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France/Royaume-Uni :
la crise a-t-elle élargi la Manche ?
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(Encore plus) Perfide Albion

La crise de l'euro a une nouvelle fois révélé des dissensions entre la France et le Royaume-Uni. Si Nicolas Sarkozy et David Cameron se congratulent en public, ils n'hésitent pas à s'écharper en privé...

Mark Bailoni

Mark Bailoni

Mark Bailoni est docteur en géopolitique, diplômé à l’Institut français de géopolitique.

Il est spécialiste du Royaume-Uni, maître de conférences au département de géographie de l’Université Nancy 2 et chercheur au CERPA.

Il est également coauteur de l’Atlas géopolitique du Royaume-Uni (Autrement, 2009)

 

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La crise de l’euro a incontestablement révélé l’état des rapports de force et des relations entre les États européens. Elle a montré la puissance motrice du couple franco-allemand : malgré certaines divergences, rien ne peut être décidé en Europe sans la bénédiction de Paris et surtout de Berlin. Elle a également souligné une nouvelle fois la position ambivalente du Royaume-Uni dans la construction et le fonctionnement de l’Europe politique : la volonté d’être consulté et d’interférer dans les décisions économiques et politiques majeures, tout en restant en marge et en ne s’engageant pas directement.

Les Britanniques se sentent en effet particulièrement concernés par les décisions prises au sein de l’eurozone, puisqu’elles sont susceptibles d’interférer sur leur propre situation économique et de déstabiliser leurs intérêts. Sur un plus long terme, le Royaume-Uni s’inquiète du renforcement éventuel de la cohésion politique, économique et fiscale, que la crise actuelle pourrait engendrer. Il serait ainsi de facto exclus d’un noyau dur politique dominé par la France et l’Allemagne. L'influence du pays – en proie à une vague interne d’euroscepticisme voire d’europhobie – serait alors considérablement réduite, alors qu’il avait réussi à affirmer, et même parfois à imposer, sa vision de l’Europe, au cours des années 1990 et 2000.

Cette attitude a une nouvelle fois contribué à agacer dirigeants français et allemands, provoquant la sortie de Nicolas Sarkozy signifiant que David Cameron avait "manqué une bonne occasion de la fermer", le 23 octobre dernier. On semble alors très loin des démonstrations d’amabilités et des accolades du 15 septembre dernier, quand Nicolas et David effectuaient une visite conjointe en Libye, pour récolter les fruits de leur engagement militaire.

Une relation amour/haine historique

Toutefois, il ne faut pas croire que l’on rentre dans une nouvelle phase, forcément plus tendue, dans les relations franco-britanniques. Ces derniers évènements ressemblent en effet davantage à un condensé des rapports tumultueux, faits de brouilles, de "prises de bec fraternelles" et de réconciliations entre les dirigeants des deux pays depuis plus de cent ans. Ces relations sont d’ailleurs très souvent décrites par le cliché des liens amour/haine entre les deux peuples. La position actuelle de David Cameron en Europe, face à Nicolas Sarkozy négociant avec Angela Merkel, rappelle par exemple l’attitude de Tony Blair pendant les discussions entre Jacques Chirac et Gerhard Schröder sur les réformes de la PAC au début des années 2000.

Les évènements récents montrent également que les relations franco-britanniques s’établissent sur des logiques différentes en fonction du niveau d’analyse. Ces relations semblent à géométrie variable. En effet, la nature des rapports au sein de l’Union Européenne, souvent très tendus, n’a rien de comparable aux partenariats stratégiques étroits qui s’établissent entre les deux vieilles puissances au niveau extra-européens.

Un partenaire militaire important

En effet, il convient de rappeler que la crise de l’eurozone s’inscrit dans une période de net rapprochement stratégique entre les deux pays. Depuis son entrée en fonction, Nicolas Sarkozy a replacé la France dans l’OTAN et a entrepris, avec Gordon Brown puis David Cameron, de renforcer des partenariats bilatéraux, plaidant en 2008 pour une "entente amicale" entre les deux pays. Il s’agissait de fermer la parenthèse de la guerre en Irak et de prolonger les accords de Saint-Malo, signés en 1998 par Jacques Chirac et Tony Blair. La signature d’un nouveau partenariat militaire en novembre 2010, la coopération en Afghanistan et surtout l’engagement en Libye ont montré que les relations militaires et stratégiques des deux pays sont très étroites. Le sommet franco-britannique prévu à Paris en décembre 2011 devrait contribuer à renforcer encore les coopérations. Si l’Allemagne est souvent l’interlocuteur privilégié de la France en Europe pour les questions économiques, le Royaume-Uni est incontestablement son principal partenaire militaire et stratégique.

Les deux Etats savent que leurs intérêts sont communs. Au-delà des vieux clichés relayés par une presse avide de petites phrases assassines, les tensions des derniers sommets ne doivent pas masquer les liens profonds et solides qui unissent les deux vieilles puissances européennes. La crise actuelle n’aura surement pas raison de l’Entente cordiale.

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