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Fournisseurs vs distributeurs: 
un match déséquilibré
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Commerce

David contre Goliath version grande distribution : comment les fabricants et les consommateurs paient les pots cassés d’un système absurde

Aurélien Condomines

Aurélien Condomines

Aurélien Condomines est l'associé responsable du droit économique au sein d'Aramis. Son exercice professionnel couvre le droit de la concurrence et le droit économique (distribution, consommation, droit douanier).

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Le combat semble déséquilibré. D’un côté, les distributeurs : des mastodontes au pouvoir de négociation extrêmement fort. De l’autre, les fabricants de produits de grande consommation qui tentent de défendre leurs intérêts. Depuis deux ans, la loi impose à ces acteurs de la grande distribution de conclure, avant le 1er mars, un accord annuel fixant les conditions d'achat des produits par les distributeurs. Les négociations en vue des accords de 2012 ont déjà commencé. Elles s'annoncent très difficiles pour les fabricants.

Des réformes peu inspirées

Les principaux objectifs des nombreuses réformes conduites dans ce secteur - parfois contradictoires - ont été de protéger le petit commerce, de limiter les abus des distributeurs à l'égard des fournisseurs et de maîtriser les prix de vente aux consommateurs. Par effet de cette politique peu inspirée, la grande distribution française est dominée par un puissant oligopole sans pour autant qu’il en résulte des prix au consommateur particulièrement bas.

Un système complexe… et hypocrite

Le commerce de détail français a longtemps été régi par trois contraintes :

  • la limitation de l'implantation de nouvelles grandes surfaces,
  • l'interdiction faite aux fabricants de pratiquer des prix différents à l'égard de leurs clients distributeurs
  • l'interdiction faite aux distributeurs de revendre à perte, c'est à dire en dessous du prix d'achat des produits.

    De ce contexte est née la pratique des "marges arrières", qui consiste à prévoir la rémunération, par les fabricants, de services souvent artificiels et non sollicités qui leurs sont rendus par les distributeurs. Par exemple, des prestations de conseil aux fabricants sur les tendances de marché, ou l'organisation d'animations en magasin.

En 2008, le législateur a aboli l'un des piliers de ce système : les fabricants sont désormais libres de négocier des tarifs différents avec leurs clients distributeurs. Par ailleurs, l'autorisation requise pour créer de nouveaux magasins a été assouplie. Nous n'héritons donc du passé que la situation oligopolistique du marché de la grande distribution et l’interdiction de revente à perte.

L’interdiction de revente à perte : une absurdité

Il y aurait beaucoup à dire sur cette interdiction: elle conduit essentiellement à un système archaïque qui empêche les distributeurs de baisser leurs prix, sous prétexte de protéger le petit commerce. En réalité, ce petit commerce a depuis longtemps disparu ou s’est adapté à la situation : il s’est spécialisé (bio, snacking, etc.), cible une clientèle ou des besoins spécifiques et offre certains services (livraisons, horaires tardifs, etc.). Le développement des supermarchés de proximité de type Carrefour Market ou Daily Monop montre d’ailleurs qu’il existe une demande des consommateurs qui n’est pas satisfaite par les grandes surfaces et qui n’a donc rien à craindre de celles-ci.

Des distributeurs tout puissants

Côté distributeurs, leur puissance est telle que ceux-ci continuent d'exiger des fabricants des efforts importants, sans que cela se traduise par des baisses des prix de détail. Nous continuerons donc à voir dans nos supermarchés des stands pour goûter tel ou tel produit, qui ne sont souvent qu'une façon pour le distributeur de rendre au fabricant un service sur-rémunéré et non sollicité. Pendant ce temps, le distributeur doit faire avec la législation en vigueur et ne peut donc pas tenter de gagner de la part de marché sur ses concurrents en baissant ses prix en dessous du seuil de revente à perte fixé par la loi.

Une situation ubuesque

Certes, Bercy est parvenu à faire sanctionner en 2009 et en 2010 la plupart des grandes enseignes de distribution, en raison du caractère artificiel de certaines prestations imposées aux fabricants : les  tribunaux ont ordonné aux distributeurs de restituer aux fabricants les rémunérations indûment versées. Cependant, et cela illustre bien le rapport de force actuel, la plupart des fabricants concernés a annoncé qu'ils ne réclameraient pas cet argent. En effet, ils savent bien que les distributeurs trouveraient sans doute de nouveaux dispositifs pour compenser le coût de ces sanctions financières. Cette renonciation à plusieurs millions d'euros de restitutions montre on ne peut mieux que le système marche sur la tête.

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