Jusqu'à quand l'Europe tolérera-t-elle la quasi guerre économique que lui mène l'Allemagne ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
La France a subi le refus allemand de faire du MES une banque pouvant se fournir directement à la BCE.
La France a subi le refus allemand de faire du MES une banque pouvant se fournir directement à la BCE.
©

Stop

L'Allemagne a pratiqué depuis la création de l'euro une politique de déflation salariale dans les emplois manufacturiers ce qui l’a conduit à une politique export agressive à l'égard de ses partenaires de la zone euro qui ne pouvaient plus dévaluer et qui s'ils avaient suivi cette politique déflationniste aurait immédiatement plongés l'Europe en récession

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser est ancien député européen apparenté RN.

Voir la bio »

L’Allemagne a presque doublé son PIB à l’export, en 10 ans, depuis son appartenance à la zone euro. Elle fait désormais 50% de son PIB à l’export, 85% de ses excédents commerciaux en Europe, plus de 60% dans la zone euro.

Elle est parvenue à ce niveau d’exportation en mettant ses salaires sous la productivité dans l’industrie au cours des années socialistes, de 2000 en 2005, en diminuant donc son marché intérieur. Elle a pratiqué une politique de déflation salariale dans les emplois manufacturiers, ce qui l’a conduit à une politique mercantiliste plus particulièrement par rapport à ses partenaires de la zone euro qui ne pouvaient plus dévaluer. Cependant, si la zone euro avait suivi cette politique déflationniste, elle serait immédiatement rentrée en récession ; l’Allemagne n’aurait pu gagner aucune part de marché à l’extérieur tout en perdant son marché intérieur, elle serait également rentrée en récession. Les gains de la politique allemande n’ont été profitables à ce pays qu’en tant que passager clandestin du train européen et plus particulièrement en tant que passager clandestin du wagon de la zone euro.

Certes les salaires augmentaient nettement au-delà de la productivité en Espagne ou en Grèce ou même en France mais comme un peu partout, moins en France qu’en Grande Bretagne. En accentuant ses excédents, l’Allemagne augmentait donc les déficits des autres pays européens car elle restait et reste toujours – elle qui se veut un grand compétiteur mondial - déficitaire par rapport à tous les pays émergents et son excédent par rapport aux Etats-Unis est de 50% inférieur à celui qu’elle a vis-à-vis de la France (27 milliards d’excédents face à la France contre 14 milliards aux EU en 2010).

La France a subi cette politique. Elle avait un commerce extérieur en équilibre à la veille de son entrée dans l’euro ; elle a désormais le principal déficit commercial de la  zone euro en montant, son second déficit commercial étant avec l’Allemagne après la Chine. La France a pu certes tirer la croissance de la zone euro, par sa demande, mais le principal bénéficiaire extérieur en fut d’abord le commerce allemand ! En face de la demande, en France, il faudra donc remettre plus d’offre ; il n’est pas possible, en effet, de maintenir la demande sans offre sauf à creuser les déficits. Cette politique n’est pas durable ni pour le pays qui fait des excédents, ni pour celui qui fait des déficits. La France ne tire pas gloire de ses déficits, l’Allemagne ne peut tirer gloire de ses excédents !

Si le salaire moyen par tête augmente moins fortement que la productivité du travail
par tête, le coût salarial unitaire diminue. Inversement si le salaire moyen par tête
augmente plus fortement que la productivité par tête, le coût salarial unitaire augmente.
Dans l’industrie allemande, le coût du salaire diminue sous la base 100.
Pour tous les salaires, il se maintient en Allemagne jusqu’en 2007, puis monte à 110
en 2012 pour 120 aux États-Unis... L’Allemagne reste systématiquement en-dessous
de ses partenaires
commerciaux.

Source : Données de l’OCDE.

Par ailleurs, la France (sous le Président Sarkozy) a subi également le refus allemand de faire du MES une banque pouvant se fournir directement à la BCE. Le MES – version française - aurait pu reprêter aux Etats sans être sous la contrainte des marchés; il eût pu prêter au même taux que la BCE prête actuellement aux banques donc avec un intérêt de la dette inférieur à l’inflation pour arrêter ainsi la spirale de l’endettement. Le MES eût pu également renflouer les banques en difficulté en capital en prenant ainsi, par ce moyen, le contrôle du système bancaire européen via les Etats qui sont les actionnaires du MES. Nous ne serions plus à accuser la finance ; nous en aurions pris le contrôle, du moins nous pourrions agir avec responsabilité ou irresponsabilité sans accuser l’ennemi invisible…

