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Finie l’UMP, bonjour “Les Républicains” : un choix en résonance avec la vacuité idéologique de l’époque
©Reuters

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L'UMP s'apprête à changer de nom, et devrait adopter une dénomination qui se veut fédératrice mais au sens vague. Un manque de clarté qui devrait brouiller un peu plus les repères traditionnels structurant la pensée politique.

Jean Garrigues

Jean Garrigues

Jean Garrigues est historien, spécialiste d'histoire politique.

Il est professeur d'histoire contemporaine à l' Université d'Orléans et à Sciences Po Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin, 2007), La France de la Ve République 1958-2008  (Armand Colin, 2008) et Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française (Seuil, 2012). Son dernier livre, Le monde selon Clemenceau est paru en 2014 aux éditions Tallandier. 

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Philippe Braud

Philippe Braud

Philippe Braud est un politologue français, spécialiste de sociologie politique. Il est Visiting Professor à l'Université de Princeton et professeur émérite à Sciences-Po Paris.

Il est notamment l'auteur de Petit traité des émotions, sentiments et passions politiques, (Armand Colin, 2007) et du Dictionnaire de de Gaulle (Le grand livre du mois, 2006).

 

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Atlantico : Nicolas Sarkozy devrait probablement confirmer son souhait de voir l'UMP se renommer "les Républicains". Pourquoi ce choix, assez brusque, d'un nom aussi large ? Quel sens porte-t-il (s'il en porte un) ? Et en quoi cela conforte-t-il l'idée que le "corpus républicain" est forcément la réponse à tout ?

Philippe Braud : Nicolas Sarkozy est motivé d’abord par des considérations tactiques. Pour s’affranchir des règles statutaires actuelles et des engagements de l’Ump pour des primaires ouvertes, il a besoin de lancer un nouveau parti avec de nouveaux statuts. Cela se concrétise naturellement dans le choix d’une nouvelle appellation.

Dans l'opinion publique, être réublicain est une idée partagée par tous, y compris d'ailleurs par l'extrême droite. Et même l'extrême gauche, malgré son positionnement, y est également largement rallié. Il est donc toujours avantageux pour un parti de porter un nom aussi valorisant, il y a même une certaine logique à cela. C'est même d'autant plus valorisant pour un parti de droite. S'annoncer "républicain", c'est donc s'affirmer sur une position de consensus, sur quelque chose qui est quasiment la "religion officielle" de la France.  

Ce terme de "Républicains" correspond-il vraiment aux grands principes de l'UMP ? Sonne-t-il "juste" pour le parti ?

Philippe Braud :Aujourd’hui les principes républicains sont revendiqués par presque tout le monde, et ils bénéficient d’une grande légitimité dans l‘opinion publique. L’UMP s’inscrit à coup sûr dans cette mouvance républicaine. Mais dans le contexte politique actuel, cela signifie aussi l’établissement d’une ligne de démarcation avec le Front national, suspecté lui de ne pas être républicain.

Par rapports aux évolutions historiques de la droite française, comment analyser d'une part ce changement de nom, et d'autre ce choix du terme "Républicains" ?

Jean Garrigues : Jean Garrigues : Dans l’histoire de la droite sous la Ve République, les changements de nom sont associés aux leaders qui incarnent la droite. On a créé un "RPF" sur-mesure pour le général de Gaulle, puis ensuite l’UNR. Quand Jacques Chirac a pris le contrôle de l’UNR – devenu entre-temps "UDR" – en 1974, il a créé un nouveau parti : le RPR. Et quand il a voulu rassembler les familles politiques de la droite pour sa réélection en 2002, il a fondé l’UMP. ON est dans une logique de machine électorale pour le leader de la droite.

