Flambée des taux d'incidence Covid dans certains départements : mais que laisse-t-on se passer dans les écoles ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une enseignante vaporise du gel hydroalcoolique sur les mains des élèves, en novembre 2020, alors que les élèves reviennent en classe.
Une enseignante vaporise du gel hydroalcoolique sur les mains des élèves, en novembre 2020, alors que les élèves reviennent en classe.
© PATRICK HERTZOG / AFP

Covid-19

Dans certains départements, le taux d’incidence est en forte hausse. Les augmentations les plus spectaculaires concernent les plus jeunes. La situation est-elle inquiétante ? Quelle est la responsabilité de l’école dans ces contaminations départementales ?

Claude-Alexandre Gustave

Claude-Alexandre Gustave

Claude-Alexandre Gustave est Biologiste médical, ancien Assistant Hospitalo-Universitaire en microbiologie et ancien Assistant Spécialiste en immunologie. 

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Elisa Zeno

Elisa Zeno

Elisa Zeno, ingénieur de recherche, est membre du collectif de parents d'élèves « École et Familles Oubliées ».

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Atlantico : En Lozère le taux d’incidence dépasse désormais 100, c’est le niveau le plus élevé pour un département en France métropolitaine et si l’on se réfère à météo-covid, les taux d'incidence parmi les plus jeunes sont bien plus élevés. A quel point la situation est-elle inquiétante ? Quelle est la responsabilité de l’école dans ces contaminations départementales ?

Elisa Zeno : En effet en Lozère, même avant l’augmentation de l’incidence en population générale, la situation s’est fortement dégradée chez les enfants pour arriver à une circulation virale très active et inédite pour le département : au 9 octobre, le taux d’incidence était de près de 400 pour les 3-5 ans et plus de 600 pour les 6-10 ans, avec respectivement un taux de positivité de 9 et 7 fois supérieur à celui des adultes (17,2%, 21,6%vs 2,3%). S’agissant d’un département peu peuplé, il suffit d’une centaine de cas, soit avec le variant Delta la taille de quelques clusters, pour atteindre des niveaux si élevés. L’ARS confirme effectivement deux clusters dans des établissements scolaires. Or, ces informations sont alarmantes pour plusieurs raisons. D’une part, il est évident que les mesures de prévention dans les établissements scolaires dont le dispositif de dépistage, traçage et isolement, n’ont pas été assez efficaces pour éviter la propagation. D’autre part, cette situation illustre l’incohérence et le danger de décider d’une mesure qui concerne les enfants, telle que l’abandon du masque à l’école, sur la base d’un indicateur de la circulation virale chez les adultes. Le 4 octobre, alors qu’ils rentraient en classe sans masque, l’incidence chez les écoliers en Lozère était déjà de 250, contre 25 à fin septembre, alors qu’en population générale, le taux était de 48 !

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Au-delà du cas d’école que semble être la Lozère, que sait-on de la corrélation entre contaminations dans les établissements scolaires et hausse des taux d’incidence locaux ?

Elisa Zeno : Il faudrait pour cela connaître les contaminations dans les établissements scolaires, car non seulement les chiffres remontés par l’Education Nationale sont systématiquement inférieurs à ceux de Santé Publique France, mais les enfants continuent également d’être souvent sous-dépistés. La situation est très hétérogène sur le territoire : par exemple, si le taux de dépistage des 6-10 ans dépasse 4000 pour 100 000 au niveau national, sa valeur est inférieure à 2000 dans plus de 14 départements en France métropolitaine, qui deviennent 47 si l’on s’intéresse aux 3-5 ans. Cependant, une corrélation entre les contaminations en milieu scolaire et la hausse des taux d’incidence locaux est vérifiée dans plusieurs cas : par exemple la semaine dernière, une flambée épidémique a eu lieu autour de Limoux (Aude), où le taux d'incidence était cinq fois supérieur au seuil d'alerte et à la moyenne du département. Un collège avait été fermé quelques jours plus tôt en raison d’un nombre élevé des cas. D’ailleurs, très étonnant, deux jours plus tard, le point de situation de l'Éducation Nationale ne comptabilisait aucun collège fermé, contrairement au point de l’Académie de Montpellier. La Lozère risque de ne pas être une exception, dans d’autres départements la flambée chez les enfants est suivie par une augmentation du taux d’incidence tous âge confondus, c’est le cas de la Creuse, avec un taux de plus de 400 chez les 6-10 ans et en augmentation en population générale. Des tendances similaires, moins marquées, se retrouvent dans plusieurs départements, Ardennes, Dordogne, Nièvre, Somme, etc. , où par ailleurs le port du masque à l’école a été levé. S’ils est encore tôt pour conclure sur l’impact de l’absence du masque, cela serait cohérent avec les conclusions du rapport des CDC américains, qui note une augmentation des cas pédiatriques pour les Etats où le masque n’était pas obligatoire à l’école[1].

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Le protocole Covid des écoles est-il insuffisamment appliqué ou simplement insuffisant ?

Claude-Alexandre Gustave : La communication de l’Education Nationale est une honte ! Leur infographie sur les cas détectés chez les élèves est tout simplement mensongère !

Ils indiquent « 3869 cas » (sur 1 semaine), qu’ils rapportent aux 12 223 000 d’élèves, afin de déclarer seulement « 0,03% » d’élèves infectés !

C’est absolument mensonger ! Seuls 186 281 tests ont été réalisés !

C’est-à-dire seulement 1,52% des élèves testés !

Il n’y a donc pas 0,03% d’élèves infectés dans les écoles, il est impossible de conclure cela à partir d’un tel dépistage ridiculement insignifiant !

Tout ce qu’on peut dire c’est que le taux de positivité des tests scolaires est de 2,08% ce qui est nettement supérieur à la moyenne nationale ! (1,1% sur la même semaine d’après SI-DEP).


L’infographie indique également 368 923 tests ont été proposés, et 186 281 réalisés…. Mais de toute façon, même si tous les tests proposés avaient été réalisés, cela resterait insignifiant !

Avec un tel niveau de dépistage ridiculement bas, l’objectif n’est absolument pas d’éviter les contaminations à l’école mais d’en donner une image « rassurante » massivement sous-estimée, afin d’assurer une stratégie dite « d’immunité hybride » laissant circuler massivement le virus dans cette population qui n'est pas vaccinée, avec tous les risques aigus et chroniques pour les enfants, mais aussi les risques de diffusion aux autres classes d’âges, et tous les risques d’évolution virale accélérée par une circulation intense non-documentée chez les enfants !

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Si on voulait vraiment sécuriser les écoles et y éviter la circulation virale, il faudrait au minimum 2 tests par élève par semaine soit 200% au moins des élèves testés chaque semaine !

On en est plus que loin.

La mascarade devient insupportable !

D’ailleurs, parlons également des masques à l’école ! Toujours pas de recommandation pour des FFP2 (niveau minimal requis pour la protection contre les aérosols). Au lien de ça retrait de l’obligation du masque si le taux d’incidence est inférieur à 50 cas détectés pour 100 000 par semaine pendant 5 jours d’affilée. Passons outre l’activité de dépistage insignifiante (à peine 4,58% de la population chaque semaine), quel est le critère pour rétablir cette obligation du masque quand l’activité virale repart à la hausse ? Certains départements ont vu leur taux d’incidence repasser au-dessus de 50, l’obligation du masque à l’école n’est pas revenue pour autant !

Il n’y a jamais eu d’objectif de lutte contre la contamination des citoyens. L’an dernier c’était le story telling de « l’immunité collective ». Quand il est devenu impossible de maintenir ce délire devant les évidences scientifiques montrant qu’elle n’existe pas pour un tel virus, nous sommes passés à ce qui est désormais le story telling de « l’immunité hybride » dans lequel on nous vante désormais les bienfaits d’être infecté après avoir été vacciné !

La réponse sanitaire de ce pays aura été et restera une insulte à la science.

Elisa Zeno : Le protocole sanitaire est insuffisant à plusieurs égards, que ce soit pour l’identification des cas, ou pour prévenir les transmissions dans les établissements. Contrairement aux protocoles d’autres pays, comme l’Autriche, certains Etats de l’Allemagne ou le Royaume-Uni, il ne prévoit pas de dépistage systématique. La liste des signes évocateurs pour isoler une personne présentant des symptômes dans un établissement n’est pas exacte, la fièvre ou la sensation de fièvre ne sont pas systématiquement associés à l’infection respiratoire aiguë, qui se manifeste parfois uniquement par la toux. Cinq minutes d’aération toutes les heures peuvent ne pas suffire, mais sans détecteurs de CO2, aucune vérification n’est possible. Aucune solution n’a été proposée pour le repas, un des moments les plus à risque de la journée. Les activités comme l’EPS en intérieur, le chant, à forte émission d’aérosol, sont autorisées dans presque tous les niveaux. Enfin, du fait du caractère facultatif de la majorité des mesures prévues (distanciation, surveillance de l’aération, brassage), le protocole est aussi insuffisamment appliqué, souvent car les conditions du terrain ne le permettent pas, faute d’investissements pour réduire les effectifs dans les classes et équiper les locaux de détecteurs de CO2 ou de purificateurs d’air si besoin.

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Risque-t-on une reprise épidémique via les écoles ? Que faudrait-il faire pour éviter que les choses empirent ?

Elisa Zeno : Dans son avis du 5 octobre, le Conseil Scientifique écrit s’attendre à une possible reprise de l'épidémie dans les semaines à venir. L’exemple du Royaume-Uni montre clairement la reprise épidémique à partir des enfants et adolescents : début septembre, après la rentrée, alors que les taux d’incidence baissaient dans les autres classes d’âge, ils augmentaient rapidement chez les 10-14 ans pour atteindre des niveaux records, la semaine dernière 1 enfant du secondaire sur 14 a été infecté. Aujourd’hui, la reprise est visible pour tous en termes de cas, admissions à l’hôpital et décès. Sajid Javid, le secrétaire d'État à la Santé, se dit préoccupé par le nombre croissant de personnes souffrant de Covid longs. D’ailleurs les témoignages sur le Covid long pédiatrique se multiplient aussi.

Pour éviter la multiplication des cas en milieu scolaire, et plus généralement à partir des enfants, notamment les moins de 12 ans non vaccinés, il faudrait adopter des véritables mesures de prévention dans les écoles et dans tous les lieux fréquentés par des enfants. Puisqu’il n’y a plus aucun doute sur le caractère dominant de la transmission aéroportée du virus, la surveillance du renouvellement de l’air par des détecteurs de CO2 devrait être une obligation, ainsi que l’installation des purificateurs d’air dans les lieux où l’aération est insuffisante, l’adoption de ces équipements doit être accompagnée par un effort important de pédagogie sur les modes de transmission.  Seul un dépistage systématique, comme recommandé par le Conseil Scientifique et le Comité d’Orientation de Stratégie Vaccinale (COSV), et par le rapport de la Mission d’Information au Sénat permet d’identifier précocement les cas, pour tracer et isoler. Enfin, le passage d’un niveau à l’autre du protocole devrait se déclencher au dépassement de seuils, connus et expliqués, d’indicateurs de l'activité épidémique, y compris chez les enfants et les adolescents, stables sur une période de deux semaines. Les activités à risque, comme le sport en intérieur ou le chant, devraient être permises uniquement en cas de très faible circulation virale. La levée du port du masque ne devrait pas être envisagée avant que les mesures préventives comprenant l'aération, le dépistage et les seuils soient réellement opérationnelles, et dans tous les cas uniquement si les taux d’incidence sont très faibles et stables.

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[1]Budzyn SE, Panaggio MJ, Parks SE, et al. Pediatric COVID-19 Cases in Counties With and Without School Mask Requirements — United States, July 1–September 4, 2021. MMWR Morb Mortal Wkly Rep 2021;70:1377–1378. DOI: http://dx.doi.org/10.15585/mmwr.mm7039e3external icon

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