Ce refus allemand a entraîné la BCE dans cette politique absurde qui consista à prêter aux banques plus de 1000 milliards en espérant qu’elles reprêtent – en renvoyant pour ainsi dire l’ascenseur - aux Etats ou mieux à l’économie réelle. Les faits sont là : moins de 10% de ces montants sont allés à l’économie réelle ; le reste est allé au trou sans fond du manque de liquidité des banques car elles n’ont plus confiance entre elles en raison de l’incapacité qu’ont les Etats de garantir, quoi qu’il advienne, la solvabilité des banques et des Etats. A cause de l’Allemagne et son refus du MES français, les Etats doivent aussi s’endetter pour sauver les banques en capital, ce qui entraîne un risque supplémentaire sur les Etats qui vont au secours de leurs banques, risque subi en contrecoup par les banques qui ont de la dette publique nationale. Cercle vicieux dont on ne peut sortir qu’en abandonnant le concept devenu absurde d’une Banque Centrale uniquement au service des banques contre les Etats et contre l’économie des besoins humains. La BCE doit être au service du Bien commun économique européen même s’il faut sacrifier pour cela le rentier et plus particulièrement le rentier allemand, électeur de Madame Merkel.

L’Angleterre a une balance commerciale en plus mauvais état que celle de l’Espagne et un endettement public équivalent à celui de l’Espagne mais avec le pragmatisme anglo-saxon sur l’indépendance de sa Banque centrale, elle connaît des taux très faibles sur sa dette en raison, justement, de l’intervention de la Banque centrale qui achète les bonds du Trésor. Elle recapitalise ses banques sans s’endetter par création monétaire…

Cette conception rigide sur la Banque centrale est rejetée par tous les peuples. Elle fait gronder la révolution dans toute l’Europe en raison d’une fausse appréhension germanique de l’inflation – maîtrisée uniquement par la monnaie de base – conceptions erronée dans l’actuel contexte de guerre monétaire et contredite par les faits aussi bien aux Etats-Unis, qu’au Japon, qu’en Grande Bretagne. D’ailleurs un peu d’inflation, comme nous en avons connu dans les trente glorieuses, n’est-il pas préférable à la mort de l’économie ? Madame Merkel veut préserver le rentier, son rentier allemand ! Elle perdra la rente et donc son rentier car elle aura tué l’économie européenne et sans économie, plus de rente.

Selon le titre d’un grand quotidien Angela Merkel se fâche contre la France, nous n’obéissons pas assez au leader économique européen, donneur de bonnes leçons.

Mais la France n’est pas seule. Le Président conduit, à juste titre, une concertation avec les pays du Sud, plus particulièrement avec l’Italie de monsieur Monti qui sait ce que la rigueur veut dire, pour contrer cette politique qui a assez duré nous ayant conduits tous dans l’impasse, essentiellement à cause de l’entêtement germain. L’Allemagne rage mais rappelons lui les propos de Madame Lagarde, qui n’ayant rien d’un ministre anti-allemand, rappelait à ce pays, que les excédents font les déficits, on ne peut avoir les uns sans accepter les autres. L’Allemagne veut bien ses excédents mais elle ne veut pas contribuer solidairement pour les déficits des autres dont elle est pourtant le principal bénéficiaire.

Irait-on jusqu’à dire comme l’écrivait Gustave Le Bon, en 1918, dans Hier et Demain « L’Allemand moderne est plus dangereux encore par ses idées que par ses canons. Le dernier des Teutons reste convaincu de la supériorité de sa race et du devoir, qu’en raison de cette supériorité, il a d’imposer sa domination au monde. Cette conception donne évidemment à un peuple une grande force. Il faudra peut-être une nouvelle série de croisades pour la détruire ».

Ce propos est osé. Tiré de son contexte d’après- guerre, il peut devenir impertinent ; surtout il pourrait être dit, au cours de l’histoire de l’humanité, à des moments divers, sans doute de tout peuple. Cependant la France est bien obligée de mener ce combat contre les idées allemandes avec les pays du Sud européen et les autres pays de bonne volonté si elle veut maintenir l’économie européenne faite d’offres et de demandes, d’excédents et de déficits, qui restent équilibrés pourtant au sein de la zone euro.

Nous voulons faire comprendre à l’Allemagne – certes dans un rapport de forces auquel elle nous oblige - que son intérêt à court, moyen et long terme reste malgré tout l’Europe dont elle ne peut tirer profit sans être aussi solidaire ; cette Europe qui est un bien pour tous et non une propriété allemande.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !