafont, 2016).

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Atlantico : Dans votre livre, "Moi, l'homme qui rit", dans lequel vous vous mettez dans la peau de François Hollande, vous écrivez : "Nous dansons sur un cadavre avec la frénésie des peuples mélancoliques". Le président de la République tel que vous le percevez a acté que l'âge d'or de la France était révolu, que le pays était fini. François Hollande est-il finalement lucide ? Ou s'agit-il d'un pessimisme excessif ?

Serge Raffy : Le chapitre que vous citez est le dernier du livre. L'exercice "Dans la tête de" permet parfois d'approcher une vérité pas toujours bonne à dire pour un politique. François Hollande, contrairement à la légende, est un homme qui a une vision tragique de l'Histoire. Regarder lucidement la réalité de la puissance relative de notre pays, qui n'est plus l'empire colonial du début du 20 ème siècle, et le dire clairement aux Français n'est pas aisé. C'est même un exercice périlleux électoralement. C'est donc l'écrivain qui se substitue au Président et qui lui force un peu la main en évoquant cette idée, au fond assez évidente, que sans l'Europe, la France est un petit pays. Savoir se regarder dans une glace avec lucidité pour affronter la réalité et ne pas vivre de chimères ; c'est le sens de ce chapitre, intitulé, "La France en miettes". Aimer son pays, c'est de ne pas lui raconter de mensonges.

Comment se traduit cette attitude dans ses décisions et dans sa pratique quotidienne du pouvoir ?

La principale préoccupation de ce Président est de ne pas déchirer le tissu social, éviter de diviser le pays. Il est, en cela, très chiraquien. Il voit la France comme une poupée de porcelaine. Il est conscient des réformes à accomplir mais il veut le faire à doses homéopathiques. Son obsession: comment préserver le modèle social français tout en emmenant le pays dans les dures réalités du 21ème siècle, mondialisation, concurrence acharnée des pays émergents, fin de l'ère du tout-pétrole, etc. C'est un chemin douloureux à emprunter qui relève d'une forme de schizophrénie politique, car il faut choisir entre deux maux. Il n'y a pas de voie royale. Mais avouez qu'aucun président avant lui n'a su trancher. Tous, sans exception, ont  accumulé les dettes avec l'insouciance des adolescents. Aujourd'hui, la note est salée.

Pour vous, François Hollande penserait que "nous sommes un petit pays, un confetti de l'empire américain, suivant ses modes, ses impulsions, sa croissance, ses crises bancaires".  Concrètement qu'est-ce qui vous a permis d'en arriver à cette conclusion ? Et qu'est ce qui vient encore aujourd'hui étayer votre hypothèse ?

Dire que la France est un confetti de l'empire américain relève de la lucidité et de la franchise. Depuis de Gaulle, le pays est sorti de la logique gaulliste au fil des années. Nicolas Sarkozy, en intégrant la France dans l'OTAN, a accéléré le mouvement de soumission du pays aux intérêts des USA. Prenez seulement le dossier du GPS qui régit un nombre incalculable d'activités de notre quotidien. Nous dépendons des Américains dans ce domaine. Si Washington nous supprime cet instrument de navigation satellitaire, nos trains, nos métros, nos avions, nos feux rouges, ne fonctionneront plus. Notre pays serait paralysé, tout simplement. Comment en sommes-nous arrivés là ? Ce n'est pas un petit détail. Avec le projet Galileo, un système européen autonome, nous tentons de nous libérer de l'étreinte US, mais nous sommes encore loin du compte. Encore une fois, ne faites pas dire à François Hollande ce qui reste un livre signé par moi, et par personne d'autre. Je ne suis pas en service commandé. A ce propos, je peux vous garantir que cet ouvrage ne lui plait absolument pas. Il l'irrite prodigieusement.  Ce n'est pas un manifeste ou un livre de confidences du président,mais bien un exercice de style d'un écrivain qui croit connaître un peu le Président de la République.

François Hollande est aussi le président le plus impopulaire de la 5e République. Est-ce cette lucidité doublé d'un pessimisme qui lui vaut cette impopularité ? Les Français ne sont-ils pas prêts à regarder la réalité en face ?

Son impopularité vient d'abord des résultats en matière d'emploi, mais aussi du brouillage catastrophique de son image d'honnête homme par l'irruption permanente de la sphère privée dans son action politique. C'est le coeur de ce livre. L'affaire du baiser le soir de son triomphe, en mai 2012, est fondatrice de tout ce qui va advenir par la suite; jusqu'au  livre assassin de Mme Trierweiler, véritable déflagration politique que personne n'aurait pu imaginer tant il porte la marque du mélange des genres public-privé comme on ne l'avait jamais vu auparavant. C'est essentiellement là que se trouve ce que j'appelle dans le livre la "malédiction de François Hollande". Ce que nous avons vécu est unique dans l'Histoire. C'est pour cette raison que le livre de celle que j'appelle l'Empoisonneuse va être traduit aux Etats-Unis et en Russie. Nous n' avons pas encore saisi la portée catastrophique pour notre pays de cette publication insensée. "Moi, l'homme qui rit" raconte cette incroyable blessure vécue par un homme pudique qui ne sortira pas de son silence, par respect pour sa fonction et pour son pays.

A mi-chemin de son quinquennat, François Hollande est-il résigné ? Le président a-t-il baissé les bras ou pourrait-on le voir revenir comme il l'a déjà fait par le passé ?

Il est tout sauf résigné. Il ne faut pas se fier à sa bonhommie. Il a des nerfs d'acier et surtout une volonté inébralanble d'aller au bout de son quinquennat et, qui sait, de surprendre encore. Tout dépendra des résultats économiques du gouvernement Valls dans les six prochains mois. Mais, il ne faut pas cacher que ce qu'il vient de vivre relève du cauchemar. Ce n'est même plus du sensationnel. C'est bien pire. Quel tabloïd aurait rêvé pareille séquence que ce livre dévastateur ? François Hollande parviendra-t-il à surmonter pareille épreuve ? Certains journalistes l'ont surnommé Culbuto, l'homme qui retombe toujours sur ses pieds. Réussira-t-il encore une fois? Il est bien trop tôt pour le dire. Mais force est de reconnaître qu'un éventuel rebond relèverait du miracle. En politique, il ne faut jamais jurer de rien. Pour François Hollande, comme pour Nicolas Sarkozy, l'adage "Tout ce qui ne tue pas rend plus fort" reste d'actualité...

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