Le choix du terme "Républicains" s’inscrit dans la continuité de ce qui a existé, puis que le RPR était le "Rassemblement pour la République". Ce terme prend maintenant une dimension particulière dans la période actuelle, et notamment la manifestation du 11 janvier qui a visé à réaffirmer les principes de la République. Et il y a bien sûr la question de la position du Front national face à ce socle. C’est un terme qui affirme une volonté de « combat » contre ceux qui ne respecteraient pas ces principes, donc le FN. C’est assez ambigu par rapport aux prises de position de Nicolas Sarkozy lors des élections du Doubs, où il n’était pas aussi tranché vis-à-vis du FN. "Républicains" peut enfin renvoyer à l’idée du parti "républicain" américain, sachant que Nicolas Sarkozy a toujours manifesté une certaine fascination envers les Etats-Unis. Mais je pense que l’on reste plus sur une question de valeur à l’échelle française.  

Philippe Braud : Les partis de gauche issus du mouvement ouvrier ont eu des appellations de combat : "parti communiste", "SFIO Section française de l’internationale ouvrière" ( et l’adjectif "socialiste" sentait encore la poudre jusqu’au début du XXe siècle). En revanche les partis issus de la démocratie parlementaire ont toujours cultivé des appellations plus consensuelles : "parti radical", "républicains de gauche", « rassemblement des gauches républicaines », « Indépendants, paysans d’action sociale », "UNR, Union pour la Nouvelle République" etc.  A noter le précédent encore plus direct du Parti Républicain, fondé au début des années 80 par François Léotard et ses amis. On y constate à peu près la même justification sémantique et tactique que celle qui anime Nicolas Sarkozy. Ratisser large, et exclure des opinions illégitimes.

Prendre un nom de parti aussi large n'est-il pas une manière de "brasser du vide" ?

Philippe Braud : La dénomination d’un parti remplit deux fonctions. Intégrer et exclure. Le choix de ce nom : Les républicains, signifierait à la fois une identité positive pour ceux qui s’y rallient, et un stigmate virtuel pour ceux qui restent à l’extérieur. Le changement de nom est conçu pour faciliter une pêche aux voix aussi large que possible. Mais il s’agit aussi, plus précisément, de semer le trouble dans les intentions de vote FN. Ne pas rallier le nouveau parti, concrétiser une simple intention par un vote pour le parti de Marine Le Pen, ne serait-ce pas un acte anti-républicain ? Donc plus lourd de culpabilité…

Certes ce genre d’appellation est un peu vague, un peu fade aussi. Mais en réalité, il est dans la logique des appellations de beaucoup de partis. Puisqu’il convient que le maximum de gens puissent s’y identifier, il faut presque fatalement recourir à des mots, sinon passe-partout, du moins fortement élastiques. D’ailleurs même un adjectif comme « socialiste », dans l’appellation « Parti socialiste » l’est devenu. Il n’a plus le sens précis que la tradition historique lui donnait au XIXe siècle.

Quelles ont été les conséquences réelles dans le passé d'un changement de nom à droite ? Cela a-t-il été un vrai catalyseur, ou une réforme "cosmétique" ?

Jean Garrigues : Jean Garrigues : La réponse est complexe. Si on remonte au RPF du général de Gaulle, il y a un vrai sens historique dans le choix de cet intitulé car il y a la figure du général qui incarne cette idée de rassemblement. En revanche, avec Jacques Chirac et la naissance du RPR en 1976, il y a la volonté de reconstruire un parti contrôlé par les chiraquiens. On est vraiment dans le cosmétique. Par contre, cela a une valeur politique permettant à Jacques Chirac d’incarner le renouveau de la famille gaullienne. L’UMP est un peu dans me même phénomène mais il y avait la volonté de rassembler toutes les droites et le centre. Le changement de nom n’était pas purement de façade, il correspondait à un vrai renouveau de la structuration entre gaullistes, libéraux et centristes. 

Philippe Braud : Sous la IIIe comme sous la Ve république, ces changements de noms ont été fréquents. L’UNR, fondée en 1958, est devenue l’UDVe,  puis l’UDR, puis le RPR puis l’UMP.A chaque fois, il s’agit de changer les statuts pour incorporer des personnalités nouvelles… ou se débarrasser de rivaux gênants. Les considérations idéologiques ou de principe y tiennent peu de place.

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