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France-Inde ou la coopération entre "deux puissances faibles"
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Relations internationales

La visite surprise de Narendra Modi à Paris n'est pas due au hasard. Dès le soir de l'élection d'Emmanuel Macron, le Premier ministre indien a pris son téléphone pour féliciter le nouveau président français et rappeler l'importance du partenariat stratégique signé entre les deux pays en 1998. En réalité, la France a été de tout temps un des alliés les plus fidèles de l'Inde, tout particulièrement après son indépendance en 1947.

Jean-Joseph Boillot

Jean-Joseph Boillot

Jean-Joseph Boillot est agrégé de sciences économiques et sociales et Docteur en économie.

Il est spécialisé depuis les années 1980 sur l'Inde et l'Asie émergente et a été conseiller au ministère des Finances sur la plupart des grandes régions émergentes dans les années 1990. Il est aujourd'hui chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et coprésident du Euro-India Group (EIEBG).

Son dernier livre :  "Utopies made in monde, le sage et l'économiste" paru chez Odile Jacob en Avril 2021.  
Il est également l'auteur de "L'Inde ancienne au chevet de nos politiques. L'art de la gouvernance selon l'Arthashâstra", Editions du Félin, 2017.   et de "Chindiafrique : la Chine, l'Inde et l'Afrique feront le monde de demain" paru chez Odile Jacob en Janvier 2013.

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Dans le cadre de la fameuse diplomatie de non-alignement sur les deux grands blocs russe et américain, nos relations scientifiques, militaires et économiques ont toujours été au beau fixe. La meilleure preuve en est l'excellence de notre coopération ancienne dans le spatial ou encore le contrat signé dès 1953 pour la livraison de 71 avions Ouragan qui marquera le retour de Dassault dans la ligue des grands constructeurs aéronautiques mondiaux.

Mais le monde change. La France et l'Inde aussi. C’est d’abord vrai sur le plan géopolitique avec des inflexions notables des deux partenaires depuis la fin de la guerre froide et notamment le choix de renforcer une alliance entre « deux puissances faibles » comme le recommande le fameux Kautilya dans son traité Arthashastra vieux de 25 siècles. N’est-ce pas d’ailleurs le cadeau tout relié de cuir qu’a offert au Président français le Premier ministre indien lors de sa visite récente à Paris.

Sur le plan économique ensuite, l’Inde connaît bien son propre proverbe : « Le monde tremble devant l’éléphant mais piétine la fourmi ». Comme la Chine de Deng Xiaoping finalement, elle a compris qu’elle serait respectée et pèserait sur les affaires du monde à due proportion de sa puissance économique. D’où l’ouverture des années 1980 et la volonté de maximiser son taux de croissance malgré les effets pervers bien connus d’une croissance trop rapide en termes de pollution ou d’inégalités de richesse.

Le fait est que l’Inde est désormais la troisième puissance économique du monde en termes de produit national brut calculé par les prix domestiques –parité de pouvoir d’achat- après les USA et la Chine mais devant le Japon. Surtout, le ralentissement structurel chinois a permis au taux de croissance indien de dépasser depuis deux ans celui de sa concurrente asiatique avec un rythme tendanciel de 7-8%. Les yeux de tous les grands groupes mondiaux sont donc naturellement tournés vers ce nouveau marché du siècle avec près de 50 milliards € d’investissements directs étrangers l’an dernier.

Comme la France toutefois, l’Inde sait qu’il lui faut sauvegarder la plus grande autonomie sur le plan économique et technologique. Telle est la politique suivie avec encore plus d’insistance par le nouveau Premier ministre Narendra Modi dont le slogan phare « Make in India » a fait le tour du monde en quelques mois à peine et qui ressemble à s’y méprendre au retour chez du slogan « Made in France ». Dans les deux cas, nulle question d’isolation ou de nouveau protectionnisme, mais une ouverture intelligemment conduite autour de programmes de coopération et de soutien à des champions nationaux qu’il s’agit de protéger comme la prunelle de ses yeux. Ils s’appellent « India Inc. » dans le cas indien et CAC40 en France.

Voilà ce que Narendra Modi est venu chercher en France après un voyage important en Allemagne, son premier partenaire économique en Europe, mais qui est loin de couvrir toutes les priorités sectorielles de l’Inde et notamment dans les technologies de pointe. Car l’offre française est perçue par les Indiens comme d’excellence dans des domaines clés comme les énergies nucléaire ou solaire, les transports routiers ou ferroviaires et notamment les métro, les infrastructures urbaines dites intelligentes, et bien sûr la défense dont la France reste un des grands partenaires privilégiés de New Delhi dans les domaines à la fois aéronautiques, maritimes (sous-marins) et de sécurité.

Bien que brève, les résultats de cette visite sont très encourageants comme le montre l’engagement du Président Macron de venir à Delhi avant la fin de l’année pour inaugurer le 1er sommet de l’Alliance Mondiale pour le Solaire lancée par les deux partenaires à l’occasion de la COP21 du sommet de Paris. D’autres grands dossiers sont en chantier comme l’extension du projet Rafale, des sous-marins et centrales nucléaires, sans compter les secteurs civils autrement plus fournis qui représentent les trois-quarts de nos échanges. On peut à juste titre s’inquiéter de certaines évolutions politiques en Inde, mais la meilleure façon de peser sur leur cours est de renforcer notre statut de « one of our most important strategic partners » comme l’a tweeté le Premier ministre indien avant sa venue à Paris.

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