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François Bayrou a multiplié les interviews dans la presse ces derniers mois pour critiquer la stratégie et la méthode d'Emmanuel Macron sur la réforme des retraites et sur la loi sur la fin de vie.
François Bayrou a multiplié les interviews dans la presse ces derniers mois pour critiquer la stratégie et la méthode d'Emmanuel Macron sur la réforme des retraites et sur la loi sur la fin de vie.
©Ludovic MARIN / POOL / AFP

MoDem

Par l’alliance conclue en 2016, le président du MoDem a donné le macronisme à la France. Sera-t-il aussi celui qui l’en délivrera ?

Carlyle Gbei

Carlyle Gbei

Carlyle Gbei est journaliste politique pour la radio fréquence protestante. Presentateur du podcast la Ve République, mode d'emploi et Nos présidents avec Maxime Tandonnet. Contributeur pour la revue politique et parlementaire .

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Jean Garrigues

Jean Garrigues

Jean Garrigues est historien, spécialiste d'histoire politique.

Il est professeur d'histoire contemporaine à l' Université d'Orléans et à Sciences Po Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin, 2007), La France de la Ve République 1958-2008  (Armand Colin, 2008) et Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française (Seuil, 2012). Son dernier livre, Le monde selon Clemenceau est paru en 2014 aux éditions Tallandier. 

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Atlantico : Depuis le début du mouvement de contestation contre la réforme des retraites, François Bayrou multiplie les entretiens dans la presse, notamment au JDD, pour évoquer la politique du chef de l’Etat. Le leader du MoDem a notamment critiqué la méthode utilisée et le manque de pédagogie auprès des Français. Alors que François Bayrou avait soutenu et était au cœur du projet présidentiel avant d’être nommé Haut-Commissaire au Plan, comment expliquer ces prises de parole critiques et lucides ? A quoi joue François Bayrou ?

Carlyle Gbei : Oui, effectivement, cela me semble un peu baroque, étant donné qu’en tant que membre de la majorité et pilier de la majorité, devrait adhérer à la vision du gouvernement qui consiste à tourner la page de la réforme des retraites. Étrangement, quelques jours après l'annonce du programme de la Première ministre, François Bayrou critique la méthode du gouvernement sur la réforme des retraites dans une interview fleuve au JDD, sachant que le gouvernement veut passer à autre chose. Nous nous sommes tous posé la question : à quoi joue-t-il ? Ce n'est pas la première fois, car rappelez-vous, après les élections législatives, il militait pour avoir un Premier ministre très politique. Il veut la tête d’Elisabeth Borne. C’est clairement une tactique personnelle pour se positionner et espérer que le Président face appel à lui. Donc voilà, il critique à nouveau le gouvernement à travers cette interview fleuve, tout en ne disant rien de particulier.

Jean Garrigues : Alors tout d'abord, je crois qu'il y a une certaine cohérence malgré tout dans les remarques faites par François Bayrou à Emmanuel Macron. Cette cohérence peut être qualifiée de conceptuelle en ce qui concerne le rôle d'un président de la République et surtout la relation entre les acteurs politiques et les citoyens. Au sein de sa famille politique, François Bayrou, issu de la démocratie chrétienne, a toujours mis l'accent sur le lien avec les citoyens. Bien sûr, je ne remonterai pas à toute l'histoire de la démocratie chrétienne, mais nous pourrions nous référer à ses racines en 1948. Le christianisme social, à l'origine de cette démocratie chrétienne, a toujours favorisé la consultation des citoyens ou plutôt la proximité avec eux. Cela témoigne d'une certaine cohérence par rapport au discours et à l'action politique de François Bayrou.

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Ensuite, il y a un deuxième aspect à prendre en compte concernant François Bayrou. Depuis le début, il a été l'un des conseillers d'Emmanuel Macron, même si son influence a parfois été limitée. Cela est assez courant étant donné qu'il fait partie de la majorité présidentielle qui a permis à Macron de remporter l'élection présidentielle de 2017. Il est également un élément de sa majorité parlementaire, avec plusieurs dizaines de députés issus du MoDem depuis 2017. Dans cette perspective, il est logique qu'il intervienne. Il est vrai que ces interventions étaient souvent de nature privée, en relation avec le président. Cependant, à chaque fois, on pouvait entendre une certaine musique, soit de la part de François Bayrou, soit des élus du MoDem, notamment sur les questions majeures. Cela témoigne d'une méthodologie différente, qui découle de l'expérience politique de François Bayrou. Il est évident que son parcours en tant qu'élu local et national, ainsi que son expérience en tant qu'ancien ministre, lui ont apporté des méthodes différentes comparées aux technocrates du gouvernement Macron. Ainsi, il apporte cette expérience et appelle à tenir compte des partenaires sociaux et de l'opinion publique dans le débat sur les retraites.

Ce qui peut sembler surprenant aujourd'hui, c'est que ces réserves soient exprimées publiquement. Cependant, cela s'explique assez clairement par deux facteurs. Premièrement, il y a une rupture ou une déconnexion perçue dans la méthode Macron pendant cette crise des retraites. Nous sommes dans une période de crise, non seulement pour le président de la République et sa relation avec le peuple, mais aussi en ce qui concerne le fonctionnement de la démocratie. Deuxièmement, il y a une dislocation ou du moins une recomposition de l'échiquier politique, en particulier en prévision des élections européennes et surtout de l'élection présidentielle. Cette recomposition concerne notamment l'espace politique occupé par Emmanuel Macron et la coalition "Ensemble". Pour François Bayrou, il est nécessaire de prendre position par rapport à cette recomposition et éventuellement par rapport à l'élection présidentielle de 2027. De la même manière qu'Édouard, on l'a vu, a pris un certain nombre de distances vis-à-vis d'Emmanuel Macron. François Bayrou de même, exprime une sensibilité, une tonalité différente dans la perspective de cette de cette recomposition.

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Une récente interview de François Bayrou dans les colonnes du Figaro sur ses réserves sur le projet de loi sur la fin de vie, évoquant son refus de faire un « service public pour donner la mort » ou ses déclarations sur les retraites, montre-t-elle que le divorce est profond entre le leader du MoDem et Emmanuel Macron ? Le chef de l’Etat va-t-il pouvoir continuer à gouverner sans l’appui des forces centristes, au cœur de la stratégie du Et en même temps d’Emmanuel Macron ?

Jean Garrigues : Je ne pense pas que le désaccord soit profond. Il exprime une sensibilité différente, ce qui n’est pas surprenant concernant la question de la fin de vie, car elle est en cohérence avec la tradition de la démocratie chrétienne où l'accent est mis sur la protection de la vie. Bien sûr, chacun peut avoir son propre jugement à ce sujet. Il y a donc une certaine cohérence, mais en réalité, personne n'a intérêt à faire éclater cette coalition à l'heure actuelle. C’est beaucoup trop tôt. Tout le monde aurait à y perdre, y compris en cas de dissolution de l'Assemblée nationale. Il s'agit simplement de marquer son territoire et de faire valoir sa différence en prévision de l'après Macron, notamment vis-à-vis des héritiers d'Emmanuel Macron, que certains appellent parfois "la Macronie", comme Gabriel Attal et d'autres ministres jeunes qui proviennent de ce mouvement. Il y a aussi une volonté de se démarquer de ceux issus de la famille de la droite libérale, tels que Bruno Le Maire et Gérald Darmanin.

Il se pourrait donc, contrairement à une rupture, que François Bayrou ait l'intention de devenir le deuxième Premier ministre du deuxième quinquennat. Ce serait alors une étape, voire un aboutissement personnel, qui n'est pas totalement improbable dans sa perspective. Cependant, cela présenterait un risque majeur pour lui à long terme, en cas d'autres ambitions, notamment pour l'élection présidentielle de 2027. Accepter le poste de Premier ministre signifierait qu'il deviendrait la cible de toutes les attaques de l'opposition et qu'il serait un fusible idéal. Élisabeth Borne, qui n'occupe pas suffisamment de place politique pour incarner véritablement une autre figure de l'exécutif, n'endosse pas ce rôle. Donc oui, il y a des considérations et des risques importants à prendre en compte dans cette perspective.

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Est-ce le poste de Premier ministre qu’il vise ou est-ce que c'est se positionner comme un successeur potentiel à Emmanuel Macron, comme peuvent le faire un Gérald Darmanin ou un Edouard Philippe ?

Carlyle Gbei : Dans l’immédiat, sa quête c’est Matignon. C’est ce qu’il vise depuis 2017, lorsqu’il a été le faiseur de roi d’Emmanuel Macron. A l’époque il est nommé garde des sceaux du gouvernement Philippe, mais écarté très rapidement à cause des affaires judiciaires. Sur le long terme, il se rêve comme le Joe Biden français.

Il a été l’élément déterminant pour Macron en 2016-2017. Pourrait-il avoir des arrières pensées sur son rôle et ce qu’est devenu le macronisme ?

Carlyle Gbei : C'est de la stratégie politique. Il faut le reconnaître. François Bayrou a l’oreille du président. Il a milité pour le CNR, c’est lui qui a demandé au président de ne pas passer par le 49-3 pendant l’hiver. Il est là et le président l’écoute beaucoup. C’est le faiseur de roi de 2017, ce qui est moins vrai pour 2022. Cela fait un an que la Confédération de la majorité Ensemble a été conçue. C'était l'une des personnes qui a beaucoup milité pour avoir des circonscriptions lors du partage des candidatures.  Mais il veut aujourd'hui imprimer sa marque dans un macronisme qu'on dit finissant.

A l’heure où la majorité relative d’Emmanuel Macron vacille et où le pays s’enfonce dans la crise, François Bayrou risque-t-il d’être le fossoyeur du macronisme, qui défait le macronisme après avoir aidé à la construire ?

Carlyle Gbei : Bien sûr, on se dirige vers ça, mais je pense que tout va commencer en 2024 après les Jeux olympiques et les européennes. Jusque-là, tout le monde joue le jeu. Après 2024, Emmanuel Macron ne pourra plus gérer ces troupes parce que chacun va essayer d'imprimer sa marque. Et Bayrou a commencé, dans son interview dans le JDD, dans celle dans Le Figaro où il a donné sa réserve sur la fin de vie. Pourtant, le président a voulu une loi d'ici l'été sur le sujet. Mais Bayrou a été clair sur ce sujet. Il a rappelé ses convictions chrétiennes. Alors même qu'il est très minoritaire dans son mouvement sur cette question parce que le modem d’aujourd’hui compte beaucoup de progressistes.

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Bayrou voudrait imposer un peu cette différence avec la majorité et son groupe aussi le suis dans cette nuance. Mais je ne pense pas qu’il puisse refonder ou venir concurrencer le macronisme qui n'existe déjà plus aujourd'hui. On reparle de droite et de gauche, alors qu’en 2017 on ne le faisait plus, mais aujourd'hui on a le courage de dire. Le macronisme a montré ses limites avec sa majorité relative à l’Assemblée nationale.

Jean Garrigues : Je n'irai pas jusque-là. La crise démocratique ou la crise de conscience démocratique et de l'engagement démocratique a commencé uniquement pendant les quinquennats d'Emmanuel Macron. Cependant, si l'on se concentre sur la crise actuelle, celle concernant les retraites, on peut constater que c'est Emmanuel Macron qui est à l'origine de cette crise. Le couple Macron-La France insoumise joue un rôle fondamental dans cette crise, mais du point de vue de l'opinion publique, la responsabilité en incombe principalement à Emmanuel Macron. Donc, si la coalition venait à éclater aujourd'hui et si la perception d'un échec de cette coalition se manifestait, ce qui, selon moi, est caricatural, la responsabilité n'en reviendrait pas aux prises de position ou aux prises de distance de François Bayrou. Les Français comprennent bien que c'est la posture de verticalité choisie par Emmanuel Macron qui a provoqué cette crise de confiance démocratique et cette révolte de la démocratie sociale. Ainsi, je pense que François Bayrou ne prend pas un risque politique, au contraire. Il se positionne comme un intermédiaire entre un pouvoir jugé trop vertical et la réalité des demandes de davantage de démocratie directe ou participative. Par conséquent, le risque politique pour lui est minime, ce qui ne veut pas dire que, à l'instar de toutes les composantes d'Ensemble, il ne va pas subir des conséquences négatives de ce qui se passe, mais je pense que la responsabilité ne lui incombera pas.

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Quelles sont les opportunités et les limites de François Bayrou en tant que potentiel successeur d'Emmanuel Macron par rapport aux autres candidats notamment ? François Bayrou pourrait-il aussi succéder à Macron en écrasant les autres candidats à la succession et leurs faiblesses respectives ?

Carlyle Gbei : Comme limite, il y a d’abord le fait qu’il porte le bilan d’Emmanuel Macron, parce qu’il a été son faiseur de roi. Et on sait très bien que le président est impopulaire aujourd'hui. Tous ceux qui sont avec lui devront défendre son bilan. François Bayrou a commencé à se démarquer un peu, mais les Français auront à l’idée qu’il reste un pilier de la majorité. Par ailleurs, son âge peut être un frein. Il fait partie de la vieille classe politique. De plus, le paysage politique se place plutôt du côté de l’extrême droite. Les politiciens, technocrates, déconnectés du peuple ne sont plus très populaires. Après, en tant que maire de Pau, il peut être considéré comme appartenant à cette « vraie » France mais dans les sondages, on voit qu’il est à la peine.

Je pense que Bayrou a eu sa chance au lendemain des législatives. La majorité imposait un Premier ministre politique qui sait faire des compromis. Bayrou, qui est centriste, aurait pu parler à tout le monde. 

Jean Garrigues : C'est une vraie question. Dans la main politique de François Bayrou, il y a des atouts indéniables. Il peut s'appuyer sur un parti, le MoDem, qui possède une véritable histoire et tradition, ainsi qu'une représentation parlementaire non négligeable et des alliés au Sénat. Cela compte. De plus, son expérience le place au-dessus de ses adversaires potentiels au sein de ce qu'on pourrait appeler "la Macronie". Sa position actuelle, en dehors, de la gouvernance actuelle lui permet d'avoir un regard critique et d'éviter les critiques de ses opposants. Ces éléments constituent des atouts importants. Accepter Matignon pourrait cependant brûler ces atouts, bien que cela puisse être un tremplin pour lui en cas de réussite. C'est là que réside l'hésitation.

D'un autre côté, il y a des éléments négatifs. Il est associé au passé, ayant été ministre pendant 30 ans et occupé des postes de pouvoir qui incarnent la classe politique française depuis plusieurs décennies. De plus, il n'occupe pas le cœur de "la Macronie" et pourrait être soupçonné de ne pas être un véritable héritier d'Emmanuel Macron. Cependant, selon moi, cela reste un problème secondaire.

La véritable question est de savoir comment François Bayrou peut occuper un espace politique qui va du centre-gauche jusqu'à la droite libérale, un espace en pleine recomposition. C'est dans cet espace qu'il pourrait éventuellement remporter l'élection présidentielle. Le problème, à mon avis, c'est qu'il occupe pour l'instant une place non négligeable mais pas exclusive. On sait qu'Édouard Philippe a gagné énormément de sympathie et de popularité lorsqu'il était Premier ministre. Aujourd'hui, Gérald Darmanin joue une carte similaire à celle que Nicolas Sarkozy avait jouée avant son élection en 2007. Bruno Le Maire peut également s'appuyer sur une expertise qui lui est propre. Donc, nous sommes encore dans un paysage politique où François Bayrou n'est pas assuré de dominer la concurrence, pour ainsi dire.

Dans un récent sondage, il faisait même l’un des plus mauvais scores des candidats potentiels de la majorité…

Carlyle Gbei : Bien sûr, il ne pèse rien, même dans son parti il n’est pas entièrement suivi. C'est avant tout une autorité morale. Mais politiquement, aujourd'hui, il ne peut pas concurrencer un candidat adverse. Ce n'est pas en tout cas la personne sur laquelle la majorité pourrait se porter pour affronter une Marine Le Pen ou un Mélenchon. Rien n’est encore joué ceci dit. Peut-être peut-il encore mobiliser le front républicain. Mais on peut en douter.

