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La flexibilité du temps de travail
n'est pas un gros mot !
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35 heures chrono

La flexibilité du temps de travail pourrait être à l'ordre du jour du prochain sommet pour l'emploi du 18 janvier prochain. Alors que les Verts proposent les 32 heures, d'autres prônent une libéralisation du temps de travail. Le sujet devrait s'immiscer dans la présidentielle...

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon est présidente du Mouvement ETHIC (Entreprises de taille Humaine Indépendantes et de Croissance) et chef d’entreprise (SDME).

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Les 35 heures nous collent à la peau et provoquent un prurit bien français que nous ne parvenons pas à apaiser. Le sommet pour l’emploi, programmé le 18 janvier 2012, promet avec la perspective des présidentielles, d’être un crêpage de chignon généralisé.

C’est de notre rapport au travail qu’il s’agit et c’est là que réside toute la difficulté de remédier à une croissance plus que compromise. Notre dépression paresseuse conduit inlassablement ce fameux temps de travail sur la table. Les chefs d’entreprises ne se remettent pas de cette "réduction" qui a bouleversé les habitudes, les cadences, la productivité mais aussi et surtout les mentalités.

Le sigle RTT passé dans le langage courant est devenu un dû que notre économie peine à intégrer. Mais rien n’est simple et l’on regrette que dans l’euphorie qui a suivi les présidentielles, nous ne soyons pas revenu aux 39 heures même si l’on peut comprendre l’étendue et la complexité du problème. Tout le monde est coupable et chacun voit midi à son clocher !

Rappelons-nous déjà la bagarre de ces "35 heures payées 39". Ce sont donc et d’abord les salaires qui sont en cause autant que l’organisation du travail. D’où la rustine des heures supplémentaires défiscalisées qui coûtent si cher à l’Etat et qui complexifient encore la donne. Avant d’entamer toute négociation qui aurait une chance d’aboutir, il convient de poser les problèmes sur la table :

  • Les branches et les groupes puissants ont été capables de négocier des contreparties intéressantes en matière de flexibilité au moment du passage aux 35h heures. De longs mois et des discussions difficiles et chronophages ont fini par aboutir. Aussi, lorsqu’il s’agit d’envisager de se remettre autour de la table, le patronat freine des quatre fers. L’idée de repartir à zéro a semblé insurmontable à beaucoup, y compris à des moyennes entreprises qui avaient consacré une énergie, un temps et un budget considérables pour rééquilibrer leurs activités ; l’attribution des fonctions et du temps, les lois Aubry 1 et Aubry 2 ayant été un véritable casse-tête.
  • Le refus du MEDEF de s’atteler à la pénibilité a été une véritable erreur car un profond sentiment d’injustice sociale s’est ancré dans les esprits.
  • Dans la Fonction Publique, la situation s’est avérée catastrophique et la nécessité de réduction des dépenses de l’Etat qui consiste à tenter de diminuer le nombre de fonctionnaires a empiré considérablement les choses (épée de Damoclès sur les congés non pris à l’hôpital, etc.). La réduction du temps de travail est donc devenue un problème spécifique, à traiter à part, dans les administrations, créant une nouvelle fracture inégalitaire.
  • Les PME, comme d’habitude, sont un peu passées entre les gouttes mais cela a contribué au fait que notre tissu de petites entreprises, aussi dynamiques soient-elles, n’arrivent pas à grandir comme celles de nos voisins.
  • Le principe de responsabilité individuelle et la nature du management ont été lourdement perturbés. Le stress croissant est un poison qui a clairement été amplifié par les 35 heures. Nombreux sont ceux qui ont effectué les mêmes tâches en moins de temps. D’autres ont cumulé des charges supplémentaires. Les cadres qui ne comptent pas leur temps de travail (forfait cadre) ont ressenti et transmis une pression sur les objectifs, nuisible à leur équilibre et à celui de leur entreprise. Avec l’accélérateur et l’ubiquité liée aux nouvelles technologies, ils n’arrêtent pas et compensent grâce aux RTT, promesses de vacances fréquentes auxquelles ils ne sont pas prêts de renoncer.
  • Pour couronner le tout, nous avons, qu’on le veuille ou non, "le congé maladie" facile et exagéré.

Comment, à partir de cet état des lieux, faire la part des choses ? Comment arriver à négocier dans un pays qui n’a pas la culture du dialogue social ? Comment, en un mot, travailler plus sans pénaliser ceux qui ont un travail difficile et pénible ? Comment payer mieux le travail alors que les caisses de l’Etat sont vides et que les marges des entreprises se réduisent de plus en plus ?

Il faut de la flexibilité et c’est un gros mot. Il est synonyme dans les médias de "salariés kleenex" et d’exploitation abusive. Le débat sur l'ouverture des boutiques le dimanche en est un exemple. On estime que c’est à l’entreprise de s’adapter et non aux salariés de le faire et nous conspuons la mondialisation.

Prendre en compte toutes ces considérations nécessite un sens de l’urgence nationale pour faire des efforts. Cela veut dire que, sans exception, tous les partenaires (salariés, patrons, fonctionnaires, syndicats) doivent renoncer à quelque chose et revenir sur des "droits acquis". Quant aux solutions simples, n’en parlons pas ! Alain Madelin a raison lorsqu’il ricane : "L’UMP propose d’augmenter le temps de travail par l’ouverture de négociations de branches. On reste stupéfait devant l’audace d’une telle proposition. A se demander si les ministres et les députés lisent les lois qu’ils votent ou font voter. Car, faut-il le rappeler, cette possibilité de déroger aux 35 heures existe déjà : c’est la loi du 20 août 2008."

Certaines propositions éparses ne sont pas inintéressantes mais n’ont pas de sens, détachées du contexte général. "Échanger temporairement des baisses de salaires et du temps de travail contre la préservation de l’emploi". Où ? Quand ? Combien de temps ? Insignifiant par rapport au rétablissement général qu’il convient de faire.

Le vrai danger c’est encore une fois d’empiler une mesure supplémentaire administrativement lourde et psychologiquement difficile. La vraie flexibilité finalement, c’est le contraire de la préservation de l’emploi à tout prix.

A tout cela, il y a aussi un préalable totalement inacceptable : laisser les entreprises travailler ! Arrêter de leur compliquer la vie, de les contrôler sur des détails, de complexifier en permanence les règles, de les affubler d’une insécurité juridique, fiscale et sociale. Toute frilosité est un risque supplémentaire pour l’emploi. Pas facile de prendre les bonnes décisions et surtout de faire preuve d’une bonne volonté générale.

Il ne s’agit pas de faire de la politique mais de sauver l’activité économique du pays ! Qu’on se le dise… surtout lorsque certains proposent 32 heures !

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