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Les Français face aux inégalités : une inquiétante hallucination collective
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"La chasse aux nantis"

"Salauds de pauvres !" lançait souvent Coluche pour fustiger ceux qui méprisent le prolétariat. En rupture totale avec la pensée dominante, "Salauds de riches !" de Frédéric Georges-Tudo ne cherche pas à défendre les riches mais à combattre les arguments de ceux qui font d'eux les parfaits boucs-émissaires de tous les maux du monde. Extraits (2/2).

Frédéric Georges-Tudo

Frédéric Georges-Tudo

Journaliste économique, Frédéric Georges-Tudo a notamment occupé la fonction de rédacteur en chef adjoint de L'Entreprise (groupe Express-Expansion) puis de Management (Prisma Presse).

Désormais en profession libérale, il a fondé Liberty Street, une agence de communication spécialisée dans le conseil et les contenus éditoriaux pour les entreprises.

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À l’instar de l’appauvrissement généralisé dont ils s’estiment victimes, les Français demeurent désarmants quant à leur perception des inégalités. L’exceptionnelle prodigalité de notre mécanisme de redistribution ? La moindre des choses ! Notre première place mondiale en matière de protection sociale rapportée à la richesse produite ? Peu importe ce que font les autres ! La réduction continue des différences de revenus sur le long terme ? Le passé, c’est le passé ! Selon une enquête du ministère de la Santé réalisée par l’institut BVA en octobre 2010, 78 % des sondés estiment que la société fran­çaise est « plutôt injuste ». Une étude réalisée par le Crédoc durant l’été 2011 parvient aux mêmes conclusions : 83 % des personnes interrogées considèrent vivre dans un pays où « la cohésion sociale n’est pas forte ».

Enfin, dans un sondage Ipsos de novembre 2011, lorsqu’on leur demande ce qui « menace le plus aujourd’hui la capacité à bien vivre ensemble en France », nos compatriotes répondent en priorité « l’ac­croissement des inégalités sociales ». Bien avant « la crise économique », « les extrémismes politiques » et « les extré­mismes religieux ». Des résultats tout simplement sidérants.

La campagne de désinformation méticuleusement orches­trée par certains médias, associations et partis politiques n’est sûrement pas étrangère à cette hallucination collective. Mais elle ne peut suffire à justifier un tel décalage entre la réalité et la perception. De toute évidence, les causes de cette croyance erronée sont plus profondes. Sur le plan conjonc­turel, il faut sans doute y voir les angoisses liées à la crise économique. Reste que le phénomène est avant tout culturel. La terre promise de l’égalitarisme ne s’est jamais départie de sa passion pour l’uniformité, le nivellement, l’homogénéité, l’aplanissement, l’équité, l’alignement…

Du « liberté, égalité, fraternité » inscrit au fronton de nos mairies, seul le terme central semble avoir droit de cité. Comment expliquer, par exemple, que l’Inde, terre d’immense iniquité sociale, soit si peu obnubilée par la question ? Dans notre chère République, elle fait figure de cause nationale perpétuelle. Puisque ce sentiment d’injustice ne repose sur rien de tangible, il est d’ail­leurs très improbable qu’une baisse drastique des écarts de gains suffise à éteindre les frustrations…

« Quand mon voisin s’achète une grosse voiture, mon niveau de vie relatif baisse, souligne avec malice l’économiste Michel Godet dans Le Figaro du 30 avril 2010. Cette remarque fait toujours sourire. On aurait cependant tort de ne pas la prendre au sérieux, car elle permet de comprendre une partie du mal-être actuel de la société française. L’herbe du pré voisin paraît toujours plus verte et l’envie nous taraude. Au lieu d’être satisfait de ce que l’on a et de ce que l’on est, on est frustré de ce que l’on n’a pas. L’amélioration du niveau de vie de 50 % par habitant et le gain de cinq années de vie en plus depuis 1980 en France n’ont pas suffi à rendre les gens plus heureux. »

Que le chômeur en fin de droits souffre de ne pouvoir partir en vacances est concevable. Que le SDF invisible aux yeux des passants indifférents en veuille à la terre entière, rien de plus logique. Beaucoup plus étonnante est la douloureuse amertume ressentie à tout bout de champ par l’immense majorité. Par exemple, lorsqu’elle découvre que l’héritière de L’Oréal partage son temps entre son vaste hôtel particu­lier de Neuilly-sur-Seine et son île privée des Seychelles. En effet, quelques-uns possèdent une immense fortune. L’argent appelant l’argent, elle ne cessera jamais de croître.

Cette réalité a-t-elle une incidence sur le quotidien du plus grand nombre ? Pas la moindre. Hormis peut-être un bref ressenti­ment à imaginer ce qu’est l’existence de ces 2 000 personnes, dont le sort devrait donc nous laisser froid. Toujours avec le même bon sens, Michel Godet note que « ce sont surtout les inégalités entre riches qui se sont accrues. Les petits riches sont devenus relativement pauvres par rapport aux grands riches. Mais convenons que c’est un problème au sein des 10 % de ménages les plus riches qui ne concerne pas vraiment les 90 % restants. »

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Extraits de Salauds de riches ! BOURIN EDITEUR (20 avril 2012)

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