Il y a eu cette inadéquation entre la volonté générale et l'intérêt général. Les Français ont envie de personnes qui comprennent leur quotidien. Je ne pense pas qu'aujourd'hui, François Bayrou, qui est membre de la majorité même s’il essaie de faire entendre sa voix, puisse être perçu comme étant cette personne. Edouard Philippe a plus de carrure, mais il voulait carrément la retraite à 67 ans et on peut douter que les Français en veuillent.

François Bayrou finira-t-il par se dresser sur la route d’Emmanuel Macron et des incohérences idéologiques du macronisme et la pratique des institutions ?

Carlyle Gbei : Il le fait déjà. Il dénonce le passage en force avec le 49-3, il a milité pour le CNR et il exprime ses réserves sur la fin de vie. C’est vraiment l’autorité morale qui essaie de freiner le président. Mais je pense qu’il espère toujours être Premier ministre.

Il a l’oreille du président, même s’il y a souvent des accrocs entre les deux, Bayrou influence Emmanuel Macron dans ses décisions.

Jean Garrigues : Ce serait, à mon sens, une erreur de sa part. Autant il est vrai qu'Emmanuel Macron pâtirait d’un divorce avec François Bayrou, car ce dernier est un partenaire non négligeable de la coalition et occupe symboliquement un terrain important. D'un autre côté, François Bayrou perdrait également en cohérence et surtout en soutien potentiel du côté de La République En Marche. Il me semble donc prématuré aujourd'hui de tirer des conclusions hâtives.

Comme toujours lors des périodes de succession, les rapports entre l'Élysée et Matignon sont au centre des discussions. Dans ces moments-là, il est évident que le président en fonction joue un rôle central. La manière dont il gèrera sa relation avec François Bayrou va influencer considérablement la stratégie de ce dernier. Si François Bayrou constate à un moment donné que la popularité d'Emmanuel Macron est trop pénalisante pour l'intérêt de sa famille politique, il est possible qu'il prenne des distances plus marquées. Il en a la possibilité étant donné qu'il n'y aura pas de compétition directe entre eux. Cette approche pourrait constituer une stratégie pour François Bayrou. Cependant, je pense que dans la configuration actuelle, cela lui serait préjudiciable de se mettre en opposition frontale avec le président. Soutenir Macron dans la perspective de 2027 serait plus avantageux pour lui.

Il reste encore quatre ans, et ces années peuvent réserver de nombreuses surprises, tournants et événements. Nous ne pouvons pas prédire l'avenir. Cependant, dans la situation actuelle, il me semble que prendre une telle prise de risque en entrant en dissidence serait préjudiciable pour François Bayrou. Sa position critique actuelle semble plus intéressante pour lui que de s'opposer frontalement.

Est-ce que Bayrou après Emmanuel Macron a encore un rôle à jouer en tant que figure ?

Carlyle Gbei : En 2017, il a permis à Macron d'accéder à l'Élysée. En 2022. Bayrou n'a pas eu une grande influence. Aujourd'hui, en 2027, je ne sais pas ce qu’il pourrait apporter de nouveau ? Le discours d’Emmanuel Macron n’est plus audible car il y a une vraie détestation personnelle. A part repenser un nouveau logiciel, on voit mal ce qu’il pourrait apporter de nouveau.

A force d’émettre des réserves, à quel point peut-il nuire à Emmanuel Macron ?

Carlyle Gbei : Je pense que d'un point de vue stratégique, ce qu'il fait actuellement ne sert à rien. Émettre des réserves, oui, mais directement au président. Le mettre sur la place publique comme ça, c'est quand même dangereux dans un moment où la majorité devrait être unie face aux oppositions. C’est une ouverture donnée aux oppositions de fustiger l’action de la majorité. Je ne sais pas à quoi joue Bayrou. Récemment il obtient plutôt ce qu’il veut et pourtant il agit ainsi. Un conseiller me disait récemment « quand Bayrou prend la parole on se méfie. On n’attend pas grand-chose de lui ».

Jean Garrigues a publié « Élysée contre Matignon » aux éditions Tallandier

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